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jets fpirituels ou moraux. Il en existe de pareils, & on les apelle ALLEGORIES, c'est-à-dire, difcours dont les mots renferment un fens different de celui qu'ils femblent préfenter.

Je ne puis me refufer au plaifir de tranfcrire ici une charmante Idylle allégorique, qu'on a déjà citée comme un exemple parfait d'allégorie (s).

Dans ces prés fleuris
Qu'arrofe la Seine,

Cherchez qui vous menes
Mes cheres Brebis.

J'ai fait, pour vous rendre

Le deftin plus doux,
Ce qu'on peut attendre
D'une amitié tendre ;
Mais fon long courroux
Détruit, empoisonne
Tous mes foins pour vous,
Et vous abandonne
Aux fureurs des Loups.
Seriez vous leur proie,
Aimable troupeau!
Vous de ce hameau
L'honneur & la joie ;
Vous, qui gras & beau
Me donniez fans ceffe
Sur l'herbette épaifle
Un plaifir nouveau.
Que je vous regrette!
Mais il faut céder.

Sans chien, fans houlettes
Puis-je vous garder?
L'injufte Fortune
Me les a ravis.

En vain j'importune
Le Ciel par mes cris;
Il rit de mes craintes,
Et fourd à mes plaintes,
Houlette ni chien,
11 ne me rend rien.

Et fans mon fecours,

Puiffiez-vous, contentes

Paffer d'heureux jours!

Brebis innocentes,
Brebis mes amours,
Que Pan vous défende.
Hélas! il le fait;

Je ne lui demande
Que ce feul bienfait.
Oui, Brebis chéries,
Qu'avec tant de foin
J'ai toujours nourries,
Je prends à témoin
Ces bois, ces prairies:
Que fi les faveurs
Du Dieu des Pasteurs

Vous gardent d'outrages,
Et vous font avoir
Du matin au foir
De gras pâturages;
J'en conferverai
Tant que je vivrai
La douce mémoire,
Et que mes chanfons
En mille façons
Porteront fa gloire.
Du rivage heureux
Où vif & pompeux,
L'Aftre qui mefure
Les nuits & les jours,
Commençant fon cours,
Rend à la Nature
Toute la parure ;
Jufqu'en ces climats,
Où fans doute las
D'éclairer le Monde,

Il va chez Thétis

Rallumer dans l'onde

Ses feux amortis.

(5) Idylie de Mad, des HOULIERES, T. II. Elle a déja été raportée par M. du Marsais Lars fes Tropes.

On croit entendre une Bergere qui fe plaint à fes Brebis de l'impuissance où elle eft de les mener dans de bons pâturages; mais le vrai fens de cette Idylle eft la peinture de la trifteffe dont cette Dame étoit affectée à la vue des befoins de fes Enfans, auxquels elle ne pouvoir remédier.

Il put & il dur y avoir de pareils Difcours, dès les premiers tems: on: dut même prendre plaisir à en inventer, afin de donner l'effor à fon imagination & à fon génie ; & afin de faire briller fon efprit & fon intelligence.

Auffi voyons-nous les Figures & les Allégories ufitées dans les fiécles les: plus reculés. Il n'eft peut-être point d'ancien monument qu'on puiffe comprendre en s'attachant au premier fens qu'ils offrent, fur-tout ceux qui font: écrits en vers.

De très-beaux Génies font tombés dans de groffieres fautes, & ont fou vent manqué la vérité pour n'avoir pas fait cette attention: divers monumens. en font devenus barbares.

Qu'on en juge par ces deux traits. Les Anciens ont dit que les Habitans de l'Ifle de Ceylan avoient deux Langues ; & ils ont apellé les Tyriens & les Carthaginois Gens à deux langues.

