mais un petit inconvénient empêche ce manant d'être inftruit de fa bonne fortune. Il ne fçait pas lire, & fe trouve obligé de s'en rapporter au Chevalier, qui au lieu de lui dire ce que contient la lettre, la lui lit ainfi : Apprenez Monfieur Mathurin "que Paméla n'eft pas faite pour étre » la femme d'un Jardinier. Une autre » vous dirait peut-être, pour fe fervir » du langage qui vous convient, que » vous n'êtes pour tout potage, qu'un » manant, & qu'un ruftre, mais je fuis » trop douce & trop polie...... pour » employer de pareils termes, quoique » l'excès de votre audace, & la force » de la vérité, euffent pu me les arra» cher. Si la perfonne qui s'intéresse à » moi, & de qui vous dépendez vous» même, était inftruite de votre info»lence, vous n'en feriez pas quitte » pour des épithetes, & le bâton fans » doute s'exprimerait plus fortement » fur vos épaules. Mathurin ne veut pas que le Chevalier life plus avant, & fort en donnant au diable la lettre, celle qui l'a écrite, & celui qui l'a lue. Le Chevalier fe réjouit de l'avanture, & compte bien la faire tourner à fon profit. Il montre à Nérine qui farvient la lettre de Paméla, qu'il dit luí avoir été adreffée. Nérine a de la peine à le croire, mais il la preffe de lui être favorable. Le CHEVALIER. Compte fur ce que je te dis, Je te promets un diamant de prix; Si pour nous garantir de fa vue importune, Tu prends ici le foin d'amufer le Marquis, Tandis que Pamela doit venir, fur la brune, Me joindre d'un pas clandeftin, Jufte à la porte du Jardin. Là, crac, j'enleve mon Europe; Je la mets dans ma chaife, & fouette Poftillon, A toute bride je galope, NERIN E. Vous oubliez en partant avec elle, Elle apprend au Marquis qui arrive; le choix que Baméla a fait d'un Chevalier pour la défendre fur la route, le Marquis n'en peut rien croire ; mais il refte confus, lorfque fon ami lui mon re la lettre qui eft conçue en ces ter mes: » Dans le nouveau malheur qui marive, vous êtes la feule personne à qui je puiffe m'adreffer; ma priere va vous marquer ma confiance. J'ai tout ➡à craindre d'un trompeur qui veut me féduire ; j'implore votre aide pour me »tirer de fes mains. Vous m'avez témoigné tantôt les fentimens d'un hon»nête homme, prouvez les moi en met➡tant à convert mon innocence expo» fée, & trouvez-vous dès qu'il fera →nuit à la petite porte du Jardin. J'irai vous y joindre feule, & vous me conduirez chez votre oncle » ( il ajoute) le Comte d'Afbarac qui demeure à Paris ( il continue à lire.) » Je fçai que » lui & votre tante font des gens de » bien, ils auront pitié de ma jeunesse » & je les laifferai les maîtres de mon >>fort «. Le Marquis eft accablé, & le Chevalier triomphe; mais Mathurin qui s'eft approché fans être vu de perfonne, & qui a tout entendu, redemande fa lettre au Chevalier. Celui-ci veut foutenir pendant quelque tems qu'elle lui eft. adreffée, il eft enfin obligé de fe rendre à la vérité, & il refte confondu par inftant elle fe trouve dans un Pala brillant, & elle entend chanter ces pa roles: Pour exprimer la beauté de mon choix, Le Marquis paraît fous l'emblêm du plaifir, fa fuite eft compofée de la décence, de la fageffe, & de la gaité il chante: Que votre crainte ceffe Pour obtenir votre tendreffe, Après beaucoup de couplets repli qués de part & d'autre, le Marquis en vantant l'attrait du plaifir, Paméla en faifant valoir les droits de la vertu, l'Amour defcend dans un char, & la Décence s'éloigne. PAMELA, déclame. Dans le péril, ah ! la vertu me laisse, PAMEL A. Hélas! de ma faibleffe, Plaifir, n'abufez pas. Le PLAISIR. Venez jouir d'une gloire brillante. Ah! doucement; je fens dans ce Char-là, Le PLAISIR. ôle, Amour, conduis-nous tout droit à l'O péra. PAMELA. fiféricorde! & Ciel! c'eft fait de Pamela ; , Mais non, cruel, non vous avez beau faire, 'Amour & vous, ne me féduirez pas. Non, je ferai d'une sagesse auftere, jufques dans fon temple, & même dans vos bras. Le Marquis fe fent vivement touché de la véritable douleur que Paméla lui montre, & la prie d'excufer cette enreprife, qui n'était que pour l'éprouer, il ajoute. Un fort plus digne vous est dû, à ce dernier effort y contraint ma tendreffe, |