페이지 이미지
PDF
ePub
[blocks in formation]

D'où vinrent auffi les mots Latins, VID-co, je vois; VIS-us, vue, &c. & nos mots voir, vue, vifion, idole, &c. qui n'ont prefque plus de rapport pour le fon avec le mot 4DÉE.

Cette Famille tient elle-même à un mot primitif qui s'eft prononcé ID, EID, AID, AD, qui fignifie la main, & qui a donné des dérivés à une multitude de Langues. En effet, nous ne voyons, nous ne connoiffons dans le fens physique, que ce qui eft fous notre main, que ce que nous pouvons manier, toucher, tourner & retourner fous toutes les faces: auffi des Aveugles ont été habiles Statuaires, parce que la main fuffit pour connoître & pour imiter les formes

des corps.

Mais tout ce que notre efprit confidere, tout ce qui lui eft préfent, s'y préfente & l'affecte toujours d'une certaine maniere: c'est par-là qu'il y trouve de l'attrait; qu'il diftingue cet Être des autres, qu'il exifte pour lui.

Ce font les qualités qu'il y apperçoit qui le rendent attentif, qui décident de l'idée qu'il s'en forme, & du rapport qu'il y découvre avec lui-même ou avec les autres Êtres.

Comment décidons-nous en effet de la bonté des Êtres, fi ce n'est par les bons ou les mauvais effets que nous en voyons découler? Le même objet ne fera-t-il pas bon & mauvais tout à la fois pour diverfes perfonnes, felon qu'elles en éprouveront du bien ou du mal?

Le SOLEIL, par exemple, nous affecte par fon éclat, par fa chaleur, par sa fa forme, par fa place, &c: nous en aurons donc l'idée, lorfque nous nous le représenterons comme un Globe élevé & brillant, qui éclaire & échauffe Univers.

. L'EAU nous affecte par fa limpidité, par fa fluidité, par fa vertu défaltérante; nous en aurons l'idée, lorsque nous nous la représenterons fous ces qualités qui lui font propres.

Nous aurons Pidée d'un Roi, lorfque nous nous le représenterons comme le Chef fuprême & unique d'une fociété nombreuse & Maître d'une vaste Contrée.

Gram. Univ.

Nous aurons l'idée de la GRAMMAIRE, lorfque nous nous la repréfenterons comme l'assemblage des régles par lesquelles nous peignons nos idées & les rendons fenfibles à nos femblables.

Ainfi nous ne nous repréfenterons jamais un objet, fans l'accompagner des qualités par lesquelles il nous affecte, qui font qu'il eft cet objet, & non un autre; qui forment fes caractères diftinctifs, fon effence en quelque forte.

On ne fauroit fe représenter une MONTAGNE, fans fon élévation; une VALLÉE, fans fon enfoncement ; une MER, fans la vafte étendue de ses eaux.

Obfervons que les idées ne naissent pas toujours des objets extérieurs ; nous en avons qui viennent de notre ame elle-même; qui font produites par la confidération de notre état intérieur, de ce qui fe paffe au dedans de nous-mêmes; qui donnent la connoiffance de notre état actuel. Car telle eft l'excellence de notre nature, que nous ne recevons pas feulement les impreffions des objets extérieurs; mais que nous connoiffons auffi notre propre état, que nous devons une partie de nos idées à l'impreffion des objets intérieurs qui fe font sentir en nous; à cette puiffance active de notre ame qui agit fur elle-même : ainfi le fentiment de nos befoins fait naître diverfes idées en nous : ainfi nos affections, nos défirs, nos volontés, &c. nous occupent tour-à-tour, & nous élévent à des idées fort differentes de celles que nous devons aux objets exté

rieurs.

On peut dire, que par rapport à la premiere de ces deux claffes d'idées, nous fommes paffifs; & que relativement à la feconde, notre ame y déploye toute fa puiffance active.

Ainfi, les idées que nous avons du Soleil, de l'Eau, de tous les objets phyfiques, &c. font en quelque forte des idées paffives; car elles nous font données par la contemplation ou par la vue de ces objets extérieurs.

Tandis que les idées relatives aux befoins, aux délirs, à la volonté, font actives, en ce qu'elles naiffent de la confidération de nous-mêmes, & par cette faculté que nous avons d'agir par nous-mêmes, indépendamment de tout objet

extérieur.

Par-là, deux Mondes s'ouvrent en quelque forte à nous : le MONDE PнySIQUE, qui nous donne l'idée de tout ce qui eft extérieur, de tout ce qui tombe fous les fens.

Et le MONDE INTELLECTUEL, qui nous donne l'idée de tout ce qui eft intérieur, qui nous développe notre esprit & les facultés; qui renferme la connoiffance de tout ce qui n'est pas physique.

Et tous les deux font la fource féconde des modèles divers que la Grammaire nous apprend à imiter, & des Tableaux qui en résultent.

CHAPITRE VI.

Comment la Grammaire nous apprend à imiter & à peindre ces modèles.

IL ne

ne fuffit pas d'avoir des idées, & de favoir en quoi elles confiftent: il faut encore, & c'est ici où naît pour nous la Grammaire, où elle vient nous prêter son secours; il faut connoître les moyens par lesquels nous pouvons communiquer nos idées à nos femblables, & devenir participans des leurs; faire un commerce réciproque d'idées; en donner & en recevoir.

