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» INDIVIDU PARTICULIER, tiré d'une efpéce, mais fans déterminer fingulié»rement quel eft cet individu, fi c'eft Pierre ou Paul. Ce mot nous vient » auffi du Latin. Quis eft is homo, UNUS- ne amator? Hic eft UNUS fervus. » violentiffimus (4). Sicut UNUS pater-familias (5). Qui variare cupit rem pro» digaliter UNAM; celui qui croit embellir UN fujet, unam rem, en y faisanc » entrer du merveilleux (6). Fortè UNAM afpicio adolefcentulam (7). Donat qui a commenté Térence dans le tems que la Langue Latine étoit encore » une Langue vivante, dit fur ce paffage que Térence a parlé felon l'ufage, & » que s'il a dit unam au lieu de quandam, c'est que telle étoit, dit-il, & que: telle eft encore la maniere de parler.

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Cet Article a même un pluriel en Latin comme en François: on dit dans: notre Langue les uns, quelques-uns, tandis que le nombre un ne peut avoir un pluriel: les Latins ont dit également uni, una. Ex UNIS geminas mihi conficiet nuptias (7). Aderit una in UNIS adibus (8). C'est une observation que fait avec beaucoup de jufteffe le même Auteur contre la Grammaire de PortRoyal, où l'on avance qu'un n'a d'autre pluriel en François que des avant les fubftantifs; & de, quand l'adjectif précéde: ayant ignoré ce que les Gram-mairiens qui leur fuccéderent ont fi bien vu, que de n'étoit qu'une prépofition; & des, un mot compofé par la réunion de cette prépofition de avec l'ar ticle les.

Enfin, une preuve frapante que les Articles ne fe fuprimoient dans la belle Latinité que par ellipfe, & à caufe des terminaisons qui les fupléoient, c'est qu'à mesure que cette belle Latinité fe corrompit, & que l'on négligea les ter minaisons, il fallut exprimer néceffairement les Articles, enforte que les L'anques qu'on prétend n'être qu'une altération du Latin, font un ufage continuel' des Articles, telles que l'Italien & le François..

Des Savans diftingués (9) ont prétendu même que tandis que les plus grands: Ecrivains de Rome fous-entendoient l'Article, le peuple de Rome, celui des Campagnes, & ceux des Provinces, énonçoient continuellement l'Article; en-forte que nous n'avons fait que perpétuer cet ufage : ils vont même plus loin ;;

(4) Plaute. (5) Ciceron..

(6) Horace. (7) Térence. (8) Même Auteur,

(9) M. BONAMI, Mém. de l'Acad. des Infcr.. & Belles-Letrres, T. XX, M. le Marq;. MAFFEI, Génie de la Littérature Italienne, T. I. Part. I., 12°. Paris, 1760..

car ils font voir que les Latins employoient l'Article dans des occasions où nous ne nous en fervons pas.

5.9.

Heureux effets des ARTICLES dans les Tableaux de la Parole.

L'univerfalité des Articles chez tous les Peuples, la néceffité dans laquelle les hommes ont toujours été de s'en fervir, & la diverfité de ces Articles, au moyen de laquelle ils font face à un plus grand nombre de befoins & de vues, prouvent à quel point les Articles font avantageux à l'art de la Parole, & les grands effets qu'ils doivent y produire.

Mais ces preuves acquerront une plus grande force par la confidération de ces grands effets, puisqu'ils justifieront plus qu'aucun raifonnement, ce que nous avons dit jufqu'à préfent en faveur des Articles.

Perfonne n'ignore que les Tableaux de la Parole doivent réunir la clarté, la concifion & la beauté de l'expreffion, avec la force & la vivacité du fentiment: mais on ne fauroit remplir ces grands effets fans employer des idées déterminées, & dont les objets foient bien deffinés & fans équivoque.

On ne fauroit donc y parvenir fans les Articles, puisque ce font eux qui donnent aux Noms ce fens déterminé & individuel, qui en met T'objet fous les yeux de maniere à ne pouvoir le méconnoître.

1o. Ils répandent dans le Difcours la plus grande clarté, parce qu'en annonçant les Noms, ils les annoncent comme mafculins ou comme féminins, comme finguliers ou comme pluriels, comme préfens ou comme absens, &c. ce qui en rend les idées auffi déterminées qu'il eft poffible.

2o. Le langage réuniffant dans les Articles feuls ces diverses fonctions, & les exprimant par une feule fyllabe, donne au Difcours toute la concifion, toute la netteté & toute l'énergie dont il peut être fufceptible.

3o. Les Noms qui paroiffent ainfi précédés de divers avant-coureurs dont ils changent felon les occurrences, & qui font en quelque façon une partie d'eux-mêmes, en deviennent plus variés, plus agréables, moins nuds; ils en acquierent plus d'harmonie, plus de parure, & c'est toujours celle du moment.

que variés.

4°. De-là résultent des Tableaux auffi vifs Ainfi du feul nom de CIGALE, nous formerons ces Tableaux fi dif férens:

LA CIGALE, celle qu'on connoît & qui eft la feule dont on parle..
CETTE Cigale, celle qu'on a fous les yeux.

yeux,

UNE Cigale, celle qui n'a rien de déterminé, qu'on n'a pas fous les qu'on ne connoît pas d'une maniere déterminée, certaine Cigale. Tandis que fi nous n'avions point d'Articles, tous ces Tableaux feroient triftement réduits à ce feul mot, CIGALE.

Notre charmant Fabulifte n'auroit pu dire;

» La Cigale ayant chanté.

