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Elle commande: Viens en aide à ce que depuis longtemps [la nature a uni

étroitement à ton cœur par de beaux et solides liens, malheur, malheur à toi, si tu recules à l'heure du péril!

La Norne Skulda lit ton histoire, ne pense pas la tromper; elle réclame des actes pour ce qui est l'essence même de ton être, et non pas seulement des tirades sonores.

La Norvège ternira-t-elle par un acte déloyal

l'aube radieuse de sa jeune liberté ?

Dites, qui a suggéré au peuple le conseil

de se tenir en repos, pendant que le sang des Danois coule?

Est-ce que ce sont les hommes que le peuple a élus pour défendre sa gloire dans cette assemblée?

Que n'avez-vous obéi aux beaux commandements de l'honneur pourquoi vous-mêmes attirer la honte sur vous?

Si le choix etait douteux, quand vous étiez libres

de suivre la voix de l'amour fraternel,

dites, n'avez-vous pas entendu alors l'appel du peuple?

Déjà l'Allemand continue sa marche en avant, et cependant vous avez pu oublier les malheureux qui plaçaient encore en vous un espoir joyeux...

Oscar, depuis longtemps vous étiez l'espoir du Nord, nous tournions les yeux vers vous avec confiance. Ne soyez pas sourd à l'appel de trois nations, qui attendent de vos lèvres la parole royale!

Votre promesse, Oscar, est une dette sacrée;

Grâce à vous, le Danemark peut encore obtenir son salut;
guidez-nous, vaillant prince, au bonheur du Nord,
il n'est qu'un moyen de l'assurer encore,

Que n'appelez-vous au conseil les hommes du peuple?
Ils répondront, Roi, sur-le-champ à votre appel,

car l'étincelle du passé, n'est pas encore éteinte dans le Nord!

Il est temps encore, une action prompte peut encore sauver le beau Danemark, avant qu'il ne succombe déçu dans sa confiance en une parole de roi! — ...

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Mais si l'espoir est déçu, si ce n'a été qu'une illusion, si le Danemark est laissé sans secours dans sa détresse, si la Norvège et la Suède trahissent la cause du Nord, alors que de nombreux Danois sont morts pour elle en héros;

Ecoutez, Danois, la parole d'un Norvégien :

ne vous en prenez pas au peuple tout entier innocent,

sachez-le, beaucoup d'entre nous se sont ceint joyeusement les reins pour combattre avec l'épée à vos côtés.

Dans les fjelds de la Norvège beaucoup de cœurs saignent, tant il en est ici qui brûlent pour vous,

et jamais, jamais la flamme fraternelle ne s'éteindra.

La bassesse seule répand des semences de haine et éveille les soucis absurdes de la sottise,

en menaçant le peuple de périls imaginaires !...

Encore une fois, nobles fils de la Norvège,

vaillants frères de Suède, — réveillez-vous donc !

Ecoutez, le bruit du combat qui se livre en Danemark retentit

bientôt le feuillet du livre du destin tournera.

[encore,

Songez que le Slesvig était, au temps passé, une branche superbe du chêne géant du Nord, que bientôt peut-être il ne restera du Danemark que sa gloire comme souvenir des siècles écoulés.

Songez au jugement que la postérité portera sur votre conduite, ne laissez pas tomber dans l'oubli le sublime commandement du

ne brisez pas

le beau lien fraternel du Nord;

[cœur,

Agissez hardiment par des paroles, par des écrits, avec l'épée, écoutez la voix de l'honneur, du devoir et de la raison, tendez cordialement au peuple frère une main fraternelle!

1904. 1er JUILLET.

HENRIK IBSEN.

Traduit avec l'autorisation de l'auteur, par CH. DE BIGAULT DE CASANOVE.

