POÉSIES. L'IDYLLE ANTIQUE. O brises flottantes des cieux, Caressez les monts et les plaines! Brises, filles d'Éole, amantes de la paix, Effleurant le cristal des eaux Quand les cygnes sacrés y nageaient, beaux et blancs, L'air, sur vos traces embaumé, S'emplit d'arôme et d'harmonie : Ou de l'Hymette parfumé? Oh! je vous reconnais, célestes messagères ! A baigné vos ailes légères ! Quand Theugénide au col de lait Nymphes aux pieds ailés, loin des plaines d'Homère, Sous le platane où l'on s'abrite Sur les lèvres de Théocrite! Iapyge et Zéphir, & couple inspirateur, Au temps où l'abeille murmure Vous avez écouté, dans les feuilles blotties, Tandis que, drapés dans la toge, Vous agitiez le saule où sourit Galathée, Et des nymphes baisant les yeux chargés de pleurs, Vous berçâtes Daphnis, dans leur grotte écartée, Sur un brillant linceul de fleurs ! Quand les vierges au corps d'albâtre Et d'amour sentaient leur cœur battre; C'est vous qui leur chantiez, en un songe charmant, Les hymnes de Vénus; la volupté divine; Et tendiez leur oreille aux plaintes de l'amant, Oh! combien vous avez baisé Où croft l'hyacinthe irrisé ! Tandis qu'aux verts rochers pend la chèvre hardie, O vous que parfuma l'égile, Des douces flûtes de Virgile Et des roseaux siciliens! Brises des mois fleuris, brises harmonieuses, Pleines d'un frais encens, compagnes des beaux jours! › Sur terre et dans les cieux, oh! puissiez-vous toujours Planer de vos ailes joyeuses! Puissiez-vous, céleste trésor Allez, brises des cieux, au sourire enchanté, LECONTE DE LISLE. BIBLIOGRAPHIE. L'ORGANISATION DU TRAVAIL (DIE ORGANISATION Der arbeit), Un volume in-8°. Par FRANZ STROMEYER. En vente à la Libraire Sociétaire, 10, rue de Seine. Nous extrayons de cet ouvrage, écrit en allemand, le chapitre intitulé: Du point de vue général de la Science sociale et de la solution qu'elle a pour objet. I. Si la discussion de toute question relative à la nature humaine conduit à effleurer toutes les autres questions qui la concernent, c'est là une conséquence inévitable de l'unité de cette nature, dont tous les éléments concourent à un but commun. Voilà pourquoi, dans l'organisation du travail, nous avons été amenés à nous occuper de tout ce qui intéresse la vie sociale, la destinée sociale de l'homme. Mais, de même que l'individu se caractérise essentiellement par son unité, c'est à-dire par la convergence de ses éléments vers un but, de même il doit y avoir unité dans la société, concours de toutes les forces sociales dans un but commun, et ce but n'est autre que la satisfaction de tous les besoins essentiels de l'humanité; en d'autres termes, la société doit développer les moyens de cette satisfaction dans la même mesure que les besoins de l'esprit, du cœur et des sens. - C'est ainsi que notre problème d'un projet d'organisation du travail s'est transformé pour nous dans le problème plus général de la constitution d'une science qui enseigne comment les forces sociales doivent être développées et appliquées pour amener les besoins essentiels de tous les hommes à leur satisfaction, la volonté de tous à un consentement unanime. Cette science est celle de l'organisation industrielle et sociale, et elle est destinée à combler une très-sen sible lacune de l'Économie politique. Nous espérons avoir réussi à tracer les contours de cette science avec une clarté suffisante pour décider le lecteur soucieux des maux de la société, à faire dans son ressort des recherches plus étendues et plus approfondies. — Nous avons averti dès le début de cet ouvrage que nous l'avons conçu à l'occasion de notre initiation aux doctrines de l'École sociétaire française; c'est à cette école qu'appartiennent aussi les traits principaux des vues développées ici sur la nature de l'homme et les institutions de la société. Mais pour mettre notre lecteur à même de juger le contenu de notre ouvrage, au point de vue général de la science sociale, il importe de rendre plus sensibles les problèmes que cette science doit résoudre, et de montrer jusqu'à quel point les travaux des écrivains socialistes ont jusqu'ici rempli cette tâche. Les questions dont la solution appartient à la science sociale se résument, ainsi que nous venons de l'établir, dans la doctrine du développement et de l'application des forces sociales au contentement unanime de tous les membres de la société. - Il faut donc que cette science comprenne toutes les natures, toutes les tendances natives, qu'elle offre à chacun les moyens d'exercer utilement, selon leur étendue et leur direction, les facultés de tout ordre dont il est naturellement pourvu; qu'elle enseigne, par conséquent, un classement, une distribution des individus qui soit en corrélation avec leurs aptitudes et leurs penchants natifs, puisqu'il serait évidemment impossible d'avoir un soin particulier de chacun. - D'autre part, c'est une condition capitale de la science des institutions sociales, qu'elle ne porte atteinte à aucun intérêt légalement existant dans la société actuelle. — Ceci ne veut pas dire qu'elle ne doit proposer aucun changement dans le mode de satisfaction de ces intérêts, car c'est précisément dans de pareilles modifications que les principes qu'elle renferme peuvent trouver leur application; mais il faut que les changements proposés soient tels que les classes les plus favorisées de la société actuelle n'aient rien à perdre, mieux que cela encore, qu'elles aient, comme les autres classes, tout à gagner à leur introduction. La science dont l'application exigerait une guerre préalable des prolétaires contre les puissants et les riches n'est pas véritablement une science, et le consentement social, qui ne peut être obtenu que par l'extermination sanglante ou par la violente oppression des opposants, n'est pas un consentement. C'est encore une condition de notre science de tenir compte de tous les besoins, sans aucune exception, besoins des sens, du cœur et de l'esprit. Il faut qu'elle mette les moyens de satisfaire ces besoins à la portée de chacun, de façon que chacun individuellement puisse faire de ses facultés l'emploi le plus utile, contenter tous ses penchants naturels, et jouir ainsi de la plus grande somme possible de liberté. Car la liberté et l'utile emploi de l'activité humaine sont deux idées inséparables; l'une ne saurait se concevoir sans l'autre. Satisfaire tout le monde, sans léser aucun intérêt, sans imposer aucun sacrifice, tel est le problème de la science. Examinons comment il a été résolu par les travaux accomplis jusqu'ici dans son sein. |