Ces doubles langues ont été un objet de confufion pour les Interprêtes :: les uns ont cru que les Infulaires Ceylandois avoient deux langues dans la bouche, enforte qu'ils pouvoient tenir à deux personnes à la fois un difcours different: & d'autres, que par l'épithète donnée ici aux Tyriens & aux Cartha-ginois, on avoit voulu dire qu'ils étoient des babillards, ou qu'ils parloient deux Langues différentes: tandis qu'on vouloit dire que ceux-ci étoient. des fourbes & des trompeurs, & que ceux-là parloient deux idiomes différens.

Cat fur-tout relativement à la Mythologie, que l'ignorance du ftyle allégorique a caufé les plus grands ravages qu'elle a totalement déna turé ce qu'une Religion ancienne avoit d'intéreffant & de fublime.

Les réflexions fur l'Art de peindre les idées, ne doivent pas fervir uniquement à en connoître les régles, l'étendue & l'utilité: elles doivent fur-tout: conduire à l'intelligence des Autcurs; & elles auront tout le fuccès poffible fi elles contribuent à nous donner des idées faines & exactes des Ouvrages dont la lecture eft néceffaire pour rendre la vie plus agréable, & plus heureufe, & pour l'employer de la maniere la plus fatisfaifante & la plus confolante..

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CHAPITRE I I.

DES ARTICLE S.

SECONDE PARTIE DU DISCOURS.

§. I.

Deftination des Articles.

LE'S ARTICLES font une Partie du Discours fi effentielle aux Noms, qu'on ne fauroit avoir une idée complette de ceux-ci fans le fecours de ceux-là: c'est donc ici la feule place qui leur convienne; & leur examen doit fuivre immédiatement les Noms, dont ils font inféparables: mais pour cet effet reprenons la divifion des Noms.

Nous avons vu qu'il exiftoir des Noms propres, qui ne conviennent qu'à un feul individu: des Noms apellatifs, qui conviennent à chaque indivi-du de la même efpéce; & des Noms abftraits, qui préfentent les qualités considérées en elles-mêmes, & non dans leurs raports avec les objets dans lef quels elles fe trouvent, & qui les préfentent comme fi elles avoient une exifrence propre.

Nous avons vu encore que ces trois fortes de Noms offroient, par une fuite de leur nature ou de leurs caractères propres, cette difference remarquable:: que les Noms propres forment toujours un Tableau déterminé, par leur fimple énoncé, parce qu'ils ne défignent jamais qu'un feul objet, & qu'on ne peut point être embarraffé dans l'application qu'on en doit faire ; tandis que les Noms abftraits & les apellatifs qui n'ont qu'un fens indéterminé, ne peuvent former par eux-mêmes aucun Tableau, & qu'ils font obligés pour produire cet effet de le faire accompagner de mots qui déterminent leur fens..

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Ce qui eft d'autant p'us néceffaire, que c'eft dans cette détermination que: confifte l'effence des Tableaux des idées ; qu'ils acquierent par-là cette clarté qui écarte toute équivoque, tout doute, qui fait qu'on eft entendu fans peine & de la maniere la plus précise.

Toutes les fois donc que nous aurons occafion de défigner un objet quelconque par un de ces Noms apellatifs ou abftraits, qui ne préfentent pars

eux-mêmes rien de déterminé, nous ferons obligés, fous peine de n'être point entendus, d'accompagner ces Noms de quelques mots qui les tirent de ce fens vague & indéterminé qu'ils offrent, afin d'en faire le Nom ou l'indice de l'Objet précis que nous voulons peindre: enforte qu'on les reconnoisse à f'inftant, auffi furement que fi nous les montrions de la main.

Tel eft l'ufage des ARTICLES: ils déterminent comme par le geste, entre plufieurs objets auxquels convient le même Nom, celui que nous

avons en vue.

S. 2.

Ils forment une des parties générales du Difcours.