Rien ne feroit plus aifé, fi nos idées étoient des objets corporels qui fuffent hors de nous; mais elles font dans notre efprit'; elles fönt notre esprit lui-même affecté dans ce monent d'une certaine maniere: on ne peut donc tranfmettre ces idées au dehors de foi, comme on tranfmer un objet physique; elles ne feront cependant pas perdues pour les autres, dès que cela leur deviendra néceffaire, à eux ou à nous; nous trouverons dans notre génie, dans nos organes, dans les facultés dont nous doua la Divinité, les moyens néceffaires pour faire paffer dans l'efprit des autres hommes les idées qui nous occupent, nos defirs, nos volontés, nos connoiffances, le feu de notre génie, la profondeur de nos pensées; pour leur dévoiler notre efprit, & le leur montrer comme à découfoit que des objets extérieurs l'affectent, foit qu'il fe replie fur lui-même & qu'il foit la propre caufe de fes idées.

vert,

Ces moyens confiftent dans la peinture de ces idées par des lignes corref pondans à ces idées & qui affectent l'efprit de nos femblables de la même maniere que nous fommes affectés, en leur préfentant les objets qui font la cause de nos idées, & en les leur faifant voir précisément fous ces mêmes rapports.

[ocr errors]

Et afin que cette peinture produife exactement les effets que nous en attendons, nous ferons dirigés par la Grammaire. Elle nous dir:

Parlez aux autres comme vous vous êtes parlé : que les fignes que vous employerez dans cette vue, produisent fur leur efprit, par leur valeur & par leur arrangement, le même efter que produit fur le vôtre la confidération de l'objet qui vous occupe & dont vous voulez leur donner la conuoiffance.

Si ce font des mots que vous employez pour cela, que les uns expriment

les objets qui vous frappent; que d'autres peignent les effets que ces objets produifent fur vous; que des troifiémes fervent à unir tous ceux-là en marquant leurs rapports; & qu'il en résulte un Tout lumineux qui peigne votre idée à l'elprit de vos femblables avec la même exactitude & la même précifion, qu'elle: eft peinte dans votre efprit par la vue des objets qui la firent naître : que ce tableau foit une glace, qui réfléchisse dans leur efprit l'état actuel du vôtre..

Par cette imitation, on marche d'une maniere fûre dans la peinture de fes idées, parce qu'elle ne renferme rien d'arbitraire, parce qu'elle eft exactement conforme à fon modéle, parce qu'elle eft la peinture fimple & fidelle de l'idée, qu'elle en eft en quelque forte la réflexion.

Et ces procédés font de tous les Peuples, & de tous les Tems, parce que dans aucun tems, dans aucun lieu & dans aucune Langue, on ne peut peindre une idée que par les développemens, que par la diftribution des diverfes: parties qui la conftituent & qui font elles-mêmes les développemens des objets. dont on a l'idée.

CHAPITRE VI I..

En quoi la Grammaire differe de la Logique & de la Rhétorique, relativement à la peinture des idées..

LA Logique, a un fi grand rapport avec la Grammaire, que des Savans distine

gués ont fouvent emprunté de l'une des principes pour expliquer l'autre ; & qu'il femble que la Grammaire foit fondée fur une Logique naturelle, que P'homme apporte avec lui. Toutes les deux s'occupent en effet d'idées, de ce que: l'homme fe dit, de ce qu'il dit aux autres: mais elles envifagent ces objets fous des faces differentes..

La Grammaire ne s'occupe que de L'EXPRESSION des idées..

La Logique en examine la VÉRITÉ.

La Rhétorique y met le COLORIS néceffaire.

La Grammaire nous apprend à peindre nos idées, telles qu'elles exiftens dans notre efprit..

La Logique, à les rendre telles qu'elles doivent être pour avoir la plus parfaite conformité à leurs modéles.

La Rhétorique, à les peindre de la maniere la plus propre à réveiller Pattention, & à émouvoir.

Elle parle au cœur & à l'imagination qu'elle ébranle & qu'elle touche par la beauté & la richeffe de l'image, tandis que les deux autres parlent à refprit & à l'entendement qu'elles éclairent par la préfentation fimple & nue de l'image & par la vérité.

L'une cherche à rendre les idées avec toute la fidélité poffible.

L'autre, à leur donner toute la certitude poffible.

La troifiéme, à en faire un Tableau animé, auffi pittorefque & auffi éner gique qu'il fe peur.

Toutes font néceffaires & intéreffantes, parce que de leur réunion réfulte la communication des idées, la plus parfaite, la plus agréable & la plus conforme à la. Nature, qui ne fe contente pas de donner l'existence aux Etres, mais qui les accompagne de toutes les graces & de tout l'embelliffement dont ils font fufceptibles: de même, plus on peut rendre une idée exacte dans fon expreffion, conforme à la vérité dans fon ensemble, harmonieufe & agréable dans fes développemens, & plus on remplit le but de la parole.

La GRAMMAIRE précedera toutes les autres; car afin de pouvoir déci der fi l'on le forme des idées vraies des objets, il faut avoir des idées & être en état de les exprimer : il faut pouvoir fe parler, afin d'être en état de juger fi l'on parle bien : & il faut s'être affuré qu'on s'eft bien parlé, qu'on a. acquis des idées vraies, avant de chercher à les faire goûter & rechercher des autres : c'est abuser du difcours que d'embellir la fauffeté, des charmes de la vérité.

La Logique & la Rhétorique fuivront donc la marche & les procédés de la Grammaire, puifqu'elles ne viennent qu'après elle.

La Grammaire ayant appris à présenter une idée dans tout fon enfemble, à la préfenter avec toutes les parties, à défigner l'objet qui l'occafionne lès qualités qu'on y apperçoit & qui en conftituent l'idée, & à les lier d'une maniere qui en faffe un Tout, la Logique examine fi l'on a envisagé en affer par-là cet objet fous fon véritable point de vue ; & la Rhétorique orne ce point de vue, cette perfpective, de tous les agrémens dont elle peut être fufceptible..

Ainfi plus l'on aura de juftes idées de la Grammaire, plus il fera ailé

« 이전계속 »