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s'est formé 14,723 sociétés en nom collectif, 2,786 sociétés en commandite ordinaire, 2,781 sociétés en commandite par actions. Pour les premières, le capital social n'a pas toujours été déclaré, et l'évaluation moyenne n'en saurait être exacte; mais il a été néanmoins porté à 54,578 fr., soit pour l'ensemble plus de 800 millions. Les secondes ont été formées au capital moyen de 185,559 fr., soit pour le tout 516 millions; enfin les troisièmes ont exigé un capital moyen de 948,573 fr., soit 2 milliards 638 millions.

A ces chiffres il faut ajouter ceux du département de la Seine, qui de 1836 à 1845 donnent 4,854 sociétés en nom collectif au capital de 231 millions, 918 sociétés en commandite ordinaire au capital de 130 millions, et 1,543 sociétés par actions au capital de 2 milliards 951 millions. De 1846 à 1855, les sociétés en nom collectif s'élèvent à 6,152, et leur capital à 233 millions; les sociétés en commandite simple à 998, et leur capital à 228 millions; enfin les sociétés par actions à 1,527, et leur capital à 4 milliards 438 millions. Dans ces deux périodes de dix années chacune, c'est la seconde qui présente les chiffres les plus hauts principalement sous le rapport du capital souscrit, et cela malgré le ralentissement des affaires qui a suivi 1848. Dans le rapport de M. Langlais au corps législatif sur le projet de loi relatif aux sociétés en commandite par actions, ce progrès ressortait avec une grande évidence l'honorable député rappelait en effet que l'exposé des motifs du projet de loi de 1838 sur le même sujet portait à 1 milliard environ l'évaluation du capital des sociétés fondées pendant les douze années précédentes, et il faisait remarquer que du 1er juillet 1854 au 30 juin 1855 seulement, le Journal général d'affiches avait publié les actes de 457 sociétés en commandite, dont 225 par actions au capital de 968 millions.

Ce qui établirait surtout, et de la manière la plus convaincante, l'importance des progrès industriels réalisés en France dans la période dont il s'agit, ce serait la comparaison du capital mobilier de 1836 avec celui de 1855. Malheureusement cette comparaison est bien difficile à faire on peut toutefois, ce me semble, remarquer que beaucoup d'industries nouvelles, créées d'une époque à l'autre, sont représentées par un capital considérable, sans que les indus-. tries anciennes aient perdu de leur importance, au contraire. Ce fait constate donc non un déplacement de capitaux, mais la création d'un capital nouveau et un accroissement énorme de richesse mobilière et industrielle. Prenons pour exemple les chemins de fer à l'exception de quelques petites lignes de Rhône et Loire, toutes les entreprises sont nouvelles. Or leur capital émis était en novembre 1851 de 1,406 millions actions et de 1,260 millions obligations, soit 2 milliards 600 millions, qui représentent au moins 4 milliards par suite de la prospérité de ces entreprises et de la plus-value des

titres. Les sociétés de crédit ont un capital de 560 millions. Les compagnies d'assurances ont été créées avec 287 millions de capital, et leurs actions ont atteint un taux bien autrement important. Les compagnies de gaz, d'eaux, de navigation, de mines, de glaces, de sucrerie, de métallurgie, de télégraphie, les sociétés immobilières fondées dans ces dernières années, toutes les compagnies financières en un mot, représentent, avec celles qui datent d'avant 1836, un total de 13 millions d'actions en nombre et de 4 milliards de francs en valeur de souscription, et de 3 milliards d'obligations en nombre avec une valeur de 1,432 millions de francs émis. Toutefois, dans ce total, dont 351 sociétés anonymes absorbent à elles seules près de 2 milliards, la part du passé est très minime, de telle sorte que les 7 milliards de francs valeur d'émission des actions et obligations de ces diverses sociétés en commandite doivent être considérés, en presque totalité, comme un accroissement réel de la richesse industrielle du pays. Il y aurait encore d'ailleurs, pour avoir une idée complète de cet accroissement, à tenir compte de toutes les entreprises particulières que l'industrie et le commerce ont tentées sous la forme de sociétés en nom collectif, et qui ne figurent point par conséquent dans les chiffres précédens.