Les Articles conftitueront donc une Partie du Difcours, commune à tous les Peuples & à toutes les Langues, puisque dans tous les tems le Discours a dû être précis & déterminé ; enforte qu'aucune Langue n'a pu fe difpenfer de faire ufage d'un caractère quelconque, propre à produire cet effet.

Ce caractère aura une valeur à lui, relative à cet effet; il correfpondra à l'Article, il en fera un de droit.

Sa valeur fera différente du Pronom, de l'Adjectif, de toute autre Partie du Difcours, parce qu'aucune de celles-là ne peut produire l'effet pour le quel furent inventés les Articles.

On l'a confondu néanmoins avec l'Adjectif à caufe de ces trois raports

communs:

1°. Que les uns & les autres accompagnent les Noms.

2°. Qu'ils en portent également les livrées.

3°. Qu'ils y ajoutent des idées acceffoires qui en déterminent le Lens.

Ces raports font réels; & il n'eft pas étonnant que de célébres Grammairiens en ayent conclu, que les Articles doivent être réunis aux Adjectifs.

Mais ils conviennent qu'il regne entre les Adjectifs & les Articles une diffé rence fi effentielle, qu'elle exige qu'on affigne à ces derniers une denomination distinctive.

L'un les apelle Adjectifs pronominaux (1); un autre leur donne tantôt le nom d'adjectifs métaphyfiques, tantôt celui d'adjectifs prépofitifs, & même

(1) M. l'Abbé GIRARDA

celui de prénoms (2); tandis qu'un troifiéme qui combat d'une manicre trèsfolide toutes ces dénominations nouvelles & fystématiques (3), s'en tient aŭ Nom fi connu d'ARTICLES.

» C'est en effet, dit-il, le feul nom que je croye convenable à l'efpéce de » mots dont il s'agit, le feul du moins dont on puiffe faire ufage, pour ne » pas introduire gratuitement un terme nouveau, & pour fuivre néanmoins » les principes immuables d'une Nomenclature raifonnée.

» 1°. Les individus font comme les membres du corps entier dont la na»ture eft exprimée par le Nom apellatif; or le mot Grec Arthron, & le mor » Articulus, tous deux employés ici par les Grammairiens, fignifient égale »ment ces jointures, qui non - feulement attachent les membres les unst » aux autres; mais qui fervent encore à les diftinguer les uns des autres. » Sous ce dernier afpect, le même mot peut fervir avec fuccès à carac»tériser tous les adjectifs qui, fans toucher à la compréhension, ne fervent qu'à la diftinction plus ou moins précise des individus auxquels on aplique le » Nom apellatif.

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» 2. L'un des Adjectifs compris dans cette Claffe eft déjà en poffeffion de »ce Nom dans les Grammaires particulieres de toutes les Langues, où il est ≫ufité. On connoît dans notre Grammaire l'Article le, la, les: dans celle » des Italiens, il, la, lo; dans celle, &c.

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3o. Le principal caractère que perfonne ne peut fe difpenfer de reconnoî-tre dans la nature de ce premier Article, eft auffi une partie effentielle de la > nature commune de tous les autres adjectifs qu'on lui affocie ici; je veux dire la propriété de fixer déterminément l'attention de l'efprit fur les indi» vidus auxquels on aplique la fignification abftraite des Noms apellatifs, ca»ractère qui diftingue en effet ces adjectifs des autres.

Mais puifque les Articles différent des Adjectifs en un objet effentiel; puifqu'ils méritent un nom abfolument diftinct, faifons-en auffi-tôt le partage, affignons-leur des places féparées: n'augmentons pas l'embarras & les difficultés qu'occafionne la Grammaire, par des réunions qui ne donnent pas une idée de plus, & qui ne peuvent que caufer de la confufion par l'embarras dans lequel on fe trouve pour diftinguer des objets auxquels on donue le même nom.

(2) M. du MARSAIS, Logique & Principes de Grammaire, pag. 346 347 (3) M. BEAUZEE, Grammaire générale, T. I. 305-307.

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