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ils font du nombre de ces mots que nous avons apellés Elliptiques, & qu'ils fe décompofent en plufieurs Parties du Difcours lorsqu'on veut les analyser.

Dès-lors nous n'aurons pour Articles que les trois mots, CE, LE, UN; & nous ferons forcés de les reconnoître tous les trois comme des Articles, parce qu'ils en rempliffent toutes les fonctions, & qu'ils ne peuvent point fe décomposer par d'autres mots.

Tandis que les autres mots que nous retranchons de cette lifte, fe décom pofent tous par l'un de ces Articles, dont ils ont l'énergie, & par d'autres Parties du Difcours, comme nous le verrons plus bas.

Et c'est ici un principe fondamental qu'on ne doit jamais perdre de vue; de ne point faire entrer dans une Partie du Difcours, des mots qui ne lui apartiennent pas directement. C'est très-bien fait de ne pas mettre au rang des Pronoms & des Adjectifs, ces Êtres amphibies, tels que mon, ton, &c. mais le même efprit d'équité ne permet pas d'en charger les Articles. Qu'ils foient cequ'ils feront prouvés être, des mots Elliptiques, qui s'attribuent à eux feuls les fonctions de plufieurs.

§. 6.

Des Articles, relativement aux Noms propres.

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De tout ce que nous avons dit jufqu'à préfent au fujet des Articles, il ré-fulte que les Noms propres n'en ont pas befoin, puifqu'ils font fuffifan:ment déterminés par eux-mêmes. Ainfi nous difons Alexandre, Céfar, Henri IV, Louis XV.

Nous ne les faifons précéder de l'Article que lorfque nous voulons accompagner ces Noms de quelque terme qui les relève, fans employer les Noms 'ordinaires de Monfieur, de Madame, ou de Mademoiselle. C'eft dans ce feus que nous faifons précéder de l'Article indicatif les noms des Actrices; que nous difons, LA Camargo, LA Clairon.

Les Italiens vont beaucoup plus loin que nous à cet égard: ils font précéder du même Article le nom des Auteurs, des Peintres, des Poëtes, &c. & c'est d'eux que nous avons emprunté ces Noms propres précédés d'un Article qui femble en faire partie, LE Taffe, LE Rimbrand, LE Guide, LE Titien.

Il paroît qu'ils tinrent cet ufage des Grecs, qui mirent fouvent l'Article indicatif à la tête des Noms propres ils difoient, LE Philippe, LE Socrater

Nous difons, il est vrai, L'Alexandre du Nord, LE Mécène de la France; mais c'est parce que nous n'employons pas ces noms comme des Noms propres, mais comme des Noms apellatifs; ou plutôt c'eft une formule qui tient Hieu de ces phrafes: ce Prince eft pour le Nord ce qu'Alexandre fut pour les Grecs. Cet Homme généreux eft à l'égard des Savans de la France ce que Mécène étoit à l'égard de ceux de Rome.

S. 7.

Livrées que portent ces Articles,

Faits pour marcher avec les Noms, pour les précéder, pour être leurs Hérauts, ils y réuffiront infiniment mieux s'ils en portent les livrées, s'ils prennent la même forme qu'eux; s'ils font masculins ou féminins avec eux, au fingulier ou au plurier comme eux.

C'est ce qu'ils éprouvent dans diverfes Langues: dans la Françoise, par exemple, où l'on dit:

LE Mari & LA Femme,

Ce jeune Homme, CETTE jeune Fille.

D'autres Langues vont plus loin à cet égard; elles ont des Articles pour les deux genres au plurier : l'Italien, par exemple, dit:

GLI occhi, les yeux: LE notte, les nuits.

1 Paftori, les Bergers: LE Paftorelle, les Bergers. Cet ufage réunit ce double avantage :

1o. Qu'en annonçant un Nom, on fait connoître d'avance quel fera fon genre, & à quel nombre il fera.

2°. Que le raport de l'Article avec le Nom en devient infiniment plus grand, & le Tableau beaucoup plus précis. Un Article qui feroit toujours le même quelque forme que prît le Nom, lui feroit beaucoup plus étranger, s'uniroit beaucoup moins avec lui, offriroit moins d'ensemble.

