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ne sont pas déplacés; mais je ne crois pas qu'à l'opéra même on ait dû passer les vers suivans, qui ne sont qu'un très-frivole jeu de mots :

Doris était ma derniere amourette;

Vous êtes mon premier amour.

Bientôt Lamotte essaya la tragédie lyrique, et d'abord dans Amadis de Grece, où il ne fit gueres que se traîner sur les traces de Quinault. Il n'y a nulle invention dans son plan, nulle beauté dans le style, et la piece serait encore très-peu de chose, quand on ne se souviendrait pas de l'Amadis de Quinault, dont une seule scene vaut mieux que tout le drame de Lamotte. Celui-ci n'est pas même exempt de cet abus d'esprit que la tragédie lyrique n'admet pas plus que la tragédie parlée, et dont aussi Lamotte s'est depuis garanti en ce genre plus que dans tout autre. Ici Mélisse dit au prince de Thrace, en lui parlant de son rival:

Faites vos plaisirs de sa peine;

Vous êtes trop heureux de ce qu'il ne l'est pas.

C'est presque s'exprimer en énigmes, et l'obscurité est encore plus vicieuse dans les paroles chantées que partout ailleurs.

Marthésie qui suivit Amadis, ne me paraît pas un sujet conforme aux vraisemblances dramatiques. La Fable des Amazones est par elle-même trop con Cours de littér. Tome XII.

B

traire à la nature. On ne se fait point à voir des
femmes en bataille rangée contre des hommes ; et
un roi, un héros, prisonnier d'une amazone, et qui
vient nous dire qu'il s'est laissé prendre à la tête de
son armée, parce qu'il a été troublé par ses charmes,
est trop plat et trop nigaud. Il est clair que c'est lui
qui devait désarmer et prendre l'amazone, ne fût-
ce que pour avoir le tems de voir à loisir ses beaux
yeux. Les Amazones et le Thermodon peuvent
trouver place dans les détails de l'épopée : sur le
théâtre tout cela ne peut figurer que dans une farce
de Dancourt: ces imaginations bizarres ne peuvent
se prêter en action qu'au ridicule. Ce n'est pas que
des exceptions attestées par l'histoire ne puissent au-
toriser par un concours de circonstances le person-
nage d'une femme guerriere; mais un personnage
n'est pas un peuple, et de plus Tancrede, amoureux
de Clorinde, ne la frappe pas, il est vrai, dans le
combat, mais il ne se laisse pas prendre. Que Dio-
mede soit assez brutal pour blesser Vénus, quoi-
qu'elle n'eût d'autre arme que sa ceinture, il a tort
sans doute, et Jupiter n'a pas tort non plus de dire
à sa fille qu'alliez-vous faire là? Les combats ne
sont pas votre fait. Tout ce morceau d'Homère est
charmant; mais Lamotte,
mais Lamotte, sans être Homere, aurait
dû savoir du moins que ce n'est pas sur un champ
de bataille qu'un héros doit se rendre à une femme.

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Latnotte revient à son genre et à son talent dans le Triomphe des Arts, ouvrage bien imaginé, bien exécuté, dont l'idée est ingénieuse, théâtrale et lyrique, qui offre partout de l'intérêt et un intérêt varié, et qui est partout embelli des plus agréables détails. Rien n'était mieux vu et plus favorable sur un théâtre qui est proprement celui des arts, et où se réunissent la poésie, la musique et la peinture, que de les y présenter en action et en spectacle, avec le charme que peut y joindre l'amour. Tous les sujets sont bien choisis; c'est Sapho pour la poésie, Apelle et Campaspe pour la peinture, Amphion pour la musique, Pygmalion pour la sculpture, et l'auteur a su tirer de la fable et de l'histoire ce qu'elles lui offraient de plus avantageux. Quand Voltaire, pour le faire entrer dans le Temple du Goût, ne lui demande que quelques-unes de ses fables et quelques-uns de ses opéras, sans doute le Triomphe des Arts était du nombre, et Lamotte en ce genre n'a pas été surpassé. Le style en général est soutenu, et l'on y distingue des morceaux dignes d'éloge: tel est celui-ci de l'acte d'Amphion, lorsqu'il veut élever les murs de Thebes pour y faire régner sa maîtresse.

Antres affreux, demeures sombres,
Que ma voix dissipe vos ombres.

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Que de superbes murs dans votre sein formés,
Étonnent le soleil de leurs beautés naissantes.
Tristes lieux, devenez des demeures brillantes,
Dignes de plaire aux yeux dont les miens sont charmés.
Vous, sauvages mortels, descendez des montagnes,
Quittez les bois et les campagnes ;

Sous un empire heureux il faut vous réunir.
Faites régner l'objet pour qui mon cœur soupire;
Venez; si ma voix vous atrire,

Ses yeux sauront vous retenir.

Ce style est suffisamment poétique, et cette élégance est musicale. Niobé que l'on éleve sur un trône, chante ces vers:

'Amour, c'est à toi seul que je dois mes plaisirs.
La gloire de régner flatte peu mes desirs ;

Tes chaînes sont pour moi mille fois plus aimables.
Je crains que de mon sort les dieux ne soient jaloux :
Ils goûtent dans les cieux les biens les plus durables;
Mais mon cœur enchanté possede les plus doux.

N'y a-t-il pas dans ces vers quelque chose du goût de Quinault? Et qu'on ne s'y trompe pas: la distance des genres et par conséquent celle des hommes part, Quinault est classique dans son genre, comme Racine dans le sien. Je m'en suis convaincu plus que jamais en relisant ses opéras, que rien n'a encore égalés.

mise à

On sent, toutes les fois que Lamotte a bien fait, qu'il a regardé son modele. Voyez ce dialogue de

Campaspe, parlant de la préférence qu'elle donne à Apelle sur Alexandre : la scene représente l'atelier du peintre.

Apelle en ce lieu va se rendre;

C'est ici que sa main doit achever mes traits;
Mais je crains que son art n'ajoute à mes attraits,
Et ne redouble encor la flamme d'Alexandre.

ASTERIE, confidente.

Quoi! son amour peut-il vous alarmer?
Craignez-vous de le rendre extrême ?
CAMPAS PE.

Puis-je me plaire à l'enflammer?
Hélas! ce n'est pas lui que j'aime.

Il y a souvent de la délicatesse dans les pensées de
Lamotte : il y a plus ici; ce trait est de sentiment :
on n'a rien dit de mieux contre la coquetterie. Asté-
rie lui montre toutes les peintures qui l'environnent,
et qui représentent les victoires d'Alexandre.
Du maître de ces lieux c'est l'histoire immortelle ;
J'y vois sa gloire et ses combats.

La réponse de Campaspe est très-spirituelle, et cet esprit est celui que donne le sentiment.

Et moi, j'y vois encor les triomphes d'Apelle.
L'art, plus que la valeur, est aimable à mes yeux.
Par lui tout agit, tout respire;

Il sait animer tout, à l'exemple des dieux:

La valeur ne sait que détruire.

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