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CHOIX DES MEILLEURES PIÈCES DE CE JOURNAL,
tant en prose qu'en vers; contenant des Anecdotes
curieuses, littéraires et politiques, des Réflexions
morales et des Pensées philosophiques, des Chansons,
Epigrammes, Madrigaux, et autres pièces de poésie,
des Contes, Nouvelles, des Dissertations historiques,
et des Notices biographiques sur les Savans, les Gens
de Lettres, lés Artistes, etc., etc., etc.

TOME TROISIÈME.

PARIS,

CHEZ BARBA, LIBRAIRE, PALAIS-ROYAL,
derrière le Théâtre Français, no. 51.

C

BIBLIOTHECA
RECIA
MONACENSIS

BIBLIOTHECA MAXIMILIANHE

REGIS

ESPRIT

DU

MERCURE DE FRANCE.

RÉFLEXIONS

SUR

LA FAIBLESSE DE L'ESPRIT HUMAIN.

L'on a vu des fous de tous tems;

L'on en voit aussi de tous âges;
Et ceux qui sont les plus savans
Ne sont pas toujours les plus sages.

Ce quatrain, que j'ai lu quelque part, confirme le proverbe qui dit : Point de bel esprit sans un grain de folie; il semble que la Providence, en nous comblant de talens qui nous élèvent au-dessus des autres, veuille les contrebalancer par les plus grandes faiblesses, pour nous ôter tout sujet de nous en orgueillir.

Qui pourrait croire que (1) le même homme qui a

(1) Le Tasse. Voyez le Cabinet historique de Jean l'Impérial, in Torquato Tasso.

produit la Jérusalem délivrée, que celui que les Italiens ont comparé à Virgile, que le créateur d'Armide, etc. fût celui dont on pourrait dire :

Heureux si de son tems, pour cent bonnes raisons,
L'Italie avait eu des Petites-Maisons;

Et qu'un sage tuteur l'eût en cette demeure,
Par avis de parens, enfermé de bonne heure.

Comment traiter son amour pour la belle Eléonore d'Est; ce combat qu'il livra pour se venger d'un courtisan qu'il croyait avoir découvert, et trahi ses amours; sa fuite, où il eut à souffrir toutes les incommodités d'une extrême pauvreté, couchant dehors, mourant de faim, et n'osant paraître nulle part; cette imagination frappée d'un diable, qu'il croyait toujours avoir à ses côtés; les discours extravagans qu'il tenait avec ce spectre que lui faisait voir son cerveau blessé ; les extases fréquentes où l'emportait son imagination? Comment regarder tout cela, sinon de l'œil du duc Alphonse d'Est, qui le mit sagement dans un hôpital entre les mains des médecins, pour tâcher de corriger l'humeur âcre et la bile échauffée qui étaient la cause de sa maladie?

Les imaginations trop vives sont sujettes à des accès qui vont jusqu'à la folie; Cardan en est un autre. célèbre exemple. Après avoir écrit des choses que le plus grand de ses critiques (Scaliger) n'a pu s'empêcher d'admirer, il tombe dans des puérilités indignes d'un homme de bon sens. Ce philosophe a écrit sa vie. Il y fait voir une ingenuité admirable; de son aveu, il était fou achevé au moins six heures le jour. Le remède dont il dit

1

:

qu'il se servait a quelque chose d'extraordinaire ; quand il sentait les approches de la frénésie, il prenait une épingle se l'enfonçait dans la chair, se coupait, se mordait, et retenait pour ainsi dire, par ce moyen, sa raison prête à le quitter. Un de ses prédécesseurs qu'on peut appeler le patriarche des ocultistes, poussa la folie un peu plus loin (1) que lui; c'était le bon Arnaud de Villeneuve; de son tems l'on parlait beaucoup de l'arrivée de l'antechrist lui-même crut trouver par ses observations, qu'il devait naître incessamment. La haine horrible qu'il avait pour l'antechrist lui inspira une telle frayeur de sa naissance, et un si grand fond de chagrin, que le pauvre Arnaud résolut de ne le point voir, en prévenant sa 'venue par une mort volontaire. Cette crainte de l'antechrist agit aussi puissamment sur l'esprit de Lulle son disciple, et elle fut vraisemblablement la cause du style et de la méthode étrange qu'il employa dans sa dialectique qu'un philosophe moderne définit avec raison, l'art de discourir sans jugement de ce qu'on ne sait pas. Je fonde mon opinion sur la réponse que faisait Lulle à ceux qui lui reprochaient l'obscurité de cette dialectique; c'est, disait-il, afin qu'elle puisse servir quand l'antechrist viendra, et qu'on puisse répondre à toutes

(1) Car nous ne sommes pas du sentiment de ceux qui disent que Cardan se laissa mourir pour opérer l'accomplissement d'une prédiction qu'il avait faite sur le jour et l'année de sa mort, et pour donner en même tems crédit à l'astrologie judiciaire, où il se vantait d'être très-versé, et qu'il avait toujours regardée comme une science constante.

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