ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub
[ocr errors]
[ocr errors]

mere, avec affez de fuccès, pour un jeune homme de quinze ans. Outré des : duretés de fa mere, qui lui refufait fon néceffaire, & défefpéré par les mauvais traitemens de fon beau pere, Romagnefi prit la réfolution de quitter la maifon paternelle,& d'entrer dans le fervice Militaire. Il s'empara de quelques petits effets, partit, & s'engagea avec un Capitaine, qui ne le traita pas mieux que fon beau-pere, malgré le préfentqu'il lui avait fait d'une montre, qui était le plus confidérable & le plus précieux des effets qu'il avait emportés.. Romagnef qui avait l'ame fiere, &: qui fupportait impatiemment les mauvais traitemens qu'il n'avait pas mé-rités, déferta & paffa dans les trous pes du Duc de Savoye, où il trouva un Capitaine plus dur encore, & qui enchérit fur l'inhumanité du premier.. Tant de malheurs coup fur coup firent prendre à Romagnefi: la réfolution de revenir en France, & pour y parvenir, il écrivit au fameux Quinault, qui était alors à Strasbourg, &: lui expofa en termes pathétiques fa malheureufe fituation. Quinault fut exact à lui répondre, & lui manda que s'il pous vait le transporter à Bafle, il trouveraine

[ocr errors]

une nouvelle lettre qui lui indiquerait le moyen de fe rendre à Straf→ bourg.

Romagnesi prit fi bien fes mefures, qu'il déferta une feconde fois, & de Curé en Curé, de Couvent en Couvent, if trouva le moyen de pourvoir à fa fubfiftance, & de fe rendre aux portes de Bafle, n'ayant pour tout vêtement qu'une vefte, un mauvais chapeau & pas un denier dans fa poche. A ce trifte état fe joignit un nouvel inconvénient. Meffieurs de Bafle ne laiffaient entrer dans leur Ville aucune perfonne venant du côté de la Savoye, fans s'informer exactement de fon nom,. de fa qualité & du deffein qui l'ame

nait.

Romagnefi qui ne jugeait pas à propos de faire part de fes aventures aux Magiftrats de B.fle, rêvait au moyen d'éluder leur ordre, lorfque le hafard lui en fournit l'occafion. A cent pas de la Ville, il apperçut un troupeau de cochons, qui étaient conduits par un garçon de dix à douze ans ; il s'avança vers ce jeune homme, & se saisissant du fouet qu'il avait à la main, il lui ordonna d'un ton à le faire trembler de ne rentrer dans Bafle, avant une

heure au plutôt ; qu'à l'égard de fes co-hons, il les laifferait à l'entrée du Fauxbourg. Le petit garçon intimide promit d'obéir, & Romagnefi fans per dre de tems, chaffant les cochons devant lui, prit le chemin de la Ville, où il fit fon entrée à la fuite du troupeau, qu'il laiffa ainfi qu'il s'y était engagé ; s'érant enfuite informé du Bureau de la Pofte, il s'y rendit, mais il n'y trouva point la lettre qu il attendait de Quinault. Le Courier de Strafbourg ne devant arriver que le jour fuivant. Ce retardement fut cruel pour Romagnefi, qui n'avait pas mangé de tout le jour, & qui n'avait pas une obole. Il fallait prendre un parti, & il n'en trouva point d'autre, que celui d'entrer dans une petite Auberge voifine du Bureau de la Pofte, où il demanda à fouper & à coucher. L'érat dans lequel il était, parut fufpect pour le payement, à l'Hôteffe. Elle purla de payer d'avance, & ne voulut rien donner qu'à cette condition. Romagnefi eut beau l'affurer qu'elle ferait conrente, & qu'il attendait une lettre qui le mettrait en état de la fatifaire, cette promeffe parut douteufe à l'Aubergifte, Feloquence de Romagnefi fut inutiles

elle était prête à congédier fon nouvel hôte, lorfqu'un Boulanger, voifin, qui avait entendu la harangue de Romagnefi, touché d'un mouvement de compaffion, s'engagea de payer pour ce dernier., au. cas qu'il ne tînt pas fa parole. Les termes dans lefquels Romagnefi témoigna fa reconnoiffance furent proportionnés au fervice qu'on lui ren-dait..

Le lendemain matin, le Boulanger vint prendre Romagnefi, & l'accompagna au Bureau de la Pofte aux let tres; celle de Quinault était arrivée : port franc. Cet A&teur lui marquait qu'il arriverait le même jour, & en effet fur les quatre heures du foir, il tint fa parole. Il ferait difficile d'exprimer la joie de Romagnefi, qu'il : marqua par les plus tendres embrassemens, & avec une grande abondance de · larmes. Quinault voulut abfolument don-ner à fouper au Boulanger, ayant ap pris le fervice qu'il avoit rendu à Roma gnefi. Le lendemain il fit habiller, le plus promptement qu'il fut poffible, fon nouveau Camarade ; & partit avec lui pour Strafbourg, où ils arriverent fans: aucun accident. Comme la défertion de France embarraffait Quinault pour Ro

magnefi; il jugea à propos de demander une audience fecrette au Commandant, & à l'Intendant de Strafbourg. Il leur conta l'aventure du jeune Romagnefi, le plus à fon avantage qu'il lui fut poffible. Le Commandant & l'Intendant promirent leur protection, & dirent à Quinault qu'il pouvait faire paraître. fon Acteur quand il jugerait à propos. Quinault fit part de cette bonne nouvelle à Romagnefi, qui redoubla fes fentimens de reconnaiffance; il débuta au bout de quelques jours, & fut trèsaccueilli des Spectateurs. Peu de tems après les inquiétudes de Romagnefi au fujet de la défertion, cefferent totalement, par une amniftie qui fut publiée, & un congé de fon Capitaine, qui en avait reçu un ordre exprès. Après avoir paffé deux ans à Strasbourg, Romagnefi quitta la Troupe de Quinault, pour paffer dans celle qu'Octave tenait à Paris, aux Foires de Saint Ger main & de Saint Laurent, fous le titre d'Opéra-Comique, où il remplit avec fuccès les rôles de premier Amoureux. Ce fut à ce Théâtre que Romagnesi se fit connaître pour Auteur, par une Piece en trois actes en profe & en vaude-

[ocr errors]
[ocr errors]
« ÀÌÀü°è¼Ó »