Il est impossible, on ne saurait trop le répéter, de tirer de ces calculs une conclusion parfaitement nette. Si l'on a pu circonscrire dans des limites assez exactes le mouvement de la spéculation sur les valeurs de bourse (1), on n'arrive pas à préciser de même les progrès du commerce et de l'industrie et à mettre en regard la marche parallèle de l'agiotage et du travail. Néanmoins il y a dans les résultats de l'activité industrielle en France depuis vingt années de quoi rassurer ceux qui ne se paient ni de mots ni de sentimens préconçus, et à côté de la spéculation, dont les élémens tendent visiblement à s'améliorer, les affaires réelles se sont développées dans une proportion qu'on pourrait se permettre de croire non pas seulement égale, mais très supérieure, les chiffres même en font foi.

Ce n'est pas tout, et il ne faudrait pas seulement tirer de ce rapprochement un argument contre les arrêts portés par ceux qui confondent le mouvement fécond des affaires avec l'agitation stérile et coupable du jeu proprement dit. Il serait bon encore de prouver que l'industrie, en développant une activité si grande, n'a pas outrepassé ses forces et s'est inspirée de plus en plus de principes vrais et de sentimens généreux. Quel est le caractère de l'industrie moderne? On retourne souvent contre elle l'argument invoqué plus

(1) Il est presque inutile de faire observer que les valeurs cotées à la Bourse ne sont pas le seul aliment de la spéculation: toutes les marchandises, les cotons, les blés, les esprits, etc., donnent lieu à des affaires de spéculation pure, à terme et à prime, aussi bien que la rente et les actions de chemins de fer.

haut en faveur de la spéculation, et de même qu'on a pu dire à l'avantage de celle-ci qu'elle se confondait de plus en plus avec l'industrie, on se plaît souvent à condamner cette dernière comme une forme nouvelle de la spéculation proprement dite. Dans l'une et l'autre, c'est le même objet qui est en vue, le même but poursuivi, le même résultat d'un gain facile et prompt cherché et obtenu. Qu'il y ait du vrai dans ces reproches, que toutes les entreprises industrielles ne soient pas sérieusement méditées et pratiquées, on ne saurait certes le nier. La situation des finances publiques dans une grande partie des états européens, le déficit des budgets, le nombre des emprunts, émis non-seulement par suite d'événemens politiques, mais encore pour suffire à la création de grands travaux entrepris peut-être avec trop de hate, nous ont révélé déjà un malaise que de nouvelles complications pourraient changer en une situation des plus graves. Sans employer dans le même sens l'expression familière à M. Proudhon, il est évident que la liquidation n'est pas faite, et que l'Europe entière, états et particuliers, doit aviser au classement définitif de tous les titres qui représentent des entreprises plutôt en cours d'exécution qu'achevées et donnant leurs résultats définitifs. D'autre part cependant, si l'industrie ne guérit pas, comme la lance d'Achille, les blessures qu'elle fait elle-même, ses progrès sont tels et peuvent s'étendre dans une proportion si indéfinie, que nous avons encore à parcourir une bien longue carrière avant d'arriver au terme où il convient de s'arrêter. Les chemins de fer, la télégraphie viennent à peine de laisser entrevoir les merveilles que leur diffusion doit produire; les continens s'apprêtent à ouvrir, à travers leurs espaces, des passages nouveaux à l'audace des peuples anciens; les empires jusqu'ici fermés voient tomber leurs murailles, et les terres les plus lointaines semblent tressaillir à l'approche du génie de la civilisation moderne. Que de richesses promises, non pas à l'âpre convoitise des spéculateurs, mais au travail honnête de l'industrie! Devant de telles perspectives, un peu trop d'empressement est excusable; d'ailleurs cette précipitation a su se contenir, chez nous, dans des limites plus étroites que partout ailleurs, et nous nous sommes signalés par des mérites qu'il serait injuste de méconnaître. Sans entrer à cet égard dans un examen qui exigerait de longs développemens, il suffit, pour constater la prudence, l'équité et le libéralisme de l'industrie et du commerce français, de constater leur tenue dans la crise actuelle, l'amélioration incontestable du sort des ouvriers, les rapports qui deviennent de plus en plus étroits avec les nations voisines, enfin le concours que nous prêtons à l'étranger sous la forme d'entreprises de tout genre, parmi lesquelles l'établissement des chemins de fer tient le premier rang.

