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»jafeur. Laiffez-moi là tous ces » Commentaires, & qu'on m'écoute. " - Je vous écoute bien, maman; » mais, je ne fçais pas, moi, cette » morale, je ne fçais que celle de » mon oncle. Et qu'eft ce, Mon» fieur, que la morale de votre oncle? -C'est d'être bien fage; puis elle » dit encore comme cela: Qu'est»ce être bien fage? C'eft être bien » obéillant, aimer bien le bon Dieu, » & faire du bien à tout le monde » autant qu'on peut Eh votre »oncle vous a-t-il dit qu'en faifant » tout cela, vous ferez heureux? ~>~~Qui, maman; mais il dit que » ce n'eft pas toujours dans ce monde "que nous ferons heureux en faifant »notre devoir; parce que cela n'empêche pas d'avoir la fiévre, ne donne pas toujours les plaifirs, les richeffes. Au contraire, mon »oncle me difoit que, fouvent dans >ce monde, ce font les méchans qui

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font bien à leur aife, bien riches, » parce qu'ils n'ont pas peur de tromper, de voler; mais qu'un jour le .»bon Dieu...... Je vous entends..

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» votre Oncle auroit-il dit auffi ce » que c'eft que la Vertu? Oui, » maman; c'étoit dans ma leçon de » l'autre jour, que la Vertu c'eft » de faire toujours fon devo, quol » qu'il en coûte, & de perdre plutôr » tous les biens de ce monde que » de faire le mal. Sije vous difois, » moi, que la Vertu c'est la fenfibilité physique. Maman, je ne fçais pas ce que c'est que cela. » Eh bien, écoutez-moi, & je vous » l'apprendrai. La fenfibilité phy »fique, c'eft de chercher toujours ce qui nous fait plaifir, & de >> fuir avec foin ce qui nous feroit de la peine.... Comment! vous ›› pleurez? — Eh oui, maman; je "vois bien que vous dites cela » pour vous moquer de moi, pour » me reprocher que je cherche tou

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jours à me divertir, & parce que » mon' oncle vous a dit que cela

m'empêchoit d'apprendre mes le» çons; & puis encore parce que : » je pleure quand on me fait du » mal, & que j'évite tout ce qui » me fait de la peine. Je fçais bien

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» que ce n'est pas là avoir de la » Vertu. Mais, mon enfant, ce » n'eft pas non plus comme cela que je l'entends. Je ne cherche point » à vous faire un reproche, ni à » me moquer de vous; je vous parle très-férieusement. Que diriez » vous fi je vous apprenois que, fuir » la douleur & chercher le plaifir, 59 c'eft la véritable Vertu? En ce » cas, je dirois que mon oncle a » tort quand il gronde ma coufine: » d'aimer tant la danfe, le bal, le plaifir les jeunes Meffieurs; » & quand il dit que tout cela ne » s'accorde guères avec la Vertu. » Vous ne voulez donc pas que la » Vertu confifte à chercher le plaifir ? » Eh bien, fi je vous, difois que la »Vertu c'eft de chercher toujours » votre propre intérêt. Oh ma"man! vous ne me direz pas cela » certainement. Eh pourquoi ne » le dirois-je pas? Parce que mon » oncle dit toujours qu'il faut être » honnête, & que c'est bien vilain » de penfer toujours à foi fans s'oc cuper des autres. Cependant,

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"mon enfant, fi vous voulez être Philofophe, il faut bien que vous faffiez confifter la Vertu dans votre » intérêt perfonnel. Oh non

» maman,je ne veux pas être Phi»lofophe. Ce font des vilaines gens, »ces Meffieurs-là,des mal honnêtes...

Que dites vous, Monfieur? » Retirez-vous, petit drôle; mal»honnête vous-même. Ah ma

man! je vous demande bien par» don; je ne les connois pas ces Meffieurs là je n'ai pas voulu être malhonnête. A la bonne heure, Je veux bien vous pardonner pour cette fois »,

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Ce Dialogue eft d'une tournure facile & piquante, & peut être le ridicule qu'il répand fur l'égoïfme philofophique, en fera-t-il mieux fentir les inconvéniens & le danger que les vigoureux raifonnemens employés par l'obfervateur Provincial.

Un des articles les plus importants de la morale, eft celui qui traite des paffions; c'eft auffi celui fur lequel nos Moraliftes philofophes ont le plus

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exercé leur fagacité, & qui a donné, de leur part, lieu à plus de contradictions & d'erreurs. On aura peine à fe perfuader que tantôt ils ayent avancé que toutes les paffions font bonnes & utiles, tantôt qu'elles font mauvaises & nuifibles, une autrefois qu'elle ne font ni bonnes & utiles, ni mauvaifes & nuifibles, enfin qu'elles font quelquefois bonnes & utiles, quelquefois mauvaises & mullibles. Il faut lire les textes précis de ces affertions fr contradictoires, que cite le Chevalier, pour croire qu'elles ont pu être foutenues par les chefs ou adeptes d'une feule & même Ecole, que dis-je, par les mêmes hommes qui tantôt vous repréfentent les ennemis des paffions comme des pédans fans efprit, qui deviendroient des monftres s'ils réuffiffoient dans leur finiftre projet d'amortir les paffions, &-tantôt nous donnent les amis des paffions comme des Médecins ignorans qui allument de plus en plus le feu de la fièvre qu'ils font chargés d'éteindre.

L'Obfervateur

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