Anna Veronèse fa fille, plus connue Marmontel. Oui Lucinde, je t'aime ; & mon ame ravie, firs, Je ne trouvais par-tout que l'ombre des plai firs; Je t'ai vue, & mon cœur a reconnu fon Maître. Surpris de fes transports il s'eft fenti renaître, Ce feu que je puifais dans le fein de Voltaire, N'est plus dans ton Amant, que l'ardeur de te plaire ; L'amour eft mon génie, il dicte mes écrits. Comme il en eft la fource en fera-t-il le M prix ? Heureux, fi fur les pas de Tibulle & d'Ovide, Cueillant pour toi les fleurs du Parnasse, Je pouvais voir ta main mêler, à mon retour, Aux rameaux d'Appollon les myrthes de l'amour! La Lyre de Tirfée a gagné des batailles, Aux accents d'Amphion, Thébes dut ses murailles ; Orphée a fu toucher par fes tendres accords, Les Monftres de la Trace & le Tiran des morts; Ovide abandonné fur des rives profcrites, Des traits de la pitié perça l'ame des Scithes; Je n'en fuis point jaloux, & ce talent vainqueur, Aura plus fait pour moi s'il enchaîne ton Ce climat vif & pur, ces lieux plus beaux en Ce pays des Héros, des graces, des talents, Avait produit Cinthie aux yeux étincelants, Delie au doux fourire, au féduifant langage, Corine au teint de rofe, au cœur tendre & volage; Mais crois-moi, ma Lucinde, en ces tems. f vantés, Si l'on t'eût vu paraître auprès de ces Beautés, Avec cette fraîcheur, cet éclat, ce fourire, Cette bouche appellant le plaifir qu'elle inf pire, Ce corlage arrondi, tel que l'avait Pfiché Quand l'amour comme un lierre Y femblait attaché, Ce fein ferme & poli qui repouffant la toile, De fon bouton de rose enfle & rougit le voile Cette main que l'amour baifait en la formant, Et qui ranimerait la cendre d'un Amant; Crois-moi, dis je, Properce, Ovide, ni Tibulle, N'auraient brûlé jamais que des feux dont je brûle, Et le nom des beautés célébres dans leurs vers, N'auraient jamais reçu l'encens de l'Univers LE DIVORCE D'ARLEQUIN ET DE CORALINE. (1) Canevas Italien en trois actes, 10 Juin 1744. (2) MARIO ARIO prie Pantalon d'accorder à Scapin fon Valet, fa Servante Coraline en mariage; Pantalon y confent, pourvu qu'il foit du goût de Coraline. Le Docteur la demande pour lui, lui, & Lelio vient auffi la demander pour fon Valet Arlequin. Pantalon ne refuse perfonne, mais il déclare qu'il ne forcera point l'inclination de fa Servante. Coraline & Arlequin reftent feuls, se découvrent leur penchant réciproque, & fe promettent foi de mariage. Mario, Lelio, le Docteur & Scapin, viennent preffer Pantalon d'ordonner à Coraline de faire un choix; (1) De plufieurs Pieces Italiennes que le début de Pantalon & celui de Coraline, firent représenter, nous ne donnerons l'extrait que de deux ou trois, qui eurent alors le plus de fuccès. (2) La fcène eft à Boulogne. il les fatisfait. Coraline après avoir fait à tous ceux qui la recherchent un compliment flatteur, les avoir affuré de fon eftime, & en même tems avoir affecté de l'éloignement pour Arlequin, à l'inftant que chacun de fes Amans fe flatte d'être heureux; elle embrasse Arlequin, au grand étonnement de tous fes Rivaux, promet de n'avoir jamais d'autre époux, & l'emmenne chez elle. Le Docteur & Scapin, qui font au défespoir, pour retarder le mariage de Coraline, fe propofent de fe déguiser en femmes, & de s'introduire la nuit chez elle. Flaminia commande à Arlequin d'aller dire à Mario qu'elle aime, de fe rendre chez elle fur le foir; Arlequin refufe de faire cette commission, mais Flaminia pour l'engager à la fervir, lui fait beaucoup de promeffes, & le comble d'amitié. Coraline qui les furprend, les invective, fans leur donner le tems de s'expliquer. Lelio découvre à Arlequin fa paffion pour Flaminia, ce Valet l'inftruit de la commiffion dont cette Maîtreffe ingrate l'a chargé pour Mario, & il confeille à fon Maître de fe rendre chez elle, quand il sera nuit, à la place |