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l'air de l'aimer; Dorlanges augmente fa furprite & fon dépit lorfqu'il af fecte de le protéger, de le préfenter, de lui faire les honneurs de la mailon, comme s'il en étoit djà le maître, Sa douleur est d'autant plus vive qu'il devient éperdûment amoureux d'Henriette à la première vue. Henriette, à fon tour, fent naître dans fon cœur une inclination violente pour cet Etranger; elle aime fon caractère folide, fa fenfibilité, ta modeftie; elle foupire d'être deftinée à un autre enfin Florville voyart que Dorlange eft fur le point dé. poufer Henriette, & fuppofant toujours qu'il en eft aimé, prend la réfolution de s'éloigner & part en effet; mais à peine eft il parti que Dorlanges, apprenant qu'on le prend pour un autre, & que celui qui vient de partir est le véritable Florville, lui dépêche fur-le-champ fon valet, avec un billet où il le preffe de revenir ce n'eft pas là un trait de générofité, mais de probité. Cẹpendant il fait grand plaifir aux Spectatenrs. Florville, qui prend le

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billet de fon rival un pour cartel, fe hate de revenir. Dorlanges qui fe croit toujours aimé d'Henriette, cherche à la dégoûter de lui-même, eaagère fes défauts, & lui confeille de préférer l'autre Voyageur; il n'a pas de peine à perfuader; Florville eft reconnu & ér oufe Henriette.

Tel eft, Monfieur, le plan de la Piéce : il eft peu naturel, à la vérité, qu'un bon père, ami de fa fille promette fa main à un inconnu quoique neveu de fon ami, & s'obtine à le lui faire époufer, lors même que fa fille lui témoigne fa répugnance; mais ce petit défaut de vraisemblance eft excufe par les beautés auxquelles il donne lieu. La fituation de Florville & d'Henriette qui s'aiment fans pouvoir, ni ofer le dire est très-intéreffante; mais elle reflemble trop à celle qui fe trouve dans l'Optimiste, où le Secrétaire & la fille de l'Optimite s'aiment de la même manière. L'homme aux Châteaux en Espagne a auffi quelques traits de reflemblan ce avec l'Optimifte. Comme lui, il eft très-content de lui-même, plein

de confiance en fa bonne fortune; il voit tout en beau; trouve de l'avantage à un mariage manqué, & du plaifir même à être bleffé par fom rival, comme l'Optimiste en trouvoit à être malade; il a de l'Inconftant F'amour exceffif de la liberté, & la paffion des voyages. On peut être étonné que, dans l'analyfe de la Piéce, il ne foit pas queftion de Châteaux en Espagne; c'eft qu'en effet ils font ifolés & n'ont aucun rapport à l'actior. Ces Châteaux en Espagne ne font que des rêves fans but, fans fondement, & qui approchent beaucoup de la folie: on regarde communément des Châteaux en Espagnecomme des projets de fortune bâtis fur quelqu'apparence; tels font ceux de Pyrrhus, de la Laitière, du Curé, des Chaffeurs. Celui que bâtir Victor, Valet de Dorlange, eft le meilleur de tous; mais il a du moins un fondement; c'est un billet de Lotterie; &, ce qu'il y a de très comique, c'est qu'après tous fes beaux projets il cherche fon billet, & s'ap perçoit qu'il l'a perdu.

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Il femble qu'il eût été plus moral, & plus inftructif de représenter un homme facrifiant toujours le certain à l'incertain, manquant des établiffemens folides, pour courir après de brillantes chimères & toujours dupe de fes projets extravagans: nous voyons que les rêveries même de Dom Quichotte lui attirent force coup debâtons;pourd'OrlangesfesChâteaux en Espagne n'influent en rien fur fon fort; il fait rire, il amufe, mais ne fournit ancune leçon. En général M. Collin d'Harleville ne paroît pas s'attacher beaucoup, dans fes Comédies, à peindre la Nature & la Société;il nous offre des tableaux d'idée. & de fantaisie, plutôt que des portraits; fa brillante imagination aime mieux créer des êtres comiques que de copier les originaux que le monde préfente; je n'olerois lui en faire un reproche; la plupart des anciens, ridicules font ufés & n'exiftent même, plus; ceux que nous leur avons fub-. ftitués font fi à la mode & fi protégés,, qu'un Auteur comique qui oferoit les attaquer n'auroit pas les rieurs

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pour lui; quand la corruption eft devenue le ton du fiècle, quand Jes Vices font les Maurs, les Peintures de Maurs ne peuvent plus réuffir; on a applaudi dans Figare la fatyre des Grands, les critiques qui tombent fur l'abus du Pouvoir & du Crédit; parce que de pareil traits flattent naturellement la Claffe des Spectateurs la plus nombreufe, & celle qui juge; mais, en général, on ne veut point de Vices fur la fcène ; cela eft d'un mauvais ton; cela fuppoferoit qu'il y en a dans la Société & tout le monde a intérêt qu'on ne s'en apperçoive pas. On ne demande plus au Théâtre que des Vertus imaginaires, parce qu'en les applaudiffant on eft difpenfe de les avoir, ou des êtres fantastiques auxquels perfonne ne puiffe fe reconnoître.. M. Collin d'Harleville n'a donc pas tort de fervir le Public felon fon. goût, & fes fuccès font une excufe" très légitime: aurefte toutes les richelles d'une imagination vive & fraîche,des vers délicieux qui femblent couler, fans efforts, d'une veine in

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