J'aime Florife depuis un an ; je me fuis déclaré fix mois après; depuis trois mois je demande à l'époufer, & je ne fais pas encore fi elle m'aime, Oh parbleu! je perds patience; & il eft tems enfin que je forte d'une incertitude fi cruelle, &c. Dorimon ne croit pouvoir mieux s'éclaircir du doute où il eft fur fon amour qu'en interrogeant Carlin & Nérine. Le premier eft Valet d'Arifte, qu'il foupçonne d'être fon Rival, & l'autre eft Suivante de Florife, dont il eft Amant. Ce Carlin & cette Nérine font mariés, & ne s'accordent pas trop bien; ils viennent; il les interroge, & pour les mieux mettre dans fes intérêts, il leur promet de les mettre en état de fe paffer d'être Valet ou Suivante, s'ils le fervent bien dans cette occafion. Les éclairciffemens qu'il en tire, ne font que le mettre dans une plus grande incertitude. Nérine lui promet de nouveaux foins; il lui promet à fon tour cent louis, fi elle lui tient parole. Voici comment elle y réaffit; Florife vient; Nérine tâche de pénétrer fon cœur, mais inutilement; fa Maîtreffe ne la croit pas affez difcrette, pour mériter fa confiance; elle écrit à Arifte, & charge Nérine de lui porter fon billet, qu'elle cachette avec foin. Florife s'étant retirée, l'infidelle Suivante voudrait bien favoir ce qu'elle vient d'écrire, les cent louis promis augmentent la tentation; elle y fuccombe; elle rompt le cachet; elle ouvre le billet, voici ce qu'il contient : « Qu'avez-vous, mon cher mari ? » Pouvez-vous m'abandonner comme » vous faites? Quoi! trois jours fans » me voir, ni m'écrire: c'eft trop me négliger. Venez au plutôt vous jufti » fier de cette froideur. Adieu, mon » cher mari, je vous attends Le nom de mari que Florife donne à Arifte, fait le nœud de la Piece. Dorimon ne vient que trop tôt pour fon malheur; Nérine lui fait part de la découverte qu'elle vient de faire; elle lui remet cette fatale lettre, dont le port lui eft affez largement payé ; elle reçoit les cent louis que Dorimon lui a promis, & le prie très-inftamment de ne point déceler l'infidélité qu'elle a faite à fa Maîtreffe, en faveur de fon bienfaiteur. Dorimon eft auffi furpris qu'irrité du mariage qu'il vient d'apprendre, & de la diffimula tion d'Arifte; il prend le parti de diffimuler à fon tour. Arifte le preffe de demander la main de Florife; Dorimon ne manque pas de prendre cette marque d'amitié pour une infulte; cependant il garde le filence pour tenir. parole à Nérine. Cette diffimulation donne lieu à d'autres fcènes qui font trèsamufantes pour les Spectateurs; elles font cependant un peu multipliées; enfin Dorimon outré de la fauffeté d'Arifte & de Florife, montre la lettre qu'il a reçue de Nérine; l'équivoque eft facilement éclaircie, & Florise qui aime Dorimon, & qui ne peut qu'être flattée de fa jaloufie, figne le contrat qu'Arifte avait pris foin de faire dreffer, ainfi que de préparer une fête qui termine la Piece, & après laquelle on chante un Vaudeville. Cette Piece qui eut beaucoup de fuccès eft de Guiot de Merville. On peut lui reprocher d'avoir cherché à y mettre un peu trop d'efprit, défaut commun alors à prefque tous les Auteurs qui travaillaient pour le Théâtre, & dont ceux d'à-préfent fe font bien corrigés. Cette Comédie eut buit repréfentations avant Pâques, & fut reprise avec le même fuccès après la rentréé du Théâtre ; elle attira à l'Auteur les vers fuivans: D'un Comique riant, naturel, raisonnable, Sois le hardi reftaurateur ; Par ta Piece nouvelle, on juge que l'Auteur Peut donner à Thalie, un ton vrai, conve nable; Cette apparence-là ne nous trompera pas, Et l'Oracle eft plus fûr que celui de Calchas. La Clôture du Théâtre fe fit cette année le 21 Mars par la Comédie intitulée la ****, qui fut fuivie de l'Apparence trompeufe, du Berceau, Feu d'artifice nouveau qui amenait beaucoup de monde. Le tout terminé par le Compliment fuivant. SCENE PREMIERE, M ROCHARD. Meffieurs, fr dans nos jeux le deftin mefurait Notre fuccès à notre zèle, Votre bonté pour nous bientôt nous comble rait D'un bonheur auffi flatteur qu'elle. 2 SCENE SECONDE. M. ROCHARD, Mlle. RICCO- quife. La MARQUIS E. Que faites-vous, Monfieur Rochard?. M. ROCHARD. Ah! Madame, qu'osez-vous faire ? Interrompre un difcours. . . . La MARQUISE Par ce difcours fans art, Yous allez révolter, Monfieur, en plaire; voulant C'est ce qui de ma loge ici me fait courir, Car je prends à votre théâtre, (Dont mon fexe d'ailleurs, n'eft pas lâtre) Trop d'intérêt pour le fouffrir. M. ROCHARD. Mais, Madame... A La MARQUISE fort ido On dirait, Monfieur, fur votre Exorde, Que malgré le concours & nombreux & conf tant, |