ne sont pas déplacés; mais je ne crois pas qu'à l'opéra même on ait dû passer les vers suivans, qui ne sont qu'un très-frivole jeu de mots : Doris était ma derniere amourette; Vous êtes mon premier amour. Bientôt Lamotte essaya la tragédie lyrique, et d'abord dans Amadis de Grece, où il ne fit gueres que se traîner sur les traces de Quinault. Il n'y a nulle invention dans son plan, nulle beauté dans le style, et la piece serait encore très-peu de chose, quand on ne se souviendrait pas de l'Amadis de Quinault, dont une seule scene vaut mieux que tout le drame de Lamotte. Celui-ci n'est pas même exempt de cet abus d'esprit que la tragédie lyrique n'admet pas plus que la tragédie parlée, et dont aussi Lamotte s'est depuis garanti en ce genre plus que dans tout autre. Ici Mélisse dit au prince de Thrace, en lui parlant de son rival: Faites vos plaisirs de sa peine; Vous êtes trop heureux de ce qu'il ne l'est pas. C'est presque s'exprimer en énigmes, et l'obscurité est encore plus vicieuse dans les paroles chantées que partout ailleurs. Marthésie qui suivit Amadis, ne me paraît pas un sujet conforme aux vraisemblances dramatiques. La Fable des Amazones est par elle-même trop con Cours de littér. Tome XII. B traire à la nature. On ne se fait point à voir des Latnotte revient à son genre et à son talent dans le Triomphe des Arts, ouvrage bien imaginé, bien exécuté, dont l'idée est ingénieuse, théâtrale et lyrique, qui offre partout de l'intérêt et un intérêt varié, et qui est partout embelli des plus agréables détails. Rien n'était mieux vu et plus favorable sur un théâtre qui est proprement celui des arts, et où se réunissent la poésie, la musique et la peinture, que de les y présenter en action et en spectacle, avec le charme que peut y joindre l'amour. Tous les sujets sont bien choisis; c'est Sapho pour la poésie, Apelle et Campaspe pour la peinture, Amphion pour la musique, Pygmalion pour la sculpture, et l'auteur a su tirer de la fable et de l'histoire ce qu'elles lui offraient de plus avantageux. Quand Voltaire, pour le faire entrer dans le Temple du Goût, ne lui demande que quelques-unes de ses fables et quelques-uns de ses opéras, sans doute le Triomphe des Arts était du nombre, et Lamotte en ce genre n'a pas été surpassé. Le style en général est soutenu, et l'on y distingue des morceaux dignes d'éloge: tel est celui-ci de l'acte d'Amphion, lorsqu'il veut élever les murs de Thebes pour y faire régner sa maîtresse. Antres affreux, demeures sombres, Que de superbes murs dans votre sein formés, Sous un empire heureux il faut vous réunir. Ses yeux sauront vous retenir. Ce style est suffisamment poétique, et cette élégance est musicale. Niobé que l'on éleve sur un trône, chante ces vers: 'Amour, c'est à toi seul que je dois mes plaisirs. Tes chaînes sont pour moi mille fois plus aimables. N'y a-t-il pas dans ces vers quelque chose du goût de Quinault? Et qu'on ne s'y trompe pas: la distance des genres et par conséquent celle des hommes part, Quinault est classique dans son genre, comme Racine dans le sien. Je m'en suis convaincu plus que jamais en relisant ses opéras, que rien n'a encore égalés. mise à On sent, toutes les fois que Lamotte a bien fait, qu'il a regardé son modele. Voyez ce dialogue de Campaspe, parlant de la préférence qu'elle donne à Apelle sur Alexandre : la scene représente l'atelier du peintre. Apelle en ce lieu va se rendre; C'est ici que sa main doit achever mes traits; ASTERIE, confidente. Quoi! son amour peut-il vous alarmer? Puis-je me plaire à l'enflammer? Il y a souvent de la délicatesse dans les pensées de La réponse de Campaspe est très-spirituelle, et cet esprit est celui que donne le sentiment. Et moi, j'y vois encor les triomphes d'Apelle. Il sait animer tout, à l'exemple des dieux: La valeur ne sait que détruire. |