après quoi il va joindre les groupes de serres fraiches et de beurré vert, qu'il parcourt de demi-heure en demi-heure, et, à 41 112, il retourne, avec ses chevaux bien reposés, à la phalange de Tibur, où il arrivera à l'heure du diner, et se placera au festin qu'il aura choisi la veille, aux négociations de la Bourse. Il dinera avec les tulipistes de Tibur, qui ont ce jour un repas de corps; il prendra la place de transition, au sommet de la table, parce qu'il veut, ce jour-là, diner en parcours et voir aussi les coryphées de serre fraiche et de beurré vert, et beaucoup d'autres, pour leur communiquer pendant le repas beaucoup d'intrigues et nouvelles cabalistiques dont il a eu connaissance dans sa course à Tibur.

-« C'est fort bien, dit le lecteur; mais qui est-ce qui paiera cette chère d'Apicius, toutes ces lippées de glaces, orangeades et vins mousseux, prodigués aux travailleurs, ces festins à tous les groupes, de 2 en 2 heures? » - Belle demande! c'est l'attraction qui paie. Elle fournit tant de produits, qu'on n'est embarrassé que de la consommation, et qu'après avoir vendu une forte masse de produits, l'on en conserve encore beaucoup trop, et en telle quantité, qu'on est fréquemment obligé d'en jeter aux égouts et à la mer même, après en avoir livré bonne partie au commerce.

<< Admettons ce superflu, me dira-t-on; mais pour le transformer en comestibles, fabriques, en glaces, confiseries, etc., il faut du travail, et qui est-ce qui paiera les travailleurs?» Demande plus absurde encore. L'attraction répond à tout: elle les a entraînés à produire, elle les entraînera à manufacturer, et il ne restera d'autre embarras que de consommer et de ménager à tous les humains un vigoureux appétit afin qu'ils puissent consommer beaucoup aux 5 repas et aux entr'actes. Or, cet appétit naîtra du mécanisme d'Harmonie qui, habituant dès l'enfance tous les hommes et femmes à une vie active et variée d'heure en heure dans les rechanges d'atelier ou de culture, excitera chez tous un appétit suffisant pour parvenir à consommer l'immensité de denrées que produira le globe dans ce nouvel ordre.

Si tel est le bien-être matériel qui nous est réservé dans l'Harmonie, si elle doit nous fournir pareil bien-être sur les passions affectives ou plaisirs de l'âme, et s'il suffit d'un facile essai sur 500 villageois pour répandre ce bienfait sur tout le genre humain, quel doit être notre empressement à en bien étudier la théorie! Redoublons donc de courage. pour achever ce volume de principes, et passer à la synthèse, où nous verrons la démonstration de ces brillantes annonces.

CHAPITRE V.

DU JEU SUBVERSIF DES 3 DISTRIBUTIVES.

J'ai donné une définition très-abrégée des 3 distributives en jeu subversif ou jeu civilisé; il convient d'insister sur un sujet si important, et puisque les lecteurs ne connaissent pas les 3 passions selon l'essor qu'elles prendront en Harmonie, il est bon de les disposer à cette étude par une analyse exacte de leur essor actuel. J'abrégerai beaucoup sur ce sujet, et je ne veux que donner quelques développements à la définition précédente sur les 3 passions dites Cabaliste, Papillonne et Composite et sur les désordres qu'elles causent dans l'état actuel, où elles n'opèrent qu'en refoulement ou contremarche, essor chenille.

Ne perdons pas de vue le problème qui doit servir de boussole à toutes nos recherches. Il s'agit de retrouver le secret des séries passionnelles qui existèrent dans l'origine du monde et qui se désorganisèrent faute de la grande industrie agricole et manufacturière nécessaire au soutien des séries dans le cas de nombreuse population.

Maintenant que cette industrie est créée par les longs efforts des sciences fixes, nous devons toute notre attention à la recherche du procédé d'Harmonie sociale, et puisqu'il est heureusement découvert, puisqu'on a retrouvé ce secret de la formation des séries passionnelles appliquées à la grande industrie, étudions avec soin les 3 passions sur lesquelles repose l'art de former les séries.

