forme un des travestissemens les plus mal-adroits Avant-hier il vint, et je fus transportée Hier il m'a beaucoup flattée ; A présent il ne me dit rien. Il court, ou je me trompe, après cette étrangere; Le rôle entier va en croissant sur le même ton: de Navarre, et l'étranger est un duc de Foix, amoureux d'elle, qui d'abord a voulu l'enlever, et qui est venu sous le nom d'Alamir, dans le même château où la princesse s'est retirée pour être à l'abri de ses poursuites. Il trompe très-gratuitement cette pauvre Sanchette, dont un prince tel que lui, qui d'ailleurs se conduit en héros dans toute la piece, devait respecter l'extrême jeunesse er la simplicité. Il lui fait accroire qu'il l'épousera, et que toutes les fêtes qu'il donne à Constance (c'est le nom de la princesse), sont en effet pour Sanchette; moyen très - mal imaginé pour amener des fêtes qu'il fallait motiver tout autrement, moyen aussi peu vraisemblable que délicat, puisque dans toutes ces fêtes on ne célebre que Constance. Il serait de plus impossible qu'on en donnât de semblables à Sanchette, et que son pere, tout imbécille qu'il est, le souffrît. Ce pere, pere, qui s'appelle Morillo, nom du bouffon de nos anciennes pieces à spectacle, parle en effet le même langage, quoiqu'il soit baron et seigneur du château; tout le monde se mocque de lui chez lui. Ce n'est point là le caractere des seigneurs espagnols, et l'étourderie de Sanchette ne ressemble pas davantage à la tendresse noble et fiere des femmes d'Espagne, surtout dans le rang où Sanchette a été élevée. C'est pourtant de ces deux caricatures que l'auteur a prétendu tirer tout le comique de son drame héroïque; car la piece est de ce genre froid et faux que lui-même a condamné dans Don Sanche d'Arragon, quoique cette piece soit peut-être la moins mauvaise de celles qu'on a voulu composer de ce mêlange du noble et du plaisant, qui ne fera jamais un bon ensemble. L'auteur a beau dire dans son prologue: Souffrez le plaisant même, il faut de tout aux fêtes, Oui, mais ne mettez pas ensemble le sérieux de l'héroïsme et le plaisant de la comédie, encore moins la bouffonnerie. N'alliez pas la tragédie à la farce dans un même cadre cet alliage sera toujours désagréable. Mettez de tout dans vos fêtes; mais que chaque chose soit à sa place dans une fête comme ailleurs; et lorsqu'on s'est corrigé de ce mauvais amalgame dès le dernier siecle, ne le faites pas reparaître dans le nôtre. L'intrigue est tout ce qu'il y a de plus rebattu au théâtre et dans les romans : un héros que l'on hait sans le connaître, et qui se fait aimer sous un autre nom que le sien. Constance déteste le duc de Foix, parce qu'il a tenté de l'enlever, ce qui n'est pourtant pas le plus impardonnable des outrages; et le duc de Foix s'en fait aimer en en quelques heures sous le nom d'un simple gentilhomme, ce qui n'est pas trop fier pour une princesse espagnole. Tout finit par une reconnaissance et un mariage, et la princesse se charge de l'établissement de Sanchette, qui toujours contente pourvu qu'on la marie, dès ce moment ne se soucie non plus d'Alamir que si elle ne l'avait jamais vu, ce qui est encore très-peu naturel en soi-même, et mortellement froid au théâtre. Le seul morceau où l'on retrouve Voltaire dans tous ces spectacles de Versailles, c'est le prologue que prononçait le Soleil du haut de son char, à l'ouverture de la fête, et qui commence par ce vers: L'inventeur des beaux-arts, le dieu de la lumiere, &c. Le poëte se souvint ici qu'il faisait parler Apollon, et n'ayant que des vers à faire, il les fit tels que le dieu lui-même aurait pu les avouer : c'est l'esprit, la grâce, l'imagination, le coloris de Voltaire. Ce prologue, d'environ quatre-vingts vers, parmi lesquels il y en a très-peu de faibles, est assez connu pour qu'il suffise de le rappeler : je n'en citerai que le dernier trait qui fut alors répété partout, et qui était extrêmement ingénieux: Je vais, ainsi que votre roi, Recommencer mon cours pour le bonheur du monde. K SECTION I V. De l'Opéra italien comparé au nôtre, et des changemens que la nouvelle musique peut introduire à l'Opéra français. La théorie des spectacles, dans leurs rapports avec les mœurs publiques et les circonstances locales, est beaucoup plus étendue qu'on ne l'imagine, et n'est pas à beaucoup près renfermée toute entiere dans les regles de la poëtique. On a déjà pu appercevoir cette vérité dans ce qui a été dit en son lieu des théâtres anciens : je m'écarterais trop si je voulais la développer et l'approfondir. Mais selon la méthode que j'ai suivie, d'indiquer du moins à la réflexion ce qui n'est pas de l'objet immédiat de cet ouvrage, j'inviterai ceux qui veulent former leur jugement, à ne pas considérer uniquement le génie des auteurs dans les productions théâtrales de chaque peuple, et à ne pas croire que l'incontestable supériorité de notre théâtre dans tous les genres appartienne seulement au talent dramatique, ni même qu'elle prouve dins les auteurs étrangers une infériorité d'esprit égale à celle des ouvrages. Ils n'ont pas eu les mêmes secours dans l'esprit public de leurs contemporains, et le leur a été nécessairement subor 1 |