» Tout l'Eté, &c..

Il eût été réduit à dire, Cigale ayant chanté, &c. ce qui auroit eu beaucoup moins d'énergie, préfentant un fens moins déterminé.

On peut voir dans l'exemple fuivant, fi connu, quelle diverfité & quelle nerteté jette dans le Difcours cet emploi des Articles.

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Où par le feul changement des Articlés, on forme au moins douze Ta-bleaux différens, & pleins d'énergie par la précifion qu'ils mettent dans le Difcours, & par la maniere dont ils le rendent propre à exprimer les nuances: les plus déliées dé nos idées..

5°. Le fentiment enfin s'y trouve intéreffé de la maniére la plus effentielle. Car fi l'on parlé pour augmenter le nombre des idées, on parlė : fouvent encore pour mettre en jeu les fentimens, pour émouvoir, pour toucher, pour attendrir.

On ne fauroit produire ces effets cependant par des peintures vagues,, confuses, indéterminées : des Tableaux auffi imparfaits fatigucroient, peine-roient & ne produiroient aucun effet durable. Plus, au contraire, ils feront déterminés & précis, plus ils mettront l'objet fous nos yeux; plus ils nous it rendront fenfible, & plus nous en ferons vivement affectés.

Et c'eft-là le grand effet des Articles: destinés à détacher: les objets de la grande maffe univerfelle, à les mettre fous nos yeux, faits pour les préfenfous toutes leurs faces, ils deviennent d'une refource étonnante pour: former des Tableaux, au moyen defquels ces objets excitent fur nous les feir-

ter

timens les plus vifs, & les plus touchans, par leur préfence nette, précise

circonftanciée..

Auffi les Poëtes, qui dans toutes les Langues & chez tous les Peuples, n'écrivent que pour toucher & pour faire paffer dans l'ame de leurs Lecteurs les fentimens les plus vifs, qui étudient dans cette vue tout ce qui peut y conduire, font un ufage continuel des Articles.

En voici quelques exemples pris au hafard dans celui de nos Poëtes qui par fa compofition: belle & touchante, mérita le nom de Poëte du fen

timent.

» Vous voyez devant vous, fait-il dire à Hippolyte, lorfqu'il déclare à Aricie fes fentimens pour elle,

Vous voyez devant vous On Prince déplorable,
» D'UN téméraire orgueil exemple mémorable.....
Affervi maintenant fous LA commune Loi,.....
» UN moment a vaincu mon audace imprudente.
"CETTE ame fi fuperbe eft enfin dépendante......

LA lumiere du jour, LES ombres de La nuit,
»Tout retrace à mes yeux LES charmes que j'évite,

Difcours où le mêlange des trois Articles, CE, LE & UN, forme divers Ta→ bleaux, tous nuancés différemment, & faisant une impreffion forte & vive par la maniere précife, nette & déterminée dont ils préfentent leur objet..

Leur effet n'eft pas moins intéreffant dans ce Difcours de Monime-a Mithridate:

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Vous feul, Seigneur, vous feul, vous m'avez arrachée:

A CETTE obéissance où j'étois attachée.

Et ce fatal amour, dont j'avois triomphé,

CE feu que dans z'oubli je croyois étouffé,

Dont la cause à jamais s'éloignoit de ma vue,

Vos détours L'ont furpris.....

Et le tombeau, Seigneur, eft moins triste pour moi,
Que LE lit d'UN Epoux qui m'a fait CET outrage;

Qui s'eft acquis fur moi ce cruel avantage;

Et qui me préparant un éternel ennui,

M'a fait rougir d'un feu qui n'étoit pas pour lui,,

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Que CES vains ornemens, que CES voiles me pésent?

» Quelle importune main, en formant tous CES nœuds,

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» A pris foin, fur mon front, d'affembler mes cheveux?

Les Latins opéroient les mêmes effets avec leurs terminaisons de deux genres & leurs différens cas; enforte qu'on n'avoit nul befoin d'exprimer l'Article. Jugeons-en par ces Vers:

Primus amor Phabi Daphne Peneïa; quem non
Sors ignara dedit: fed fæva Cupidinis ira.
Delius hunc, nuper victo ferpente fuperbus,
Viderat adducto flectentem cornua nervo

Quidque tibi, lafcive puer, cum fortilus armis ?
Dixerat, ifta decent humeros geftamina noftros:
Qui dare certa feræ, dare vulnera poffumus hofti
Qui modo peftifero tot jugera ventre prementem.
Stravimus innumeris tumidum Pythona fagittis.
Tu face nefcio quos efto contentus amores
Irritare tua: nec laudes affere noftras,
Filius huic Veneris: Figat tuus omnia, Phabe;
Te meus arcus, ait: quantoque animalia cedunt
Cuneta Deo, tanto minor eft tua gloria noftra.
Dixit: & elifo percuffis aëre pennis.

Impiger umbrofa Parnaffi conftitit arce

Deque fagittifera prompfit duo tela pharetra

Diverforum operum: fugat hoc, facit illud, amorem:

Quod facit, auratum eft, & cufpide fulget acuta.

Quod fugat, obtufum eft, & habet fub arundine plumbum;

Hoc Deus in Nympha Peneïde fixit: at illo

Lafit Apollineas trajekta per offa medullas.

Protinus alter amat : fugit altera nomen amantis

Sylvarum latebris, captivorumque ferarum

Exuviis gaudens, innuptæque Æmula Phæbes ( 1 ).

(1) Métamorph, d'OVID, Liv. I. Métam, xiv.

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