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APOLLO N.

Je brave la menace, & je garantirai Mon efprit & mon cœur d'une fatale yvresse, Par le foin dont j'éviterai

D'un fexe trop charmant l'approche enchantereffe.

Momus revient travesti en Comédien, & Apollon le voyant marcher & gefticuler d'une maniere ridicule. reconnaît facilement fa profeffion.Ce lui-ci le confirme encore en décla mant des vers à contre fens.

APOLLON.

Je vais vous parler franchement,
Ecoutez ; que ceci dans votre efprit s'imprime,
Ce n'eft que par un hurlement

Qu'en vous la nature s'exprime,
Et vous braillez le fentiment.

Minerve vient avec Diane, annoncer à Apollon que cette derniere le place à la Cour, dans un Office de Chaffe, créé exprès pour lui. Des Bergers que Pan lui envoye, viennent.former un divertiflement en fon honneur, & Mercure vient lui annoncer fon rappel au ciel par ces vers.

Alte-là, s'il vous plaît, tous vos projets fe

vains,

Déeffe, Jupiter approuve votre zele; Quant à vous Apollon, vous gâtez les h mains,

Et fon ordre aux cieux vous rappelle.

Apollon eft ravi de cet évenement mais Diane & Minerve ne confentent fon départ, qu'après qu'il aura vula fê qu'on a préparée pour lui; elle ter mine la Piece par les couplets fu

vans:

Quand le cœur à l'efprit fe lie,

Ils peuvent combler nos defirs.

On doit au sentiment le bonheur de la vie, Les talens en font les plaisirs ;

Mais il faut que du cœur la raifon foit maî

trefle,

La nature à l'efprit doit impofer des loix.
Ah! quelle fage & douce ivreffe!
Lorfque pour l'infpirer elles n'ont qu'une voix

On femble heureux aux yeux de tous,

On fait grand nombre de jaloux,
D'un bien qui fur rien ne le fonde;
Mais on se sent ronger le cœur,

Par les remords ou par la peur ;
Voilà le monde.

Notre derniere nouveauté,
Quoiqu'elle ait plu, n'a pas été
En Spectateurs beaucoup féconde;
A celle-ci que votre voix
Nous faffe dire maintes fois,
Voilà du monde.

Cette Piece qui eft de Guyot de Merville, fut applaudie à caufe des détails agréablement & quelquefois fortement écrits; mais on fut fcandalife de voir les Dieux s'oppofer à la réformation des mortels. On ne devait 'pas moins être étonné de les rencontrer au Château des Thuileries. Cette Comédie eft la derniere de cet Auteur, dont l'extrait fe trouve dans le corps de cette hiftoire, celles données depuis, n'ayant eu que peu de fuccès.

2

Michel Guyot de Merville, né à Verfailles le premier Février 1696 eft un des Écrivains, dont la vie privée eft la moins connue. Il ne fortit de fon obfcurité que pour préfenter aux Comédiens trois Tragédies, qu'on n'a pas jugé à propos d'inférer dans le recueil complet de fes Œuvres, qui vient d'être imprimé. Elles furent rejettées avec dédain; il en fut indigné, & ce premier accueil ne s'effaça jamais de fa mémoire. Il donna plufieurs Pieces au Théâtre Français; mais ni fes chûtes, ni fes fuccès ne purent le réconcilier avec ceux des Acteurs dont il avait le plus à fe plaindre. Les applaudiffemens que le Public donna à quelques-unes de fes Pieces, & fur-tout au Confentement Forcé, Comédie en un acte, qu'on regardera toujours comme un chef-d'œuvre dans fon genre, auraient dû faire ceffer toute querelle; mais de nouveaux dégoûts l'obligerent de renoncer à ce Théâtre, & de porter fes ouvrages aux Comédiens Italiens. Il y eut encore de grands fuccès, & de plus grandes tribulations; car il ne fçut jamais fléchir devant l'automate orgueilleux,

orgueilleux, ni écarter des concurrens par des intrigues, ni fe procurer des fuccès apparens par des démarches humiliantes. Il avait pris Moliere pour modele ; il tâchait d'imiter, dans fon style & dans fes peintures des mœurs, la fimplicité de ce grand homme. Etait-il furprenant que dans le fiecle de l'efprit, M. de Merville trouvât des contradicteurs. Il renonça à la célébrité, quitta fa patrie, & fe livra à fon goût pour les voyages, qui, cependant n'éteignit point en lui celui qu'il avait avait pour fon Art. On trouve dans la nouvelle édition de fes Eupoullé vres, des corrections confidérables qu'il a faites dans fes Pieces anciennes, & un volume entier de Comédies non représentées. Il fe retira enfuite verst l'an 1750 ou 1751. Son efprit, fon caractere doux, liant, fenfible, lui procurerent l'amitié d'un Gentilhomme Suiffe, auprès duquel il a paffé les dernieres années de fa vie, & qui s'apperçut que M. de Merville était dévoré de chagrin; il chercha à le partager. L'ami qui s'afflige de nos peines eft le plusdoux des bienfaiteurs ; nous lui devons bien plus qu'à l'ami qui fe rend heureux de nos plaifirs; car notre bonTome V. D

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