4

SAINTE-BEUVE ET GEORGE SAND

Ils étaient tous les deux du même âge, mais de caractère, sinon de tempérament, absolument opposé: elle, tout en dehors, de sens et d'esprit débridés, s'affichant sans vergogne avec ceux qu'elle aimait passionnément, sous prétexte que sa vie, de par la popularité, appartenait au public; lui, tout en dedans, voluptueux comme pas un, mais renfermé, replié sur lui-même, cachant sa vie de très bonne heure à l'aide d'un faux nom pour être plus libre de ses mouvements et pour mieux couvrir ses amours de contrebande. Très enthousiaste de sa nature, mais se méfiant de ses admirations et se reprenant presque aussi vite qu'il se donnait, tant le sens critique était développé en lui. Et tous les deux ayant cela de commun qu'ayant «< une âme d'acolyte » ils traversèrent à peu près les mêmes écoles, en quête d'un maître ou d'un guide, et que, sous le rapport des idées et des mœurs, ils n'avaient aucun préjugé.

I

Quand et comment s'étaient-ils connus? Ce fut au commencement de l'année 1833, par l'intermédiaire de Gustave Planche, qui était alors le cornac littéraire de George Sand son cornac et son chevalier servant. Sainte-Beuve avait parlé en termes élogieux d'Indiana et de Valentine, et elle avait exprimé le désir de l'en remercier de vive voix. Le premier billet d'elle fut pour lui demander deux places pour la première représentation de Lucrèce Borgia. Les suivants, qui ne se firent pas attendre, furent pour l'inviter à venir la voir aussi souvent qu'il le voudrait et puis pour lui demander des conseils. Entre temps ils s'étaient lu des fragments de Lélia et de Volupté, et cette double lecture avait achevé de les éclairer l'un sur l'autre. Si Lélia par sa hardiesse avait effrayé quelque peu Sainte-Beuve, Volupté, par son fonds de mysticisme, avait charmé le cœur de George Sand. « Vous êtes plus près de la nature des anges, lui écrivait-elle le 11 mars 1833; tendez-moi donc la main et ne me laissez pas à Satan. Faites ma paix avec Dieu, vous qui croyez toujours et qui priez souvent (1). »

(1) Voir à l'appendice de la dernière édition de Volupté, les pages critiques que la lecture de ce livre inspira à George Sand, en 1834. Le 15 décembre 1860, revenant sur ses premières impressions, elle écrivait

C'était l'heure où Sainte-Beuve était dans le fort de sa passion pour Mme X... et dans le plein aussi de sa ferveur religieuse.

Quant à George Sand, son cœur était pour le moment inhabité. Elle venait de rompre avec Mérimée auquel elle s'était donnée sans amour et qui ne l'avait pas comprise, et elle cherchait, non pas un amant, te se croyait désormais incapable d'amour, mais un ami sûr et de tout repos. Cet ami sincère et désintéressé, il lui parut qu'elle l'avait trouvé dans Sainte-Beuve.

« Si je vous comprends bien, lui mandait-elle le 3 juillet 1833, vous êtes intolérant, vous souffrez des choses que vous n'approuvez pas. Bien, c'est beaucoup que d'être ainsi, et quoique je me sois quelquefois moquée avec vous de ce je ne sais quoi de prêtre que vous avez dans l'esprit, j'admire cela. C'est en quoi vous me paraissez meilleur que les amis frivoles qui ne tiennent pas à estimer pourvu qu'on les amuse. J'ai de cette rigidité quand il s'agit de choisir un ami, mais quand je l'ai pris et adopté, je le subis tel qu'il est, car les anges peuvent tomber, et je ne reconnais pas d'autre perfection absolue que celle de Dieu! >>

Cependant Sainte-Beuve hésitait à entrer dans les vues que George Sand avait sur lui et ne répondit pas d'abord à ses ouvertures. Pourquoi? Elle s'en montra fort intriguée et chercha à en deviner la cause. A la réflexion, elle se dit que si ce n'était pas la religion, ce ne pouvait être que l'amour. Elle savait qu'il suivait alors la direction spirituelle de M. de Lamennais. Mais était-ce bien ce saint prêtre qui l'empêchait d'aller chez elle? n'était-il pas plutôt amoureux de quelque femme jalouse? Lasse d'attendre sa réponse, elle lui écrivit qu'elle avait besoin de lui, qu'il avait en lui cette force qu'elle cherchait, qu'elle ne sentait pour lui rien de cet engouement frivole qui peut se donner le change à luimême et convertir le remède en poison. « Je vous comprenais mieux, lui disait-elle, et je vous aimais d'une amitié douce, ferme

