Le tems chez elle encor n'a point éteint feuz braife,

Sa mine a foixante ans, fon coeur n'en a que

feize;

Elle a du bien vraiment, il ferait dangereux Qu'un jeune homme parût trop aimable à ses

Il s'en emparerait par un bon mariage, Et c'eft à quoi je veux pourvoir en homme fage.

por

l'en

Damon n'eft pas trop fatisfait du trait que fon frere vient de faire d'Angélique, fa future, & fon éloignement eft juftifié, par les impertinences que Finette, Suivante de cette Angélique, débite en venant le confulter de la part de fa Maîtreffe, fur la coëffure qu'elle doit préférer pour lui plaire; elle lui apprend qu'elle defirerait auffi que trevue fe fît au Bal de l'Opéra. Damos fort, & le Chevalier apprend à Angélique qui arrive, que la propofition qu'il a faite à fon frere de l'époufer, n'eft qu'une rufe dont il veut fe fervir pour l'obtenir lui-même, attenda que le pere d'Angélique, ne pourra réfoudre de fon plein gré, à don

ser fa fille, qui eft riche, à un Cadet de famille; il continue ainfi, après avoir fait de fon frere le portrait d'un pédant.

C'est un homme à fouhait pour fervir notre flâme;

Car, fut-il au moment de vous prendré pour femme,

Il s'en désistera fans aucun repentir,

Si Monfieur votre pere y veut bien consentir. Or, il ne faut qu'un point afin qu'il y confente;

C'eft de pouvoir jouir du bien de votre tante, Car cet article feul doit être notre objet..

Il faut donc vous prêter à fervir mon projet,
Jouez l'impertinence aifée & nonchalante,
D'une femme à grands airs, dont l'époux re-
préfente,

Vous verrez auffi-tôt mon frere épouvanté.
Voilà tout votre rôle, & moi de mon côté
Je ferai l'Amoureux; à la bonne Arxminte
Avec fuccès déjà j'ai commencé la feinte,
Son ame s'adoucit & ne doute de rien,
Et quand j'aurai fon cœur, j'aurai bien-tor
fon bien.

Damon commence 'le fecond acte avec Beauval fon ami, qui n'approuve

pas la facilité avec laquelle Damon con fent au mariage que fon pere, ou plutôt fon frere le Chevalier à projetté par des vues qui ne regardent que luimême; ce galant homme eft digne de toute la confiance que Damon lui accorde, & lui parle ainfi fur l'union précipitée qu'il eft prêt de former.

Je fuis trop votre ami, pour n'être pas fin

cere ;

L'Hymen & le bonheur ne fe rencontrent

guere;

De l'Hymen aujourd'hui l'on ne ferre les nœuds,

Que pour être opulent, & non pour être heu

reux.

Cette foi qu'on se donne, eft un vœu mercenaire,

Qu'on forme effrontément, fans aimer & fans plaire,

C'eft à la foif du bien qu'on cherche à s'immo

ler;

Ce font des chaînes d'or, dont on veut s'ac cabler;

Ce lien dépouillé de tendreffe & d'eftime,
N'a point cette vertu qui le rend légitime,
Qui produit des époux le charme naturel;
Et ce bonheur fe change en un malheur réel,

Damon ne pense pas tout à fait comme fon ami fur le mariage, il lui dit:

L'Amour n'eft pas toujours un flambeau bien fidele,

Sa Alâme éblouit trop, pour ne confulter qu'elles Et quand la main du tems l'éteint dans notre

cœur,

Souvent de notre choix nous découvrons l'er

reur.

BEAUVAL.

Je fai trop quel malheur le mariage entraîne, Je voudrais n'en avoir jamais ferré la chaîne.

DAMON.

Vous êtes marié ?

BEAUVAL.

Non, je ne le fuis plus.

Le tems ne peut calmer mes chagrins fuperflus, Je pleure tous les jours l'époufe la plus fage; Des graces, des vertus, elle était l'affem

blage.

J'étais riche, un naufrage enleva tout mon

bien;

Ma femme me reftait, je crus ne perdre rien. Elle fuivit mes pas au fond d'une retraite,

Ce fut-là qu'au-deffus des faux biens qu'on re

grette,

L'Amour me fit fentir, que malgré le malheur,

L'homme poffede tout, quand il jouit d'un

cœur.

La mort frappa ma femme; il m'en reste une

fille,

Elle feule aujourd'hui fait toute ma famille; Mon ami, concevez quel eft mon désespoir! On ne m'accorde pas la douceur de la voir.

Un oncle plus généreux par vanité que par fentiment, s'eft chargé du foin d'élever cette fille, qu'il refufe aux embraffemens de ce perê malheureux, qu'il ne veut pas même reconnaître pour fon parent. Damon demande à fon ami le nom d'un parent fi cruel; mais il est interrompu par l'arrivée du Chevalier, auquel il cede la place, après l'avoir fuffifamment relevé fur quelques propos peu honnêtes, que fa mauvaise fortune lui a attirés de la part de cet étourdi.

Dorimon leur pere, vient annoncer à Damon fa future époufe, & fon futur beau-pere. Ils ne fe font pas long