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celtiques, attachée au plafond, pend au milieu de la chambre, quelquefois même à l'entrée de la porte. Le gui (mistletoe) ne se distingue pas seulement par ses feuilles délicates et ses jolis fruits blancs, il donne à chaque homme admis dans la maison le privilége d'embrasser toute femme ou toute jeune fille attirée, par mégarde sans doute, sous le rameau sacré.

Noël est arrivé. « Sois le bienvenu, vieux père Noël, avec ta barbe blanche! » C'est le cri des enfans, et, si matinal qu'il soit, ce cri a été précédé dans les campagnes par le chant du coq. On croit encore dans quelques villages de l'Angleterre que le coq mêle cette nuit-là sa voix aux mystères de la fête, et qu'il salue depuis dixhuit cents ans l'aube d'une ère nouvelle (1). La barbe blanche de Noël, c'est la neige; il y a pourtant des exceptions, selon les années, mais les Anglais n'aiment point les Noëls verts. « Noëls verts, cimetière gras, » dit le proverbe. Je me souviens de la figure de Londres le matin de Noël 1856. Au tonnerre lointain des roues sur le pavé ou sur le macadam, à l'agitation hâtive de la foule, qui la veille encore allait, venait, se croisait en mille courans, avaient succédé tout à coup un silence religieux et le repos. On n'entendait que la voix d'un millier de cloches qui se répandait dans l'air sec et froid. Les ombres de la nuit tombaient du ciel à larges pans, comme les tentures noires se détachent de la voûte d'une église après une cérémonie funèbre. Il était huit heures, et les rues n'étaient encore que solitude: on eût dit une cité dont les habitans s'en étaient allés au ciel. Le rideau de la brume matinale commençait pourtant à s'entr'ouvrir, ainsi que celui d'une dévote paresseuse. Une neige précoce avait blanchi les rues; c'était la robe de la fête, et sur cette neige on découvrait enfin quelques pas d'hommes et de femmes marqués dans la direction des églises. Toutes les boutiques étaient fermées à l'exception des boulangeries; des femmes, des enfans, des ouvriers apportaient gravement des pies, des puddings, des quartiers de viande crue, des volailles dans de grands plats recouverts d'une serviette blanche. De petits balayeurs des rues, pieds rouges sur la neige blanche, soufflaient dans leurs doigts, et malgré tout, un sourire aux lèvres, amusaient de leurs grimaces, de leurs pirouettes, de leurs culbutes le passant, qu'ils poursuivaient en lui demandant un petit sou (a half penny) pour garnir leur Christmas box. Le service religieux est terminé dans les églises, et le four des boulangers a fait son devoir. Il est une heure: vous voyez alors sortir du temple

est l'emblème des forts, le myrte plait aux belles; mais le houx, holly, est cher à tout bon cœur anglais.

(1) Shakspeare fait allusion dans Hamlet à cette croyance populaire.

les femmes, les enfans en toilette, les jeunes filles aux mains chaudement pelotonnées dans leur manchon; des boulangeries sortent aussi peu à peu les joints, les pâtisseries, les gâteaux portés triomphalement par des mains laborieuses, et laissant entrevoir sous le voile avec coquetterie un teint doré par l'action du feu. Cependant les rideaux des plus humbles fenêtres sont éclairés par un soleil intérieur la bûche de Noël (Christmas log) est au feu; elle brûle en illuminant de joyeux visages. Un foyer propre, un bon feu qui flambe et une bonne femme qui sourit, c'est, dit le proverbe anglais, la richesse d'un homme pauvre or il y a bien peu de cheminées qui ne pétillent et bien peu de femmes qui ne sourient en Angleterre le jour de Noël (1). L'heure du repas est le moment solennel de la fête. Pas de bons Noëls sans enfans: c'est la couronne de la table. Parfois, surtout dans les campagnes, une vieille chaise vide préside; sur cette chaise siége un souvenir de la famille. Le fameux plumpudding national apparaît bientôt, accueilli par le bruit des jeunes voix, l'applaudissement des yeux, le trépignement des petits pieds sous la table. L'aïeul même sourit sous ses lourdes lunettes à la vue des belles flammes bleues et rouges que jette à la surface du mets l'eau-de-vie brûlante; il sourit à sa jeunesse, qui a duré ce que dure cette flamme; il sourit surtout à la jeunesse qui le remplace (2). Au dessert paraît l'arbre de Noël : nouvelle joie, nouveaux cris. Enfin commencent les jeux, la danse. Les jeux consacrés par l'usage, surtout dans les antiques manoirs, sont ce jour-là le colinmaillard, blind man's buff, et cache-cache, hide and seek. Au milieu des éclats de rire retentit, comme un sombre écho du passé, la légende de la belle fiancée du jeune Lovel. C'était dans un vieux château la fille du baron se cacha pour intriguer ses compagnes, mais elle se cacha si bien que les jours, les semaines, les années se passèrent sans que, malgré les recherches les plus actives, ses parens et Lovel lui-même pussent la découvrir. Enfin, après plusieurs années, on ouvrit un lourd bahut, meuble antique du château, et l'on y trouva un squelette avec une couronne de roses blanches fanées : c'était elle.