On en peut juger par l'effet que produifent les deux genres du même Article pluriel en François : toujours LES; les Hommes, les Femmes ; tandis que les Italiens difent, GLI Uomini, LE Donne.

Ajoutons que l'Article le, perd la voyelle devant un mot qui commence par une voyelle, afin de rendre la prononciation plus coulante : ainsi on ne die pas, le Oifeau, ni la Eglise; mais, l'Oiseau, l'Eglife, &c,

Quant à l'Article CE, il fe change en pareille occafion dans CET: cet Oiseau; & s'il prend ici une confonne de plus au lieu de perdre la voyelle, comme dans

le, c'est parce que la plupart du tems cet article ce, fe dénatureroit par la prononciation, s'il perdoit fon e devant une voyelle: car c'Oiseau ne le prononceroit pas comme ce Oifeau, mais avec la prononciation du к, comme dans ca. Ce n'eft donc point par bifarrerie que le & ce fubiffent une fi grande difference, quand ils font tous deux devant une voyelle.

Auffi ce devient dans une occafion où la prononciation n'en eft points changée dans le mot c'eft.

Ceft un grand Homme, comme on diroit, ce eft un grand homme.

§. 8.

De la place que doivent occuper les Articles; & que les Latins

en ont eu.

Puifque les Articles font destinés à reftreindre l'étendue des Noms & à en faire des Noms d'individus, ils accompagneront nécelfairement les Noms; mais; quelle place occuperont-ils relativement à eux ? les précéderont-ils néceffairement toujours ? ou ne pourroient-ils pas être également placés après ?-Sans contredit, ils peuvent choifir entre ces deux places, fuivant le génie des Peuples ; tout comme de deux nombres, le plus grand fe met le premier ou fe dernier, fuivant la maniere de voir de chaque Nation. Nous difons cent & un, en faifant paffer le plus grand nombre le premier, tandis que les Orientaux les Germains, &c. difent un & cent, trouvant qu'il eft plus digne du nombre le plus grand de fermer la marche. Ainfi pourvû que le vœu de la parole foit rempli, & que le Nom apellatif soit présenté d'une maniere individuelle, peu importe la maniere & la place.

Si quelque Peuple fuivoit cet ufage, on auroit donc tort de dire qu'il eft fans Articles, & d'en conclure que les Articles ne font pas d'un ufage universel, & ne peuvent être regardés par conféquent comme une des Parties indifpen-fables du Difcours.

Car il faudroit avoir établi, 1°. qu'un Article ceffe de l'être, dès qu'il ne précédé pas le Nom, & qu'il le fuit.

2°. Que ces Peuples n'ont aucun Article qui marche à la tête du

Nom.

Mais il fe pourroit très-bien que ces Peuples ne miffent à la fin du mot & en terminaison, qu'un feul Article, l'Article indicatif qui eft notre le, tandis qu'ils mettroient à la tête les deux autres Articles, le démonftratif ce & l'énonciatif un: & c'eft ce qu'on a omis de nous aprendre. On pourroit même

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affurer, fans rifque de fe tromper beaucoup, qu'ils mettront ordinairement de préférence ces deux derniers Articles avant les Noms.

C'eft quelque caufe pareille qui a fait croire que les Latins étoient fans Articles: car 1°. on borne alors le nom d'Article à l'Article indicatif le; 2°. on peut même affurer que les Latins ne le fuprimerent dans certaines occafions, que parce qu'il étoit remplacé & par le fens & par la terminaison.

Comment arrive-t-il, en effet, que les Latins & les Grecs ayant une mêne Méthode Grammaticale qui les diftingue de toutes les autres Langues en quelque façon, les Grecs fe fervent toujours de l'Article indicatif, & que les Latins s'en fervent fi rarement qu'on fe perfuade qu'ils n'en ont point? Cette difference ne feroit pas naturelle; il feroit abfurde que les Grecs employaffent un Article qui leur feroit de toute inutilité; mais tout eft d'accord, en fupofant que les Latins, Peuple grave & peu parleur, faifoient l'ellipfe de l'Article indicatif toutes les fois qu'ils le pouvoient; & ils le pouvoient prefque toujours par la nature de leur Langue. Ne le faifons nous pas nous-mêmes quelquefois avec fuccès; lors, par exemple, qu'au lieu de dire froidement LA pauvreté n'eft pas un vice, nous disons avec la vivacité du Proverbe, pauvreté n'est pas vice?