Les 9 autres passions, les 5 sensuelles et les 4 affectives, sont assez connues de tout le monde. Chacun est en état de raisonner sur les plaisirs des 5 sens et des 4 groupes; mais les plus doctes civilisés sont fort neufs sur l'analogie des 3 passions distributives, qu'il faut bien connaître pour étudier l'Harmonie. Avant d'envisager leurs propriétés en état sociétaire, en série passionnée, il faut les étudier en régime insociétaire ou Civilisé et Barbare, en familles non associées. Nous allons observer cet essor malfaisant dans l'état civilisé, où les 3 distributives ont beaucoup plus d'influence que dans l'état barbare.

10o. La Cabaliste ou dissidente, nommée divergente quant aux fonctions qu'elle exerce dans l'état non-sociétaire. Autant elle est précieuse en Harmonie, où elle n'excite que l'émulation, le progrès de l'industrie, les procédés honorables entre concurrents, autant elle est nuisible en Civilisation, où la concurrence est dépressive et détractrice, témoins les prix décennaux de 4811, dont les prétendants se ravalèrent à tel point, que le gouvernement ne sut à qui adjuger les prix et dut regarder les suffrages de l'Institut comme une injustice cabalistique. Ainsi la Caba

liste, en essor civilisé, n'excite que le trouble et ne conduit qu'aux vexations. On ne voit guère cet effet en travaux agricoles, parce que nos cultivateurs ne connaissent ni association ni rivalité concurrente: ils sont hors de la Cabale sur ce qui touche à la culture et n'ont d'autre stimulant que le besoin de vivre; ils vendent le mauvais blé et le mauvais vin aussi bien que le bon, cueillent tous les fruits en vert, laissent tout détériorer; aussi les voit-on très-rétifs aux innovations utiles et très-obstinés dans les méthodes reconnues vicieuses. Il n'y a de ressource avec eux que de les confondre par un succès expérimental obtenu sous leurs yeux et réitéré plus d'une fois; car ces bêtes d'habitude ne se rendent qu'à toute extrémité : ce sont de vrais crétins en fait d'émulation, et s'ils exercent la passion dite Cabaliste, ce n'est qu'en sens vexatoire, dans les intrigues de jalousie et de malfaisance.

Les manufacturiers sont déjà plus enclins à la cabale industrielle ; ils cherchent à s'écraser les uns les autres, surtout de nation à nation. Cette manie est encore plus forte parmi les commerçants et agioteurs, dont la passion favorite est d'opérer l'écrasement du parti opposé; mais cette jalousie n'est point effet de concurrence émulative, qui met aux prises plusieurs variétés d'industrie pour les élever toutes à la perfection et enrichir leurs groupes respectifs par suite de rivalités balancées.

La frénésie d'écrasement est bien pire en cabale administrative, où souvent les partis font tomber les têtes du parti opposé, sans qu'il résulte de ces luttes atroces aucun bien pour la masse, qui est, au contraire, spoliée et froissée en tout sens par les bascules politiques.

Ainsi, la Cabaliste n'est, dans l'ordre civilisé et barbare, qu'un germe de désorganisation. L'on va voir qu'il en est de même des 2 autres passions distributives, qui, dans l'ordre actuel, ne peuvent engendrer que le désordre.

44°. La Papillonne ou alternante. Je l'ai nommée conflit relativement à son rôle en Civilisation. Il n'est pas de passion moins applicable au régime civilisé; et d'abord, quant aux fonctions d'industrie, elle exigerait la brièveté des séances, leur variété continue d'heure en heure, ou tout au plus de 2 en 2 heures. La Civilisation ne peut pas admettre ces relais industriels, ni donner à chacun 20 et 30 professions différentes; au contraire, elle exténue chaque ouvrier sur un seul travail, et l'on voit, dans les filatures de coton, l'enfant obligé de travailler 45 heures par jour dans un atelier privé d'air.

La nature nous a destinés à un exercice varié sans excès; elle nous a ménagé, dans les fonctions des séries, cette variété perpétuelle d'où dépendent la santé et la dextérité. L'ordre civilisé nous astreint à un régime tout opposé, et de là naît sa contradiction matérielle avec la Papillonne, dont l'influence ne tend qu'à nous pousser au mal, puisqu'elle

nous détourne de la monotonie et de l'uniformité qu'exigerait la Civilisation. Il conviendrait, dans cette société, que l'enfant héritât des goûts du père, que la femme observât fidèlement les lois conjugales; il faudrait enfin que, depuis les familles jusqu'aux nations, chacun se garantit de l'esprit d'inconstance et d'innovation hasardée. J'use du mot hasardée parce que les risques d'innovation ne s'étendent pas à celles qui sont, comme la vaccine, susceptibles d'épreuve restreinte et de démonstration expérimentale, comme la théorie d'Harmonie passionnelle, qu'on peut éprouver sur un village de 500 âmes. Je n'appelle hasardées que les nouveautés sophistiques, la sainte égalité, la douce fraternité, etc., dont les auteurs veulent toujours étendre l'épreuve à des empires entiers.

