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M. PRUDENT.

Prenez garde, je fuis leur ami familier;
Et, qui les outrage, m'offenfe."

M. BRUYANT.

Vingt Escadrons ne fauraient m'effrayer ;
Et de ce même pas, je defcends au Parterre.
(D'un ton tragique.)

Si de flâmes, de cris, Paris eft affamé,
Jamais de tant de feux cet Hôtel n'a fumé.
A mon aveugle ardeur tout fera légitime,
Jufques à mes voifins, tout fera ma victime:
L'Artificier tremblant aura beau fe cacher,
L'ouvrage de fes mains deviendra fon bucher.
Je ne refpeterai, dans ce défordre extrême,
Ni le Décorateur, ni l'Orqueftre lui même;
La Piece, les Acteurs, je vais tout foudroyer.
Mes cris immoleront Scapin tout le premier.
Je ferai de leur Sale, une feconde Troye,
Et d'un coup de fifflet, je percerai la Joie.
(A la Joie.)
De votre Arrêt, alors voyant les tristes fruits,
Reconnaiffez les coups que vous aurez con-

duits.

(Il fort.)

La JOIE.

Ah! fi vous n'arrêtez la rage qui l'inspire,

La Guerre va renaître au lieu même où je fuis.

M. PRUDENT.

Non; la Paix régnera, j'ofe vous le prédire. Croyez du moins, croyez que tant que je ref

pire,

Bruyant & les pareils auront beau cabaler,
Il fuffit de ce bras pour les faire trembler.
Dans ce moment raffurez donc votre ame.
Au Parterre, à mon tour, je cours me tranf
porter;

Pour vous, pour nos amis, j'y parlerai,
Madame,

Et comptez qu'en tout tems, pour s'y faire écouter,

Un Officier manchot, fans aucune hyper

bole,

Yaut cinquante Avocats des plus forts en pa

role.

(ll fort.)

La Joie s'adreffe ainfi au Parterre.

Malgré l'appui dont il l'ofe flatter, La Joie cft incertaine, elle attend fa Sentence; Mais la Paix doit vous la dicter.

Le jour qu'on la public, eft un jour d'indul

gence,

Au Parterre, Meffieurs, elle doit habiter.

quait pas,

Cette Piece eut douze repréfentation; elle eft de M. de Boiffy, qui ne manainfi que nous l'avons obfervé, de faifir tous les évenemens intéreffans pour le Public, & de les lui présenter d'une maniere agréable.

Cette année les Comédiens Italiens firent la clôture de leur Théâtre par Samfon, fuivi d'un Compliment, compofé de trois fcènes, dont nous rapporterons les traits principaux.

Thalie l'Italienne, ouvre la fcène avec la Critique, dont elle tâche de captiver la bienveillance par des difcours flatteurs.

La CRITIQUE.

Treve de compliment, ma petite Thalie. Tenez, appellez-moi par mon nom, s'il vous plaît.

La Critique n'a point honte de ce qu'elle eft. Je fuis Françaife, moi; chez vous la flatterie, Encor mieux que l'accent, dénote la Patrie, Vous encenfez par intérêt ;

Encens perdu, vaine industrie;

Point de faveur chez moi, quand je donne un Arrêt.

Un homme ennuyé furvient, & pré

tend que plus il fréquente le Spectacle; & plus fa maladie augmente; Thalie offre de le guérir, & lui propofe d'abord la Parodie qu'il rejette. Enfuite les Lazzis d'Arlequin, qu'ils trouvent trop longs. Ses Feux d'artifices lui paraiffent trop courts. Ses Ballets; il aime mieux ceux de l'Opéra. Ses Décorations; il répond que fon efprit n'eft pas dans fes yeux. Enfin la Critique l'engage à fe rendre aux Français. L'ENNUY É.

Leur Théâtre aujourd'hui n'eft tendu que de

noir.

Spectres, Tombeaux, Spectacles fanguinaires, Meurtres d'enfans, de coufins & de peres, Poifons, aflaflinats, rage, horreur, défef

poir,

Tout amour eft banni des nouveaux carac

teres,

De leur grandeur il les ferait décheoir.
Leur comique, triftement tendre,
Sententieux, hors de propos,

Agit pour effrayer, s'exprime par fanglots.
Beau divertiffement à prendre ! (1)

Thalie dit qu'elle redoute beaucoup

(1) Ce trait de critique tombe fur le genre

ces Spectateurs froids que rien ne di

vertit.

La CRITIQUE.

Vous me craignez donc moins?

THALIE.

Critique utile & fage,

Le feul nom de l'ennui m'abbat, me décourage; Z

Jugez fi fon afpect me glace, m'engourdit;
Mais votre attention m'honore, m'enhardit;
Des fuccès à venir vos avis font le gage.
La CRITIQUE.

Me jurez-vous d'en faire ufage.

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Vous y gagnerez, & ces Meffieurs aufi. Meffieurs, vous entendez le ferment qui l'en

gage,

Qu'elle y manque, on verra beau jeu;

Je reste parmi vous pour y fouffler le feu.

des Tragédies de Crebillon, & fur le lar moyant des Comédies de la Chauffée,

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