Tandis que dans nos Langues modernes, les Noms ne portent aucun caractère avec eux, qui indique de quel genre ils font, chaque nom Latin & Grec porte, au contraire, fon genre avec foi. Si le nom eft mafculin, il prend une terminaifon masculine: s'il eft féminin, fa terminaison eft féminine: ainfi comme ils difent bon-us pour bon, & bon-A pour bonne, ils difent de même Domin-us, le Maître; & Mens-A, la Table; enforte la feule prononciation du Nom en fait connoître le genre. Dès-lors l'Article fe trouve remplacé & inutile quant à fa propriété d'indiquer le genre des Noms: la terminaifon tient lieu d'Article.

que

L'Article indicatif n'a plus alors qu'une fonction à remplir; c'eft de faire connoître que le Nom qu'il accompagne doit fe prendre individuellement : mais nous pouvons être fürs qu'il n'étoit prefque plus néceffaire, même pour cela la terminaison du Nom & l'ensemble de la phrafe le fupléant fi parfaitement qu'on pouvoit le fuprimer prefque toujours, tout comme on fuprimoit dans cette Langue les prépofitions en une multitude de circonftances: puisqu'il étoit impoffible qu'on pûr s'y méprendre, & attribuer un fens vague à un mot déterminé dans un fens individuel par tant de caractères frápans.

Mais quoique l'Article indicatif se sous-entende prefque toujours en Latin, on auroit tort de retrancher les Articles du nombre des Parties du Difcours, même

même par raport à la Langue Latine, & à plus forte raison pour les autres: puifque cet Article ne conftitue pas lui feul cette Partie du Discours; & qu'il en refte d'autres qui ne fe fuprimoient pas, quand ce ne feroit que l'Article démonftratif.

On peut même dire que les Latins avoient quatre Articles, correfpondans aux trois que nous venons d'attribuer à la Langue-Françoise :

Le Démonstratif HIC, qui répond à ce.
L'Indicatif ILLE, qui répond à le.
L'Énonciatif UNUS, qui répond à un.

Le Démonstratif is, qui défigne fur-tout les perfonnes, & qui fe rend égas fement en François par ce.

HIC, ILLE & IS peuvent être réunis dans une même phrafe : alors les deux premiers défignent des objets qui font fous les yeux: hic, ceux qui font près: ille, ceux qui font éloignés ; & is, ceux qui font abfens.

Gradation fine, mais que nous ne pouvons imiter dans notre Langue, qui n'a point de mot confacré à cette derniere idée.

Il formeroit en François un quatrième Article. Ainfi les Langues peuvent avoir plus ou moins d'Articles, fuivant les nuances qu'elles obferveront dans la maniere d'individualifer les Noms.

M. du Marfais avoit déjà très-bien aperçu que ces deux mots ILLE & UNUS avoient la propriété de nos Articles.

-» Les Latins, dit-il (1), faifoient un ufage fi fréquent de leur adjectif dé» monstratif ille, illa, illud, qu'il y a lieu de croire que c'eft de ces mots que » viennent notre le & notre la. Ille ego. Mulier illa: Hic ILLA parva Philoctete

(2). C'eft-là que LA petite Ville de Petilie fut bâtie par Philoctete.... Pétrone » faifant parler un Guerrier qui fe plaignoit de ce que fon bras étoit devenu paralytique, lui fait dire: Funerata eft pars ILLA corporis mei, quá quondam » Achilles eram. Il eft mort, ce bras, par lequel j'étois autrefois un Achille... Il y a un grand nombre d'exemples de cet ufage que les Latins faifoient de leur ille, illa, illud, fur-tout dans les Comiques, dans Phédre & dans les Auteurs de la baffe Latinité

...

» A l'égard de un, une, dans le fens de quelque ou certain, dit-il plus bas (3), en Latin quidam, c'est encore un adjectif prépofitif qui défigne un

(1) Principes de la Gramm. pag. 326.

(2) Eneid. III. 401.

43) Princ, de Gramm. p. 359,

Gramm. Univ.

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