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Un Homme rond fut un homme-cercle, ou un homme-boule.

Un Homme grand fut un homme-mont.

Un Homme groffier étoit un homme-ours.
Un Homme pieux étoit un Fils du Ciel,

Un Homme impie étoit un Fils de la Terre.
Un Homme franc fut un homme-forêt.

Un Homme fin & rufe fut un homme-ville.

Les graces charmantes de la jeuneffe furent des rofes, des lys, une Aurore, une fleur qui annonce les fruits & qui difparoît promptement.

Pour peindre la beauté, pour exprimer qu'une femme réuniffoit en elle tout ce qui plaît, tout ce qui charme, pour défigner en un mot la premiere Mere de famille, on n'eut à prononcer qu'un feul mot; & ce mot fignifia routes ces chofes, & les fignifia de la maniere la plus énergique, parce que ce mot fut le nom de l'Aftre le plus beau, de celui dont l'aparicion porte dans l'Univers la vie & le plaifir, comme une Mere de famille, jeune, belle, & touchante, eft pour fa famille une fource de bonheur & d'agrémens.

Ce mot fut BEL: nom du Soleil, comme Souverain des Aftres. Dire une Femme belle, c'étoit dire une Femme-Soleil.

L'on exprimoit par-là tout ce que renferme l'idée de beauté; on l'exprimoit de la maniere la plus courte, la plus précise, la plus énergique: & ce qui eft affez fingulier, c'eft que ce Nom qui n'étoit que d'emprunt, est resté à la beauté, & a été perdu pour le Soleil. C'étoit dépouiller le Ciel enripour chir la Terre.

Pour défigner la chaleur des Vents d'Orient, on les apella Vents de feu : & pour défigner la douceur balfamique des Vents du Midi dans un beau jour d'Eté, on les apella Vents de miel.

Ce langage de comparaifon, fondé fur celui d'imagination, & venant à fon fecours, réuniffoit nombre d'avantages: la fimplicité d'une Langue naiffante peu chargée de mots : la richeffe du Langage Poëtique rempli de figures & de comparaifons; l'exactitude du Langage Philofophique, qui doit toujours s'affortir à la nature des chofes, & qui ne peut procéder que par comparaifons.

Toutes les fois donc qu'on voulut défigner la qualité d'un objet, on fit marcher deux Noms enfemble.

L'un indiquoit l'OBJET dont on parloit.

L'autre défignoit la QUALITÉ, en faisant voir le raport de cet objet, avec celui dont ce fecond mot étoit le Nom,

Ainfi les Noms étoient employés, tantôt comme défignant des objets

& tantôt comme défignant des qualités..

Employés feuls, ils défignoient des objets ; employés à la fuite d'un autre, ils défignoient des qualités.

Ainti le mot Eminence employé feul, défignoit un objet, un terrain élevé ; mais dans cette phrafe, un homme-eminence, il ne défignoit plus qu'une quag lité, celle d'un homme grand & élevé.

Bel, feul ou précedé d'un Article, fignifioit le Soleil: joint à un nom d'homme ou de femme, ils ne défignoit plus qu'une qualité; la qualité d'éblouir comme le Soleil.

Un arbre Dieu défignoit fon excellence.

L'homme-Terre ne défignoit que la qualité de cultiver la terre.

Nous avons encore un Livre rempli d'expreffions de cette nature: on a cru qu'il parloit un langage fingulier & extraordinaire, un langage oriental: tandis qu'il parle le langage énergique, fimple & touchant de la Nature, le feul que les hommes aient pu parier dans l'origine, & des principes duquel aucune Langue n'a jamais pu s'écarter. Le ftyle de ce Livre dépole ainfi en faveur de fa haute antiquité.

Cette marche de l'efprit humain eft fi naturelle, qu'on la retrouve dans toutes les Langues anciennes ; & qu'elle feule peut mettre quelqu'ordre dans leurs Dictionnaires. Rien n'eft plus défolant pour une perfonne qui eft dans Pidée que les Adjectifs font des mots totalement differens des Noms, que de voir dans ces Dictionnaires le même mot fignifier toujours & des Noms & des Adjectifs : ces Langues lui paroiffent un cahos inconcevable, & il feroit tenté de croire que leurs Auteurs n'avoient pas le fens commun.

Mais avec ces principes, ces Phénomènes s'expliquent : ces diverfes figni-fications découlent les unes des autres, & ces Langues font tout ce que pou-voit être une Langue, tout ce que font les nôtres.

L'on n'eft plus étonné que dans les Langues Celtiques ;, BAR fignifie, 10. une Montagne, une Colline. 2o. Haut, élevé.

3o. Sublime, excellent.

4o. Un homme élevé, un BAR-on: rien de plus offdinaire dans nos anciens Hiftoriens que cette ex-preffion, le Roi & fes BAR-ons.

BAN fignific, 1. une Elévation, une Montagne, un Rocher,

2. Haut, élevé.

3. Exquis, diftingué, illuftre,

4°. Prince, Chef, nom refté dans les BANS de Croatie,
& dans BAN-neret, venu de BANN-iere, qui fi-
gnifie une chofe ÉLEVÉE pour fervir de point de
ralliement.

CAB, CAP fignifie, 1o. toute Extrémité, Tête, Sommet.
2o. Tout ce qui a une CAP-acité comme la tête,
3o. CAP-able.

4°. Celui qui eft à la tête, un CAP, que nous pronon-
çons CHEF, & qui eft refté avec la vraie pronon-
ciation dans CAP-itaine, &c.

