chent point de vouloir l'époufer, parce qu'elle eft riche, & que fa conduite eft plus raifonnable; & la vieille Baronne eft bonne à ruiner. Le Marquis lui confeille de fe dépêcher de l'expédier, de peur que le jeu ne lui arrache la victoire des mains. Le Chevalier répond qu'il ne perd pas un moment; qu'elle a déjà fait pour lui des dépenfes confidérables; qu'elle fournit à fon luxe & à fes befus, & que deux jours de complaifance de fa part l'acheveront; qu'elle doit même lui faire préfent, avant la fin de la journée, d'un brillant équipage qu'il attend avec impatience. Le MARQUIS. Pour te montrer à tout Paris, Le CHEVALIER. Ah! que dis-tu, Marquis? D'affaires, j'en ai tant que je n'y puis fuffire. J'ai dix maris à défoler, Une mere à tromper, deux tantes à réduire, Vingt Lettres que je dois écrire, Un Mémoire à faire tranfcrire, Deux Procès à folliciter, Un Régiment enfin, que je veux acheter; J'ai l'agrément que je defire, Il ne tient qu'à l'argent qu'il me faut emprun ter. Le Marquis lui dit qu'il n'a qu'à tirer cet argent de la Baronne, & il lui avoue qu'elle doit le lui apporter dans une heure; mais il ajoute qu'il eft embarraffé de favoir comment il fe défaira de la Comteffe, & fur-tout de la Préfidente, qui est fort tenace ; le Marquis lui offre de leur tenir compagnie, & le Chevalier accepte avec joie cette propofition; Coraline arrive fous le nom & les habits de la Comteffe, & Lifette fous ceux de la Préfidente. La COMTESSE. Point de réflexions, & vive la folie, C'est elle qui me guide. Hé! bonjour, Chevalier, Pour bien extravaguer je cherche compa gnie, Je ne puis mieux m'associer. Le CHEVALIER. Comteffe, à vos travers je voudrais m'allier, Mais je fuis aujourd'hui d'un férieux énorme, D'une raison. La COMTESSE. Tant pis, vous allez m'ennuyer. Lifette affectant le ton précieux de fa Maîtreffe, affure qu'elle eft charmée de le trouver de cette humeur; que la. Métaphyfique eft fa paffion dominante; que c'eft une vifite en forme qu'elle vient lui faire, & qu'il faut paffer l'aprèsdînée à bien analyfer les fentimens & les délicateffes du cœur. Le Chevalier s'en défend, fous prétexte d'une réponse qu'il eft preffé de faire à la lettre d'une Ducheffe, dont le Page s'impatiente, & il fort pour aller la faire, fans beaucoup s'inquiéter de la Préfidente. Le Marquis feint de l'excufer, & revele le fecret du Régiment dont la Baronne doit fournir l'argent; mais la Comteffe promet d'y mettre bon ordre; elle leur apprend qu'elle lui a gagné mille piftoles la veille, qu'elle efpére l'achever dans la prochaine féance; Scapin vient l'avertir que la Baronne l'attend les armes à la main. Elle va la joindre; la Préfidente & le Marquis reftent feuls. Cette fcène d'une précieuse & d'un minaudier qui fe parlent lentement, & fouvent par des grimaces, pour s'épargner des paroles, est très-plaisante à la représentations cependant le Marquis s'échauffe un peu, fe jette aux genoux de la Préfidente, qui se défend d'abord, mais qui ne pouvant tenir long-tems à tous les jolis propos, & encore moins aux careffes preffantes, se rend enfin, & promet de l'époufer; ils débitent encore l'un & l'autre force lieux communs, fur la conftance & la fidélité que doivent obferver deux époux; & le Chevalier arrive lorsque le Marquis, rempli de fon bonheur, baife avec transport la main de la Préfidente, qui ne cache point au Chevalier qu'elle lui préfere fon Rival, lequel s'excufe ainfi de fa trahison. Tu m'as chargé du foin de l'amufer, Mon cher, je m'en vais l'époufer. Le MARQUIS. Pour ce foir, la chose est arrêtée, C'eft pour te foulager que j'ai pris ce parti ; Mon difcours eft des plus finceres, peux aller vaquer à toutes tes affaires, Je ferai pour toi celle-ci. Tu Le Chevalier fe confole dans l'efpérance d'époufer la Baronne, qui mourra bientôt, & dont il héritera; mais elle vient déranger tous fes projets, en perdant jufqu'à fon dernier écu. La BARONNE, au Chevalier, Le CHEVALIER. Oui, de par tous les Diables. Le MARQUIS. C'est au plus douloureux. La PRÉSIDENTE, à la Baronne Confolez-vous pourtant, ironiquement. (En montrant le Chevalier.) Monfieur vous refte. |