L'ANNÉE MERVEILLEUSE. avec un Comédie en un acte en vers Divertiffement, 18 Juillet 1748. (1) MERCURE vient annoncer à la Folie, la merveilleufe révolution qui vient de s'opérer dans la nature, par le changement des deux fexes, & qu'on verra ce jour même. L'impertinence en Petit-Maître, La fadeur fous un habit nòir, La valeur avec un miroir, Et la fidélité fous le mafque d'un traître. Le fexe groffira le nombre des Savans; Les femmes des Jaloux dont l'ame eit généreuse, Seront des maris complaifans. La Folie lui répond qu'elle a déjà prévenu les ordres du Deftin, en difpofant les hommes à cette étrange métamorphofe, & elle en fait un portrait qu'elle finit par ces deux vers: (1) La fcène eft dans un Jardin. Des femmes, en un met, ils ont pris tous les vices, Sans en avoir pris les vertus. Un Officier transformé en PetiteMaîtreffe, remplace Mercure, & vient chanter plufieurs couplets, dont il a parodié les paroles fur des airs nouveaux; il eft à fon tour remplacé par un Danfeur qui n'a change que de fexe, de Danfeufe qu'elle était auparavant, & qui s'applaudit de pouvoir être auffi libertin qu'il le voudra; furvient un Robin, puis un Officier, devant lequel le Danfeur & le Robin difparaiffent; ce Militaire était une jeune Marquife, à qui le mari ne voulait pas feulement permettre d'avoir un Amant, quoiqu'il eût une Maîtreffe: ce ferait bien l'occafion de prendre la revanche avec fon mari, qui eft devenu sa femme; mais elle en ufe plus généreuse ment. Je veux la laiffer vivre en pleine liberté. Je m'endette, elle en fait autant de fon sôté ; A l'Opéra je cours, elle à la Comédie; Le Marquis fort pour profiter des avantages, de fon nouveau fexe, & foumettre toutes les femmes. Arlequin déguifé en Revendeufe à Ja toilette, paraît très-mécontent de fon nouvel état, parce que, dit-il: Il eft fi fatiguant d'être une honnête femme, Que je ne conçois pas comment On peut avoir le cœur de l'être un feul mo ment. Une foule d'Amans près de nous vient se ren dre, On ne fait pas lequel il faut entendre, L'un nous dit des douceurs, l'autre fait des pré fens, Le troifieme enfin plus ardent, mais moins tendre, Trouve mauvais qu'on veuille fe défendre, Il prend contre nous de l'humeur. Malgré toute la vertu de la Reven deufe à la toilette, une Vivandiere qui était autrefois Grenadier, vient pour couper la figure à cette difcrette Dame qui s'eft avifée d'apporter des poulets à fa fille; la Vivandiere qui conferve toujours le caractere de fon premier état, prétend que fa fille fait un honnêre femme, comme elle était un brave foldat; elle fe propofe de couper les oreilles à quiconque ofera lui en con ter. Ma fille fera fage, ou, fans aucun quartier, La derniere fcène eft celle d'un Avocat, qui fe plaint vivement de ce que, de femme fenfée qu'il était, le ciel s'eft avifé d'en faire un homme ridicule. L'AVOCAT. Au Sexe on veut en vain reprocher l'injuftice, Et la petite vanité Que peut lui donner fa beauté, Certain je ne fais quoi, qui flatte, pique, amufe, Parle fans ceffe en fa faveur, t l'homme, malgré lui, dans le fond de fon cœur, De la femme trouve l'excufe; Mais pour lui qui prétend régner dans l'Univers, Et qui croit fa raison parfaite, S'il eft inftruit, c'est un pédant; S'il a fait quatre vers, fon orgueil eft extrême; Mais le comble du ridicule, C'eft lorfqu'en fes façons & fon petit parler, Que de fa gentilleffe il veut être l'émule, Ah! les hommes devraient, s'ils étaient rai fonnables, Racheter leur manque d'appas, Par des qualités estimables. Les défauts d'une femme, enfin font pardon nables, Ceux d'un homme ne le font pas; |