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l'énerie & la délicateffe; mais il eut mɔins d'élégance, de correction, de coloris, & fut moins grand Peintre que le Poëte Grec. Il arma quelquefois la gaieté des traits de la fatyre; il peignit, en badinant, les mœurs de fon fiecle; & dans le tems que fa muse facile & légere le berçait fur un lit de rofes, il en faifait fentir les épines au Spectateur, qui riait de leur piquûre. La morale & la critique caractérisent les ouvrages de cet Auteur, qui femblent être le moins faits pour l'une & pour l'autre telles font fes chanfons bachiques & galantes, & fes Pieces qu'il appellait anacréontiques.

Il ferait inurile de le fuivre dans le cours de fa vie Il conferva, dans l'âge le plus avancé, la naïveté de l'enfance & la vivacité de la jeuneffe. La plupart de fes Comédies font reftées au Théâtre & il faut efpérer que, lorfque le goût fe fera laffé de nos Opéra Bouf fons, on y mettra fes Opéra Comiques. Il n'y en a aucun dont la critique des mœurs ne foit l'objet. On y trouve des fituations & des traits du meilleur Comique. Il eff.ya fes talens au Théâtre Français, & la feule Comédie qu'il y donna fut très-bien reçue. L'Impromptu

des Acteurs, les Epoux réunis, la Répétition interrompue le Magafin des Modernes eurent le plus grand fuccès aux Italiens ; & l'on ne donne jamais cette derniere Piece, fans exciter le rire & les applaudiffemens du Parterre, quoiqu'on la fache par cœur. Toute la fcène de Riccoboni, dans l'Impromptu des Acteurs, eft remplie de fi excellentes maximes, que les meres les plus féveres les récitent & les font apprendre à leurs filles. Cet Opéra-Comique obtint avec juftice les plus grands applaudiemens.

Mais c'eft fur-tout par fes Vaudevilles, que M. Panard s'eft rendu célebre. Ce genre de Poëfie qu'inventa l'enjouement de nos peres, qui fervit quelquefois à venger la nation des pertes qu'elle avait faites, ou des malheurs qu'elle avait effuyés, mais que plus fouvent encore le libertinage employa à chanter fes excès, devint, par par l'art de notre Auteur, le mafque le plus féduifant que la fageffe ait jamais pris pour nous attirer à elle, en nous forçant d'abjurer nos ridicules.

Ses chanfons font auffi galantes que fes Vaudevilles font fins & piquans. La différence de ces deux genres de Poëfie

confifte en ce que le vaudeville attaque plus généralement les mœurs du fiécle, les défauts de chaque état & de chaque âge, fait la fatyre des vices, & qu'il eft fait pour être chanté par le Peuple. Si quelquefois il renferme un éloge, cet éloge doit être piquant & gai, plus approchant de l'épigramme qui loue auffi quelquefois, que du madrigal qui loue toujours. La chanfon a des objets plus particuliers; les Belles, les Hé ros & les Rois, les vertus, les talens & les graces, le vin, les amours. Le vaudeville demande plus d'efprit & de fineffe; la chanfon plus de fentiment, de délicateffe & de naïveté ; le ton de l'un eft libre, familier & folâtre; celui de l'autre doit être plus férieux & plus noble; l'un a pour objet les ridicules, les défauts & les vices, effets des paffions; l'autre, les paffions mêmes, foit qu'elle les flatte, foit qu'elle célé bre celui qui fait les dompter. Boileau n'a pas affez diftingué ces deux genres, lorfqu'il dit, après avoir parlé de la fatyre:

D'un trait de ce Poëme en bons mots fi fer

tile,

Le Français, né malin, forma le Vaudevilles

Agréable indifcret, qui, conduit par le chant, Paffe de bouche en bouche, & s'accroît ca marchant.

La liberté Française en fes vers s'y déploye, Cet enfant du plaifir veut naître dans la joie.

Jufques-là le vaudeville eft très-bien caractérifé; mais lorfqu'il ajoute aux confeils qu'il donne de ne point faire Dieu le fujet d'un badinage affreux. Il faut, même en chanfens, du bons fens & de l'art;

Mais pourtant on a vu le vin & le hasard,
Infpirer quelquefois une mufe groffiere, &c.

Il paraît confondre ces deux genres. Nous n'oferions dire les vaudevillesd'Anacréon & dé Sapho; tous les Poëtes, en parlant des odes du premier, & des vers de la feconde, dilent indifféremment, les chanfons ou les odes.

Il y a peu de choix à faire dans les vaudevilles & dans les chanfons de M. Panard. Tous ont quelque chofe de piquant, d'ingénieux & d'agréable. On a dit qu'il s'était fait des difficultés pour les vaincre ; mais ce n'eft pas en cela qu'il eft le plus admirable.

M. Panard avait été prévenu dans

ce genre par Dufreny, un des Poëtes boute de notre fiecle, qui eut le plus d'efpritm & de goût; mais dont la pareffe arrêta le génie toujours prêt à prendre l'ef for. Dufrefny avait été précédé par tous les faifeurs d'échos, & ceux-ci par le mauvais goût des Poëtes des premiers jours de la renaiffance des Lettres, auquel Marot paya auffi fon tribut.

On connaît les vers grecs, intitulés Securis, Ovum, parce que par leurs différentes mefures, on formait, en les écrivant, la figure d'une hache, d'un œuf,&c. M. Panard a fait, à l'imitation de ceuxlà, des chanfons françaises rimées, & mêmes agréables pour le fens. L'une eft intitulée les Lozanges, l'autre, le Verre, une autre la Bouteille. Ces objets font deffinés très-correctement, par la mesure des vers qui forment la chanfon. Il peut être permis à un homme d'efprit de s'amufer de ces bagatelles difficiles, pour le délaffer d'objets plus férieux; mais il ne faut pas les imprimer, & encore moins les louer, de crainte que les jeunes Auteurs ne prennent ces puérilités pour modeles. La chanfon fuivante vaut mieux, par fa fimplicité, que ni les haches, ni les œufs des Grecs, ni les verres, ni les

A

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