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dans fon cours, devient un torrent dès que l'on eft marié.

La CABALE.

Mais vous avez bien vêcu, dit-on, avec votre mari?

La MÉDISANTE.

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Mais oui, affez-bien. Il eft ordinairement à Verfailles, & moi à Paris; & il y avait fix mois que je ne l'avais vû, lorfque je le rencontrai avant hier dans une garde-robe, avec une de mes femmes que j'ai chaffée, de peur qu'elle ne continuât de l'attirer chez moi.

A cette fcène, fuccede celle d'un Marquis, puis celle d'un Comédien; une jeune fille qui voudrait débuter à la Comédie vient à fon tour; enfin Arlequin vient avec Scapin, à qui il a promis fa protection, & pour lequel il a fait un Mémoire où font déduites toutes les qualités dudit Scapin, qui eft une bête, un animal, un yvrogne, un vaurien; Scapin eft tout étonné & s'emporte contre Arlequin, qui l'aflure que le Mémoire doit être ainfi conftruit, pour piquer d'honneur la Cabale, qui aura plus de gloire à avoir fait placer un fi mauvais fujet,

Les violons fe font entendre, & terminent par un Vaudeville la Piece, qui n'a pas befoin d'un autre dénouement, puifqu'elle eft fans intrigue.

VAUDEVILLE.

Dans un folide & jufte écrit,
Fuir le clinquant & la baffeffe
D'un aimable & galant habit,
Savoir embellir la sagesse,
Voilà le bon efprit.

Dans le brillant Phobus d'un Ode,
Prodiguer un fervile encens,
A quelques traits éblouissans,
Immoler raifon & bon fens,
Voilà l'efprit à la mode.

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Des autres goûter le récit,
Vouloir que tout le monde plaife,
Se prêter à tout ce qu'on dit,
Et mettre chacun à fon aife,
Voilà le bon efprit.

Du cercle, Cenfeur incommode,
S'emparer de tout l'entretien,

Ne trouver brillant que le fien,
Parler beaucoup, ne dire rien,
Voilà l'efprit à la mode.
X

Tenir avec gens qu'on choifit,
De doux propos qu'on affaifonne,
Répandre un fel qui divertit,
Sans jamais offenfer perfonne,
Voilà le bon efprit.

Dans une hiftoire que l'on brode,
Charger vivement les portraits,
D'inis mettre au jour les fecrets,
Accabler les abfens de traits,
Voila l'efprit à la mode.

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Comme au grand, parler au petit,
Au faible, comme au fort complaire,
Généreux, fans faste & fans bruit,
Faire des plaisirs & les taire,
Voilà le bon efprit.

Fuir ceux que la peine incommode,
Chercher ceux de qui l'on attend,
Du moindre service qu'on rend,
Faire le Public confident,

Voilà l'efprit à la mode.

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Sans regarder comme on conduit
La barque de la république,
Vivre en repos dans fon réduit,
Et bien régler fon domestique,
Voilà le bon efprit.

Des Grands cenfurer la méthode
Fronder tout haut les Potentats,
Pour arranger tous les Etats,
A fon chez foi ne penser pas,
Voilà l'efprit à la mode.

Veiller lorfque le soleil luit,
Dormir quand il faut qu'on repose,
Faire tout dans le tems prefcrit,
Placer en fon lieu chaque chofe,
Voilà le bon efprit.

Vivre fans regle & fans méthode,
Brufquer quand il faut réfléchir,
Prolonger quand il faut finir,

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Raifonner quand il faut agir
Voilà l'efprit à la mode.
X

On ne peut trop louer l'Auteur de cette Piece, de la retenue avec laquelle il a écrit un ouvrage, qui portait naturellement à la fatyre, & dans lequel il pouvait facilement s'égayer aux dépens de plufieurs Auteurs; elle est de M. de Saint Foix, & eut quelque fuccès; mais le Vaudeville qui y contribua beaucoup, eft de Panard, le feul peut-être qui a excellé dans ce genre, qu'il a pour ainfi dire créé lui-même, & qu'on néglige trop aujourd'hui.

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