Je viens de dire le libéralisme de l'industrie, et ce mot amène à

une considération par laquelle il convient de terminer. Non, la France moderne n'est pas livrée tout entière au culte de l'or pour l'or; elle ne cherche pas seulement un lucre facile et immédiat dans les mouvemens désordonnés du jeu et de la spéculation, elle s'agite pour un travail réel, et tente la réalisation d'affaires sérieuses, plus que cela, d'affaires propres à séduire l'imagination et à satisfaire les sentimens généreux. En effet, et c'est là ce qui caractérise son génie, ce qui éclate dans ses œuvres les plus importantes, le but positif qu'elle poursuit chez elle et loin d'elle est toujours un but de rénovation et de progrès, d'affranchissement matériel, si l'on peut ainsi parler, pour les classes nécessiteuses et les peuples moins favorisés des bienfaits de la civilisation; il semble même, dans ces tentatives multiples, que le bénéfice soit pour elle d'un moindre prix que l'honneur d'avoir conçu une pensée neuve et de l'avoir mise à exécution. Cette disposition de l'industrie française est tellement notoire, qu'on pourrait reconnaître parmi nous une sorte de secte ou d'école de philosophie industrielle visant plus encore au renom qu'à la fortune et se parant plus de ses idées que de ses richesses. Assurément cela est bien, mais il faut plus encore. La spéculation sans l'industrie qui la justifie est coupable; l'industrie seule, c'est-à-dire le culte des intérêts matériels sans la poursuite d'un idéal intellectuel et moral plus élevé, ne suffit pas à l'activité d'un grand peuple, et quel que soit le mérite éminent de l'industrie moderne, la France ne peut pas être et demeurer exclusivement industrielle. Il lui faut, et ce sont là les conseils que lui adresse l'honorable auteur des Manieurs d'argent, sans aller toutefois aussi loin que nous l'aurions souhaité, il lui faut un autre but à atteindre, un autre idéal à poursuivre. Plus heureuse que l'empire des césars, tombé de la prospérité matérielle la plus avancée dans la plus honteuse décadence, la civilisation moderne a pour remparts la religion du Christ et l'indépendance de la raison humaine, l'autorité et la liberté. Assouplir de plus en plus les âmes au joug nécessaire de la foi, assurer en même temps le libre et salutaire exercice de toutes les facultés humaines, parmi lesquelles les droits de la pensée doivent passer avant tous les autres, tel est l'idéal que nous ne devons jamais perdre de vue. Un moment obscurci, il reprendra bientôt son prestige; les préoccupations matérielles y ramènent elles-mêmes, on n'en saurait douter. Si l'industrie a besoin de sécurité, elle vit aussi d'indépendance, et on pourrait établir que de nos jours les pays où l'industrie est le plus avancée sont également ceux où la liberté civile et politique est le plus en honneur.

BAILLEUX DE MARIZY.

LE

THEATRE RÉALISTE

Le Fils naturel, comédie en cinq actes, par M. Alexandre Dumas fils.

« Ce duc est un malhonnête homme, et cependant je lui tire mon chapeau : est-ce parce qu'il est malhonnête homme? Non, c'est parce qu'il est duc. » Tel est à peu près le sens (car je cite de mémoire) d'une pensée dans laquelle un grand moraliste a voulu faire comprendre quels respects étaient dus à certains titres et à certaines fonctions, même lorsque ces titres et ces fonctions étaient la propriété d'un malhonnête homme. Ce que ce moraliste disait des titres de noblesse, je le dirais volontiers du succès: je lui tire mon chapeau, non parce qu'il est légitime, mais parce qu'il est le succès. C'est en vain que la raison voudrait lutter contre la fatalité d'un fait. La nouvelle comédie de M. Dumas a donc réussi, elle réussira, et on peut dès aujourd'hui lui prédire, sans trop de hardiesse, le nombre de représentations et le chiffre de recettes (détail important!) qu'ont atteints la Dame aux Camélias et le Demi-Monde. Ce résultat bien et dûment constaté, je crois avoir rendu au dieu du succès tous les hommages qu'il mérite, et je me considère comme quitte envers l'auteur et aussi envers le public. Ce cher public! il croit tout ce qu'on veut et accepte tout ce qu'on lui donne. Qui donc, en voyant ce public,

L'œil morne maintenant, et la tête baissée,

se conformer aux tristes pensées de nos auteurs en vogue, pourrait croire, s'il n'en existait pas des preuves authentiques et des témoins

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