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(1) Sans doute la fête de Noël ne suspend point, comme par enchantement, toutes les souffrances et toutes les privations sociales, mais il existe jusque dans les villages des Christmas boxes, sortes de caisses d'épargne sur une petite échelle, et ad hoc. En plaçant dans ces banques d'approvisionnement quelques sous ou quelques shillings par semaine durant une partie de l'année, l'ouvrier se ménage les moyens de célébrer le grand jour dans la mesure de son salaire. C'est surtout la femme, c'est-à-dire la prévoyance, qui préside à ces petites économies.

(2) Le plumpudding est en quelque sorte le signe culinaire de la nationalité anglaise. Lors de la guerre de Crimée, des dames envoyèrent aux soldats des plumpuddings enfermés dans des boîtes d'étain, pour que ces exilés temporaires pussent communier, le jour de Noël, avec la patrie absente.

Vraie ou fausse, cette légende est devenue le sujet d'une romance qu'on chante debout et avec une solennité triste. Les chansons accompagnent toujours un gai Noël, a merry Christmas, sans parler des carols, sorte de cantiques sur la naissance de Jésus-Christ que les enfans et les vieillards entonnent à toute voix dans les rues pour ramasser des sous. Les carols sont aussi vieux que la vieille Angleterre. La nuit de Noël se termine par une libation de vin fait avec les baies du sureau, elder-berry wine, et qu'on boit bien chaud, bien épicé, bien sucré, pour se procurer des rêves agréables. La fête n'est point enterrée: elle renaît avec le jour suivant, et se prolonge, malgré la reprise des travaux quotidiens, durant six semaines. Le théâtre avec ses pantomimes, le Crystal Palace avec ses divertissemens d'hiver, les salles de concerts, les bals, tout concourt à retenir longtemps ce vieil hôte bien-aimé de la Grande-Bretagne, le père Christmas, à la tête couronnée à la fois de glace et de feuil-, lage. Il y a toute une littérature de Noël qui consiste en contes, en poésies, en lectures morales. Noël est, en dépit du 1er janvier, le vrai jour de l'an de l'Angleterre. J'écarte le point de vue religieux; mais les Anglais trouvent bon que l'année commence sur un berceau, quand ce berceau a régénéré le monde.

Tels sont les traits généraux du caractère national. La vie anglaise change avec les classes, avec les professions, avec les localités; elle n'est point la même à la ville et à la campagne : c'est sur ces différens théâtres de faits qu'il faut la suivre. Ce travail nous sera plus facile, maintenant que nous avons vu les origines de la population et les divers élémens dont elle s'est formée.

ALPHONSE ESQUIROS.

UNE

HISTOIRE DE CHASSE

I.

-

CONFIDENCES.

