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La nuit m'offre une douce erreur;
Tout ce qui n'est point toi, Camille,
Laisse un vide affreux dans mon cœur.
Sensible, avec délicatesse

Je vois les roses à regret

De tes cheveux orner la tresse;

De l'air même qui te caresse
Mon cœur est jaloux en secret.
Amour, par ta douce imposture
Cache l'univers à mes yeux;
Oui, je voudrais, pour être heureux,
Ne voir dans toute la nature
Que moi, ma Camille et les cieux.

PARODIE DU MÈME.

Sur l'air des Plaideuses: Ton humeur est, Catherine.

Au reflet d'une lanterne

Je vois briller vos beaux yeux;
Mais tout ce qui me consterne,
C'est que je n'y vois pas mieux,
L'eau qui choit d'une gouttière
Est l'image de mes pleurs;
La dureté de la pierre
Est celle de vos rigueurs.

Lorsqu'assis entre deux bornes,
Je pousse un triste soupir,
Je semble une bête à cornes
Qu'on entend au loin mugir.
Mon pied trace sur la crotte
Votre portrait enchanteur.
L'égout Montmartre est la grotte
Où je charme mes douleurs.

Sur mes pieds, comme une grue,
Avec mon feutre en clabaud,
Je vous attends dans la rue,
Et je n'en ai pas plus chaud.
Dans l'espoir qui me consume
Je vous chante jour et nuit.
Il faut que l'amour enrhume,
Car du mien c'est tout le fruit.

OCTOBRE.

On a donné le mardi 1er octobre, sur le théâtre de l'Opéra, Euthyme et Lyris, ballet héroïque en un acte avec celui d'Arveris, ou les Isies. Le premier est absolument uenf et n'en vaut pas mieux. Le poëme est de M. Boutillier qui travailla longtemps pour les boulevards'; la musique, de M. Desorméry, attaché cidevant à l'orchestre de la Comédie-Italienne. Les Isies sont tirées. des Fêtes de l'Hymen, de MM. de Cahusac et Rameau. Ces deux actes ont ennuyé mortellement; mais, eussent-ils été meilleurs, l'empressement qu'on avait de voir le ballet-pantomime du célèbre Noverre, représenté pour la première fois le même jour, n'eût guère permis d'y faire une grande attention. Pour rendre compte du succès d'Apelles et Campaspe, essayons d'abord d'en indiquer le programme en peu de mots. On nous pardonnera sans doute d'entrer dans quelques détails sur un ouvrage qui doit faire époque dans l'histoire de nos arts et de nos plaisirs.

Le sujet du nouveau ballet-pantomime se trouve dans un passage de Pline. En parlant du pouvoir des beaux-arts, ce philosophe historien cite le trait d'Alexandre, qui, ayant ordonné à Apelles de faire le portrait d'une de ses favorites nommée Campaspe, et s'étant aperçu que l'artiste avait pris pour son modèle la passion la plus violente, eut la générosité de la lui céder et de les unir.

Le théâtre représente l'atelier d'Apelles, terminé dans le fond par une galerie de tableaux : c'est du moins ce qu'il devait représenter, mais la galerie de tableaux ne ressemble à rien, et toute la décoration manque également de goût et de vérité. C'est un salon immense, assez richement décoré, qui ne rappelle en rien l'atelier d'un peintre, et où l'on découvre à peine deux tableaux rangés mesquinement contre un côté des coulisses.

Apelles (c'est le grand Vestris), instruit de la visite d'Alexandre, donne les dernières touches au portrait de ce prince. Il a tout préparé pour le recevoir. Ses élèves sont déguisés en Amours et

1. Mort à Paris le 5 décembre 1811. (BEUCHOT.)

en Zéphyrs, et les femmes qui le servent, en Grâces. Cette idée est ingénieuse et riante, et l'on oublie bientôt ce qu'elle peut avoir de recherché et de précieux, en faveur des beautés qui en résultent.

Un bruit d'instruments militaires annonce l'arrivée d'Alexandre. Il est devancé par ses femmes et par une troupe de guerriers. A sa droite marche Campaspe: c'est Mile Guimard couverte d'un voile. Apelles se prosterne aux pieds du prince, qui le comble de bontés. Il examine son portrait, les Grâces le lui présentent; des Amours se groupent de différentes manières, et servent pour ainsi dire de support au tableau; d'autres le couronnent.

Alexandre demande au prince s'il n'a point quelque autre ouvrage à lui montrer. Apelles lui montre Vénus occupée à choisir, dans le carquois de l'Amour, la flèche qui doit blesser Adonis. Enchanté des talents de l'artiste, le prince désire qu'il fasse le portrait de Campaspe: il la fait avancer et lui ôte son voile. Apelles recule de surprise et d'admiration. Ce moment a été rendu avec l'expression la plus sublime et la plus vraie.

Pour augmenter l'enthousiasme d'Apelles, Alexandre fait marcher Campaspe, la pose dans diverses attitudes; et la scène est terminée par la danse des couronnes, qui forme une fête assez

agréable.

Roxane, c'est Me Heinel, a des droits sur le cœur d'Alexandre. Elle paraît avec l'empressement que lui donnent les soupçons dont elle est agitée. Quand cette entrée ne serait pas du costume le plus exact, elle produit une pantomime d'inquiétude et de jalousie qui jette de la variété dans le sujet, et donne à la scène plus de chaleur et de vie. Alexandre modère l'emportement de Roxane, rassure Campaspe, et dissimule pour éviter un éclat. Comme cet Alexandre ne cesse pas un moment d'être le sieur Gardel, c'est-à-dire un des premiers danseurs de l'Europe, mais un des plus froids acteurs qui aient jamais paru sur aucun théâtre, cette situation, quoique très-susceptible d'intérêt, ne fait que peu de sensation.

