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religion ait fubfifté en aucun lieu, non-seulement fous la perfécution, mais fous une domination étrangere.

C'eft donc le carattere propre de la vraie religion d'être également certaine & merveilleufe. Les miracles étoient néceffaires pour témoigner que Dieu parloit, & pour réveiller les hommes accoutumés à voir les merveilles de la nature fans les admirer. La preu ve des miracles étoit néceffaire auffi, afin que la loi fût raisonnable & différente de la crédulité aveugle, qui fuit au hazard tout ce qui lui eft propofé comme merveilleux. Or la même bonté par laquelle Dieu a fait tant de miracles pour nous rappeller à lui, en s'accom modant à notre foibleffe, l'a porté à les faire à la plus grande lumiere du monde: je veux dire dans les tems & les lieux les plus propres à en conferver la mémoire. Moyfe a fait fes miracles en Egypte, dans la ville capitale, en présence du roi, dans le tems où les Egyptiens étoient les plus fçavans & les plus polis de tous les hommes ; & il en a eu pour témoins un peuple entier, qu'il a délivré, & à qui il a donné des loix écrites par lui-même, dans le même livre qui contient tous ces miracles. J. C. eft venu du tems d'Augufte, dans le fiécle le plus éclairé de l'empire Romain, dont il nous refte un fi grand nombre d'écrits,qu'il nous eft beaucoup plus connu que chez

nous le regne de Louis le jeune. J. C. devoit naître en Judée fuivant les prophéties: il a enfeigné fa doctrine & fait la plûpart de fes miracles à Jerufalem, qui en étoit la capitale: il y eft mort & reffufcité. Ses difciples fe font auffi-tôt répandus par tout l'empire Romain, & peu de tems après par tout le

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monde. Ils ont prêché d'abord dans les plus grandes villes, à Antioche, à Alexandrie, à Rome même ils ont enfeigné à Athenes, à Corinthe , par toute la Grece: dans les villes les plus fçavantes, les plus corrompues, les plus idolâtres. C'est à la face de toutes les nations, des Grecs, des barbares, des fçavans, des ignorans, des Juifs, des Romains, des peuples & des princes, que les difciples de J.C. ont rendu témoignage des merveilles qu'ils avoient vûes de leurs yeux, ouies de leurs oreilles, & touchées de leurs mains, & particulierement de fa réfurrection. Ils ont foutenu ce témoignage fans aucun intérêt, & contre toutes les raifons de la prudence humaine, jufques au dernier foupir, & l'ont tous feellé de leur fang. Voilà l'établissement du Chrif

tianisme.

Qu'est-il arrivé depuis? Cette do&rine fi incroyable, cette morale fi contraire aux paffions des hommes, ont-elles pû se soutenir? N'y a-t-il point quelque vuide, quelque interruption? Par où en avons-nous la connoiffance Par une fucceffion suivie de docteurs & de difciples par des écrits publiés d'âge en âge, & confervés de main en main par des traditions qui ont paffé des peres aux enfans: par des affemblées folemnelles en chaque province & en chaque ville, pour l'exercice de cette religion: & par les bâtimens destinés à ces ufages, dont quelques-uns fubfiftent depuis mille ans tout cela fans aucune interruption. Depuis que S. Pierre & S. Paul ont fondé l'églife Romaine, il y a toujours eu à Rome un pape chef des chrétiens; nous en fçavons toute la fuite & tous les noms jufques Innocent XII. Nous avons la fuite de tous

les évêques de Jerufalem, d'Antioche, d'Alexanrdie, de Conftantinople. Pour venir chez nous, nous connoiffons les évêques de Lyon depuis S. Pothin & S. Irenée: de Toulouse depuis S. Saturnin: de Tours depuis S. Gatien; de Paris depuis S. Denis; & les églifes même dont l'origine eft plus obfcure, ont une fucceffion connue depuis environ mille ans. C'est la preuve la plus fenfible de la vraie religion. Toute églife qui remonte jusques aux premiers fiécles, montrant une fuite de pasteurs toujours unis de communion avec les autres églises, & principalement avec l'église Romaine, toute église qui a cet avantage eft catholique. Au contraire, on connoit les fociétés des hérétiques, parce qu'en remontant on trouve plus tôt ou plus tard le tems précis auquel iis fe font féparés de l'églife où ils étoient nés. La doctrine nouvelle ou particuliere eft fauffe: la véritable eft celle qui a toujours été enfeignée par toute l'églife.