La catastrophe qui termine la première partie de ce récit (1) était déjà vieille de plus de deux ans, quand, par une soirée d'automne, vers dix heures, dans une chambre à coucher du château du Soupizot, une jeune femme, que l'on voudra bien reconnaître pour la petite-fille du baron de Laluzerte, achevait d'écrire une longue lettre. Le soin de sa correspondance n'avait pas seul le privilége d'occuper l'attention de la comtesse de Marmande, et de temps à autre elle quittait son fauteuil pour venir contempler avec une sollicitude maternelle un petit enfant endormi dans un berceau de mousseline. Nous profiterons d'un de ces momens pour mettre sous les yeux du lecteur les lignes que la jeune femme venait de tracer, et qui l'aideront à comprendre la suite de cette histoire.

« Bonne chère Kate,

« Les événemens se sont succédé si vite depuis notre séparation que je n'ai pu te tenir qu'imparfaitement au courant de tous les détails de ma vie, toi, vieille amie de mon enfance, pour qui mon cœur conserve une de ces affections que ni le temps ni la distance ne sauraient altérer. Je t'ai déjà dit les circonstances qui ont précédé mon mariage, la naissance de mon petit George... Hélas! que ne puis-je t'entretenir seulement de mon enfant! Ma lettre ne serait

(1) Voyez la première partie dans la livraison du 1er février.

qu'un long chant d'allégresse et de remerciemens à la Providence, tandis que j'ai à te narrer de bien tristes histoires, et peut-être à demander conseil à ta haute raison. Je t'ai depuis longtemps déjà fait connaître mon bon vieux grand-père et mon mari, je t'ai parlé d'eux longuement, suivant mon cœur; mais je ne t'ai pas dit un mot de la femme de mon grand-père. Hélas! il est si triste de révéler qu'au milieu de sa propre famille on n'a rencontré que des sentimens de haine, des procédés injustes et immérités, que jusqu'ici je m'étais abstenue de te retracer ce douloureux chapitre de ma vie. Aujourd'hui je ne saurais garder plus longtemps les chagrins enfermés dans mon cœur; j'ai besoin de conseils... Et d'ailleurs, bonne sœur, n'est-ce pas manquer aux devoirs de l'amitié que de souffrir et de ne pas verser mes douleurs dans ton sein?

« Tu te rappelles, chère Kate, avec quelle tendresse ma pauvre mère nous parlait de son père. Que de fois ne nous a-t-elle pas entretenues de l'excellent vieillard vers lequel se reportaient ses meilleures pensées! Cependant, au milieu de ses plus tendres épanchemens, je ne me rappelle pas lui avoir entendu prononcer plus de deux ou trois fois le nom de sa belle-mère, et cela sans réflexions ni commentaires, un nom seul, comme s'il s'agissait d'une personne tout à fait étrangère à ses affections. J'avais su seulement, par l'indiscrétion d'une femme de chambre que ma mère avait emmenée aux Indes, que mon grand-père avait épousé en secondes noces une femme de condition inférieure. Quoique bien jeune alors, j'avais deviné que le silence de ma mère cachait sans doute de trop cruelles douleurs pour que je pusse me permettre de l'interroger. Hélas! je connais aujourd'hui les chagrins dont cette marâtre a abreuvé ma pauvre mère! Je ne sais que trop que la haine qu'elle portait à la mère, elle l'a reportée tout entière sur la fille. Mais je n'anticiperai pas sur les événemens, et reprendrai mes confidences du premier jour.

« A mon arrivée en Europe, mon vieux grand-père, tu le sais, m'accueillit avec une affectueuse tendresse; chez la baronne au contraire, je ne trouvai que mauvais vouloir et dédains. J'essayai en vain de l'adoucir par la tendresse la plus respectueuse; mais, habituée à tout voir plier devant ses emportemens, cette nature orgueilleuse et basse ne comprit pas les efforts que ma soumission coûtait à la franchise de mon naturel. Tu me connais, à juste titre bien des fois tu m'as reproché d'être trop hardie, trop franche... Et cependant je me résignai et souffris en silence. C'est que, chère Kate, je voyais le pauvre vieillard si humble devant la mauvaise femme qui a abreuvé sa vie d'amertume, si résigné à acheter à tout prix la paix de son intérieur, que je redoutais de faire naître à

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