On est dédommagé par la scène d'Apelles et de Campaspe. Le peintre, occupé du désir de plaire à son modèle, imagine de se servir du déguisement de ses élèves pour rendre à cette beauté la séance moins ennuyeuse. C'est ici que le sieur Noverre a déployé toute la richesse de son talent par une foule de tableaux

dignes de l'Albane. Apelles examine son modèle, et le place dans plusieurs attitudes; toutes lui paraissaient également belles; il crayonne, il efface, il esquisse de nouveaux traits: il les efface encore. Éperdu, troublé, il ne sait plus à quel choix se déterminer. Tantôt il veut la peindre en Minerve, tantôt en Flore, tantôt en Diane; et Campaspe jouit avec complaisance des transports qu'elle lui inspire sous ces différents attributs, que les élèves de l'artiste accompagnent toujours par les groupes les plus ingénieux et les plus agréablement variés. Le peintre enfin se détermine à représenter Campaspe comme la mère des Amours, sur un trône de fleurs autour duquel sont groupés les Amours. L'un d'eux lui présente une tourterelle; d'autres tiennent des corbeilles, des vases, des parfums; des Zéphyrs la couronnent et lui offrent des fleurs, tandis que les Grâces s'occupent du soin de sa toilette. Apelles vole à la toile, et veut esquisser; mais les crayons échappent de ses mains; il brise sa palette, éloigne tout le monde, s'approche de Campaspe, et lui fait, en tremblant, l'aveu de sa passion. Campaspe, loin de s'en offenser, lui fait entendre qu'elle préfère l'amour d'Apelles au trône d'Alexandre. Enchanté de son bonheur, il se jette avec transport à ses genoux. Roxane, dévorée par la jalousie, s'est introduite, pendant cette scène, dans l'atelier du peintre. Témoin de l'infidélité de Campaspe, elle fait éclater sa joie, et sort pour dévoiler à Alexandre la perfidie de sa rivale.

Alexandre reparaît dans le moment où Apelles et Campaspe se jurent l'amour le plus tendre. Il se livre d'abord à tout son ressentiment. Campaspe tombe évanouie; Apelles tremble moins pour lui que pour les jours de sa maîtresse. Alexandre, combattu par différents mouvements, cède enfin à celui de la générosité, oublie sa vengeance, son amour, et fait grâce aux deux amants.

Au second acte, le théâtre représente le palais d'Alexandre. Dans le fond paraît un trône élevé sur plusieurs marches. Alexandre, suivi d'un brillant cortège, conduit les deux époux, leur fait présenter la coupe nuptiale, les unit, et les comble de présents. Après cette cérémonie, Alexandre donne la main à Roxane, et l'élève au trône, au pied duquel on lui rend tous les honneurs qui lui sont dus. Ce couronnement est terminé par une danse générale à laquelle Alexandre daigne se mêler : car Alexandre Gardel

aimerait mieux renoncer à l'empire du monde qu'à ses entrechats.

Ce second acte a paru très-froid, et avec raison. On a changé la fin du premier, et le second n'en est pas meilleur. Au lieu de pardonner comme à la première représentation, Alexandre commence par faire enchaîner Apelles, et ce n'est qu'au troisième acte, par conséquent après de mûres réflexions, qu'il veut bien. lui accorder sa grâce et lui céder sa maîtresse; ce qui ôte tout le prix du sacrifice et ce qui pèche peut-être encore plus contre la dignité du caractère de notre héros. Le sublime de l'action d'Alexandre n'est pas de céder une maîtresse qui a pu lui être infidèle, c'est de triompher de son premier mouvement, et de respecter sans faiblesse un empire plus puissant que le sien, celui des arts et de l'amour. Il est à croire que Noverre eût évité une grande partie des reproches qu'on lui a faits s'il eût resserré davantage la marche de son action, et s'il se fût contenté d'en faire un seul acte. Il est à présumer encore qu'il eût évité une infinité de critiques s'il eût eu moins de ménagements à garder avec l'économie de l'administration actuelle et l'amour-propre de quelques auteurs: les décorations eussent été plus riches, les tableaux mieux éclairés, le costume plus fidèle; il y eût eu moins d'entrées-sculs; et le vainqueur de l'Asie eût fait moins de pirouettes, moins de sauts périlleux.

Quoique le ballet d'Apelles et Campaspe n'ait pas eu tout le succès que semblait promettre la réputation de M. Noverre, les gens de goût s'accordent à dire que jamais personne ne connut mieux que lui et les ressources et les effets de son art. On n'a pas manqué de comparer le ballet de Médée à celui-ci, et le plus grand nombre semble donner la préférence au premier, comme plus intéressant et plus pathétique; mais ce sont deux ouvrages d'un genre absolument différent, et qu'il ne faudrait point opposer l'un

à l'autre.

Quoique la danse pantomime paraisse propre à rendre toutes sortes de sujets, de caractères et de passions, il en est sans doute qui sont plus particulièrement de son ressort, et c'est au génie de l'artiste qu'il appartient de les saisir. Je pense qu'en général le genre gracieux, le genre érotique et le genre pastoral peuvent fournir à la danse infiniment plus de sujets heureux que le genre héroïque, pathétique ou larmoyant. La pantomime ne peut pas suivre en tout la marche sublime du poëte; elle ne peut ad

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