DUN fignifie toute profondeur,

20. Profond, élevé, grand.

3o. Un Prince, un Juge, un Seigneur, nom refté dans DON, DUNES, & DUN-afte ou DYN-afte des Grecs, & leur DUN-é, force, puiffance; d'où vinrent DuNamai, je puis, & DYN-amique ou fcience des forces. 4°. Fortereffe.

5°. Ville forte, & ville profonde.

60. Un homme lourd, une bête ; d'où la fameufe DUNciade; Poëme Anglois, qui fignifie mot à mot le Pëme du lourdaut ou de la bête,

20. La Dérivation,

On s'aperçut bientôt qu'il étoit très-incommode de faire marcher deux Noms à côté l'un de l'autre : qu'il étoit fâcheux qu'un même mot eût deux ou un plus grand nombre de fonctions à remplir: qu'il étoit même quelquefois très-difficile de faifir leur fens ; de décider quel des deux devoit fe prendre dans le fens abfolu ou dans le fens relatif, comme objet ou comme qualité.

On chercha donc à remédier à cer inconvénient; & pour cet effet, on eut recours à un moyen de la plus grande fimplicité, & peut-être le feul qui fût poffible; ce fut d'ajouter à la fin du Nom, une fyllabe qui faifoit connoître que ce Nom ne fe prenoit plus comme Nom, mais dans le feul fens de qualification : & cette fyllabe fut formée du verbe E qui marque l'exifrence; ou du verbe A qui marque la poffeffion, la propriété.

Dès-lors, au lieu de dire un lieu-glace, on dit un lieu glac-É, Cet a ajouté

à la

à la fin du mot, tenoit lieu des inots qui eft : un lieu glacé, fignifia mot à mor un lieu qui eft glace.

On ne dit plus un objes-monftre, mais un objet monftru-EUX, c'est-à-dire, objet qui eft monftre.

Au lieu d'homme-cité, on dit un homme citoyen.

Un apartement-fleur, devint un apartement fleuri.
Un difcours-miel, fut un difcours mielleux.

Par cette invention auffi fimple qu'heureufe, le nombre des mots fut doublé, triplé, quadruplé, chaque nom donnant lieu à un grand nombre d'Adjectifs; & le langage en devint plus aifé, plus coulant, plus riche, plus lumineux.

C'est ainsi que du mot FAC, qui défignoit une action, les Latins firent:

FAC-ilis, qui eft aifé à faire.

FAC-iens, celui qui fait.

FACT-urus, celui qui fera.

FACT-US, qui a été fait.

FACT-iofus, qui est actif, agissant.

FACT-itius, qui eft fair à la main, artificiel, factice.

FAC-undus, qui fait des chef-d'œuvres, éloquent, beau parleur. FAC-etus, qui fait des chofes agreables, plaifant, enjoué, facétieux. De CAP, vinrent, fuivant ces diverfes fignifications, relativement à

Τέτε :

, qui a un grand Cap, une grande Tête, une grande

CAP-ax, capable, qui a un

Capacité.

CAP-italis, tout ce qui regarde la tête, l'objet principal, la vie: ce qui eft Capital.

CAP-itatus, qui a une groffe tête.

CAP-itofus, qui a une tête ; opiniâtre, têtu.

2. Dans le fens de MAIN & de prendre:

CAP-iens, qui prend.

CAP-tus, qui a été pris.

CAP-tiofus, qui enlace, qui prend dans fes filets, captieux.
CAP-tivus, qui a été fait prifonnier, captif.

3. Dans le fens de CAV-ité, ou faculté de contenir:

Cav-us, creux, profond, cavé,

CAV-atus, creusé, encavé.

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Il n'exifte aucun adjectif, dans aucune Langue quelconque, même en Latin & en Grec, qui ne vienne d'un Nom, ou encore ufité dans ces Langues, comme Sylveftris, fauvage, qui habite les forêts, & qui eft une phrase entiere formée de ces mots:

Sylv-eft-eris, qui fignifient mot à mot, celui qui eft dans les forêts, & dont la racine eft SYLV-a, forêt.

Ou qui ne vienne de quelque mot qui ceffa d'être en ufage, & qu'elles laifferent perdre.

C'est ainsi que PoT-ens, qui fignifie en Latin puissant, ne vient pas du verbe Posse, pouvoir; mais du Celte, ror, élévation, force: d'où vinrent le Latin:

POT-es, tu es puissant.

POT-ens, un être puissant.

POT-ent-ia, la qualité d'un être puiffant, la puiffance.

POT-fum, je fuis puissant, je peux, qu'on prononça enfuite possum. En ajoutant à la fin des Noms le mot OUR, UR, OR, qui fignifient homme, & IX, ou ISHE, qui fignifie femme, on en fit une autre efpèce d'Adjectifs, qui défignerent ceux qui agiffoient.

ACT-or, Acteur, celui qui fait..

ACTR-ICE, (1) Actrice, celle qui fait.

CAPTA-TOT, CAPTATR-icé, celui ou celle qui cherche à prendre, à
attraper; intriguant.

CANTAT-OF, CANTATR-ice, un Chanteur, une Chanteufe, une
Cantarrice.

Telle eft la maniere dont fe formerent les Adjectifs; ce fut la troisieme Partie du Discours : elle augmenta prodigieufement le nombre des mots, fans former une feule racine de plus, ou un feul Nom de plus..

Il n'existe ainfi aucun Adjectif qui ne fe lie avec un Nom, & qui n'en tire toute fon énergie; dès lors aucune peine pour les aprendre: ce qui facilite & fimplifie fingulierement l'étude des Langues, qu'embarraffoit prodigieufement la multitude des Adjectifs, lorsqu'on ne pouvoit les lier avec les Noms qui les formerent.

(1) A l'ablatif, parce que le nom primitif y eft mieux. confervé qu'au nominatif 'Aftr-ix.

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