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LE PLAGIAIRE.

Comédie en trois actes en vers,
le rer. Février 1746. (1)

LA Comteffe apprend à Lisette fa
Suivante,
, que pour obliger Lucile, fa
Niece, à fe déclarer, elle va feindre de
répondre aux foins du Marquis & du
Baron, qui lui offrent leurs homma-
ges, mais dont les vœux s'adreffent
fecrettement à Lucile. Lifette répond
à fa Maîtreffe quelques cajoleries à ce
fujet, mais la Comteffe lui réplique
qu'elle n'a nullé envie de leur plaire, &
que fon deffein eft feulement de forcer
Lucile à dévoiler un fecret, que fon
caractere mystérieux & réfervé ne laiffe
pas même entrevoir. La Comteffe pro-
fite de l'occafion de fa fête, que ces
deux Amans vont célébrer, l'un par
fon talent pour les vers, l'autre par fon
goût pour la mufique, & pour les fêtes
galantes, dans lefquelles il fait briller
fon imagination; ce dernier, qui est

(1) La fcène eft à Paris, chez la Comteffe.

le Marquis, arrive, offre un bouquet à la Comteffe, & lui préfente M. Duberceau, homme prodigieux, mais qui s'annonce ainfi :

D'un feul coup de fifflet, je bâtis un Châ

teau;

Je change un Mont en Plaine,une Ville en `, Hameau;

Maître des élémens, je fais trembler la terre; J'allume les éclairs, je lance le tonnerre;' Au milieu de Paris, je fais couler les Mers, Et defcendré lés Cieux, ou monter les Enfess. Par un contrafte, enfin, des plus inconce vables,

Je fais danfer les Dieux, & voltiger les

Diables.

La flame fous mes doigts, prend la forme de

Tonde;

of,sh Tantôt c'eft un jet-d'eau qui jaillit à la ronde, Tantôt une cafcade, & tantôt un torrent. J'offre chaque femaine un tableau différent; Aujourd'hui c'eft. l'Atlas, demain la PyraTo i mide, ma no

Et

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pour faire un lieu plein, d'un endroit fouvent vuide

J'ai produit un Berceau, chef-d'œuvre fi vanté,

couru, que le nom m'en eft depuis resté. (1) M. Duberceau, pour répondre à accueil que lui fait la Comteffe, lui romet comme Décorateur, Maître de Ballets & Artificier, un triple hommage le ces trois talens; un temple, un Balet d'oifeau, & un feu d'artifice, appellé 'arc-en ciel. La Comteffe le remercie, & fort pour aller s'habiller convenablement à une fi belle fête.

M. Duberceau, refté feul avec le Marquis, lui promet de le fervir, ainfi qu'il lui a promis, & l'affure qu'il doit avoir de fon zele & de fa diferétion, un fûr garant. 15

Le MARQUIS.

Quel garant?

M. DUBERCEAU.

Votre argent; ce métal agréable,

M'a fubjugué le cœur. Oui, foi d'Italien,

Je ferai tout pour vous; vous me payez trop bien.

(1) On venait de donner pendant long-tems un Feu d'Artifice appellé le Berceau, qui avait fait accourir tout Paris ; & M. de Boiffy, qui faififfait tous ces événemens, n'avait garde de laiffer échapper celui-ci.

K

Il fort, & le Baron qui arrive, prie le Marquis d'écouter une piece de vers qu'il vient de compofer. Le Marquis lui ripofte par un air de flûte qu'il vient de mettre au net. Le premier déclame fa fable. Le fecond chante fa mufette, & tous deux fe féparent fort mécontens l'un de l'autre. M. Duberceau revient & promet au Marquis de lui procurer un entretien avec Lucile, fans être vu de la Comteffe. Elles arrivent toutes deux fuivies du Baron, & M. Duberceau fe difpofe à leur faire voir le temple qu'il leur a promis, il eft dédié au Dieu du fecret.

Le filence y conduit le feul Amant difcret, Madame, il eft fondé fur la délicateffe; Servi par les Amours, & fait pour la tendreffe;

Décoré par le goût, embelli par les jeux; Et quiconque y parvient, eft certain d'être heureux.

LUCIL E.

Ah! le choix eft heureux, on ne peut da

vantage,

Et le Dieu du fecret mérite notre hommage.

La COMTESSE.

Il a fur-tout le vôtre, & c'eft au fond du cœur

lui que vous servez avec le plus d'ardeur.

LUCILE.

Juvez-vous m'en blâmer? ne doit-il pas nous plaire ?

e monde nous en fait un devoir nécessaire; tfi par lui fouvent notre fexe eft frondé, 'eft pour l'avoir trahi, non pour l'avoir gardé.

Le Théâtre change & repréfente le parvis d'un temple dont la porte eft fermée. La Comteffe & le Baron fe trouvant en dedans, tandis que Lucile & le Marquis font en dehors, celuici ne manque pas de profiter de cet inf tant favorable, que lui a ménagé le Décorateur. Il preffe Lucile de lui faire l'aveu du retour qu'elle doit à fa tendreffe; elle fe défend quelque tems, & ne voulant pas refter plus long-tems feule avec lui, elle lui promet de lui faire par écrit une réponse favorable. Alors le parvis difparaît & on voit l'intérieur du temple dans lequel la Comteffe & le Baron étaient reftés. M. Duberceau leur fait fes excufes, qu'ils reçoivent volontiers, & l'on entend un prélude de flûte qui annonce & qui accompagne l'air fuivant, chanté par le Marquis.

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