à Sainte-Beuve: «... Je vous dirai, dussé-je vous fâcher, que l'homme qui a écrit Volupté n'est pas un écrivain de second rang; il a tous les écarts, tous les mystères, toutes les souffrances et toutes les puissances du génie. Je n'avais pas été frappé de cela à la première lecture comme je l'ai été à la seconde, vingt-cinq ans plus tard, et je suis fâchée de n'avoir pas fait cette dernière lecture plus tôt. Je vous aurais abîmé dans mes Mémoires, j'aurais dit: « Il est de cette grande famille de passionnés et d'enthousiastes dont il dit tant de mal et tant de bien, comme s'il n'était pas juge et partie en dépit de lui-même. Il a classé les écrivains en deux séries: ceux qui ont plus d'éloquence et ceux qui ont plus de jugement; ceux qui agitent le monde et ceux qui le civilisent. Et il n'avait peut-être pas le droit de donner la préférence aux derniers, car il était des premiers tout autant que des seconds. Attrape ! »>

et loyale, à peu près comme j'aime Planche mais avec une plus haute estime >>. Et pour achever de la rassurer sur ses intentions, elle ajoutait en parlant de Planche: « On le regarde comme mon amant, on se trompe; il ne l'est pas, ne l'a pas été et ne le sera pas ».

Sainte-Beuve n'avait pas besoin pour lui-même de cette protestation d'amitié pure. Comme il le déclara plus tard, il était « garanti alors contre tout autre genre d'attrait et de séduction par la meilleure, la plus sûre et la plus intime des défenses (1) ». Mais il faut croire que cette garantie ne suffisait pas à la tranquillité de celle qu'il aimait, puisqu'il n'accepta le rôle tout particulièrement délicat qui lui était offert qu'après avoir mis les lignes rassurantes de Lélia sous ses yeux!... Ah! que je paierais cher le plaisir de lire dans l'original la réponse de Sainte-Beuve à George Sand! A-t-elle été perdue, qu'on ne l'a pas encore publiée, ou des scrupules exagérés, quoique respectables, empêchent-ils celui qui la détient de la livrer à l'impression? Toujours est-il que Sainte-Beuve profita de la permission de son amie entrer envers George Sand dans la voie des confidences.

pour

« Vous aimez, s'empressa de lui répondre Lélia, vous êtes aimé, vous êtes heureux ! que le ciel en soit béni! Mais gardez bien votre trésor et ne le risquez pour rien au monde. Toutes vos confessions augmentent ma vénération pour vous, et plus que jamais j'ai confiance à la parole d'un homme qui aime, qui lutte, qui souffre et prie!

« Si la personne, ajoutait-elle, dont vous m'avez parlé souvent, consent à ce que nous nous voyions quelquefois, à la bonne heure! Si vous croyez que la lecture de mes lettres puisse lui ôter tout motif de souffrance, montrez-lui mes lettres, confiez-lui mes aveux. Je ne crains aucune intolérance, aucune raillerie, aucune indiscrétion de la part d'une femme qui vous comprend et vous aime. Croyez que je sens tout le prix de votre amitié, que je respecte les sentiments de votre cœur et qu'à cet égard si vous avez jamais besoin pour elle de refuge, d'argent, de service quelconque, tout ce que j'ai est à vous (2). »

Et voilà comment Sainte-Beuve devint l'ami de George Sand, son confident le plus intime et, pour un temps au moins, son directeur de conscience.

II

Mais bientôt cette amitié toute fraternelle ralluma dans le cœur

(1) Portraits contemporains, t. I. Article sur George Sand.

(2) Lettre de George Sand à Sainte-Beuve.

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