C'eft la matiere de l'Hiftoire Eccléfiftique cette heureufe fucceffion de doctrine, de difcipline, de bonnes mœurs. Si cette connoiffance n'eft pas également néceffaire à tous, du moins il n'y a perfonneé à qui elle ne foit très-utile. Rien n'eft plus propre à nous confirmer dans la foi, que de voir la même doctrine que nous enfeignons aujourd'hui, enfeignée dès le commencement par les martyrs, & confirmée par tant de miracles. Plus la difcipline eft ancienne, plus elle eft vénérable; foit dans la forme des prieres, foit dans la pratique des jeûnes, foit dans l'adminiftration des facremens & les autres faintes cérémonies. Enfin les exemples des faints nous font voir en quoi confifte la solide piété, &

II.

Fauteur.

détruifent nos mauvaises excuses, en montrant que la perfection chrétienne eft poffible, puif qu'ils l'ont effectivement pratiquée. Ce font les trois parties que je me fuis propofé de repréfenter dans toute la fuite de cette histoire, la doctrine, la difcipline, les mœurs.

Mon deffein n'eft pas de repaître la vaine Deflein de curiofité de ceux qui ne cherchent qu'à voir des faits nouveaux ou extraordinaires, ou qui lifent par fimple amufement pour fe defennuyer ils ont des hiftoires profanes & des livres de voyages. J'écris pour les chrétiens, qui aiment leur religion, qui veulent s'er inftruire de plus en plus & la réduire en pratique. Je n'écris pas toutefois pour les théologiens & les gens de lettres: ils apprendront mieux l'hiftoire eccléfiaftique dans les auteurs originaux dont je l'ai tirée. Si ce n'est que quelqu'un encore nouveau dans cette étude: veuille s'aider de mes citations, pour trouver plus facilement les piéces qu'il doit confulter. J'écris principalement pour ceux, de quelque condition qu'ils foient, qui n'ont ni Les connoiffances néceffaires, ni le loifir, ni la commodité de lire tant de livres ; mais qui ont de la foi, du bon fens, de l'amour pour la vérité qui lifent pour apprendre des vérités utiles & en devenir meilleurs qui veu-lent connoître le chriftianifme grand & folide comme il eft, & en féparer tout ce que l'ignorance & la fuperftition y ont voulu mê-ler de tems en tems. Je vois bien que cette hiftoire ne plaira pas aux petits efprits attachés à leurs préjugés, & toujours prêts à 1.Tim. 1v. condamner ceux qui les veulent défabuser: détournant leurs oreilles de la vérité, pour fe tourner à des fables, cherchant des doc

3. 4.

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faits.

eurs felon leurs défirs. Ils ne trouveront que trop d'autres livrés felon leur goût. C'eft pour me rendre utile au commun des perfonnes fenfées que j'écris en françois, au hazard de ne pas affez bien exprimer la force du latin & du grec, & de m'écarter de la pureté de ma langue. Je ne compte pour preuves que les témoignages des auteurs originaux, c'est-à-dire de Choix de ceux qui ont écrit dans le tems même, ou peu après. Car la mémoire des faits ne fe peut conferver long-tems fans écrire: c'est beaucoup fi elle s'étend à un fiécle, depuis que la vie des hommes eft bornée à foixante ou quatre-vingts ans. Un fils peut fe fouvenir après cinquante ans, de ce que fon pere, ou fon ayeul lui auront raconté cinquante ans après l'avoir vu. Les faits qui paffent par plufieurs degrés, n'ont plus la même fureté ; chacun y ajoute du fien, même fans y penfer. C'eft pourquoi les traditions vagues de faits très-anciens, qui n'ont jamais été écrits, ou fort tard, ne méritent aucune créance: principalement quand elles répugnent aux faits prouvés. Et qu'on ne dife point que les hif toires peuvent avoir été perdues: car comme on le dit fans preuve, je puis dire auffi qu'il n'y en a jamais eu. Il en eft de même

S

proportion des auteurs qui ont écrit des faits plus anciens qu'eux de plufieurs fiécles: s'ils ne citent leurs auteurs, on a droit de les foup-çonner d'avoir cru trop légerement des bruits populaires. Mais quand un auteur grave nom-me les auteurs plus anciens, dont il a tiré ce qu'il raconte, il en doit être cru, quoique Tes auteurs plus anciens foient perdus. Ainfi Eufebe tient lieu d'original pour les trois premiers fiécles: parce qu'il avoit quantité d'é

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