Dans les emplois individuels, la Papillonne, ou manie de variété, nous est préjudiciable en tous sens. L'inconstance d'un fils fait languir et péricliter les travaux commencés par le père; elle ruine les familles, comme les empires, où la fantaisie d'un ministre peut paralyser les plus utiles travaux, bouleverser les meilleurs systèmes politiques. L'innovation nous est funeste, même dans les emplois où elle s'affuble de prétextes industriels. Une mode nouvelle est prônée comme bien du commerce, progrès de l'industrie, et cette mode, l'année suivante, réduira à la misère 20,000 ouvriers qui vivaient de la mode précédente ; quelques nouveaux venus élèveront leur fortune sur la ruine 'des anciens. Qu'aura-t-on gagné en résultat? Des flots de misérables, des illusions économiques dont on ne voit naître que le désordre. Ainsi, la Papillonne ou alternante, gage de tous les biens dans l'Harmonie, n'est, dans l'ordre actuel, qu'un germe de désorganisation.

12o. La Composite ou engrenante, que j'ai nommée collision, quant à ses emplois actuels, est la plus dangereuse des passions dans l'ordre civilisé; en élevant l'illusion et l'enthousiasme à un degré qui ne laisse aucun accès à la raison, elle est presque toujours un acte de démence.

Par exemple, David est amoureux de Bethsabée; il sait que tout en parvenant à se satisfaire il tombera dans 2 écueils selon les lois civiles et religieuses; le 1er est de s'exposer aux flammes éternelles par un adultère, le 2e de violer par cet adultère le lien le plus sacré selon la Civilisation. Cependant la Composite, ou illusion d'amour composé, entraînera David à se souiller de ce double tort, causer scandale et encourir damnation. Toutes les composites ont cette influence contraire à nos lois et nos mœurs; elles entraînent l'homme en dépit de la raison et de la sagesse, d'où il suit que la Civilisation est bien antipathique avec la nature de l'homme, puisqu'elle est organisée de manière à ne faire éclore de cette passion, la plus puissante sur l'homme, qu'un orage de fléaux auxquels on ne sait opposer que la raison dénuée de

pouvoir contre la Composite, et de même contre la Cabaliste et la Papillonne.

Quel pouvait être le but de la Divinité en nous assujétissant à 3 passions si contraires au bon ordre général? Il faut bien que Dieu les ait réservées à des emplois différents du mécanisme civilisé; j'ai dit qu'elles sont destinées à diriger les séries passionnelles et le mécanisme d'unité; hors de cet ordre, elles doivent devenir germes de duplicité sociale. Ce sont 3 brouillons ligués pour semer la discorde parmi les autres, dont elles doivent être le lien.

Pour juger sainement des passions distributives, il faut toujours les envisager selon nos intérêts pécuniaires, selon les moyens de richesse qu'elles nous procurent. On a vu, dès les premières pages de cet ouvrage, que nos âmes tendent à 3 buts, au Luxe, aux Groupes, aux Séries. La Richesse est le 1er but auquel nous pousse le créateur et distributeur de l'Attraction. Il faut donc, pour nous rattacher aux vues de Dieu, nous fixer avant tout à l'amour des richesses concilié avec l'essor des 3 distributives.

Je ne recommande pas l'amour des richesses; isolément, il ne serait qu'un stimulant au crime; je ne vante la soif des richesses qu'autant qu'elle mettra en jeu les leviers donnés par Dieu, et qu'elle fera naître la richesse d'un essor complet des 3 distributives, essor qui n'a lieu que dans l'état de série passionnelle, et qui, hors de cet état, ne tend qu'à nous appauvrir, qu'à engendrer des liens hypocrites ou simulacres de groupes.

40o. La Divergence, ou Cabaliste, n'engendre que des luttes improductives. 44°. La Conflit, ou Papillonne, ne produit que des changements pernicieux. 42e. La Collision, ou Composite, ne crée que des groupes hypocrites.

La Divergence, ou Cabale subversive, est de 3 genres, simple, mixte et composée.

Elle est simple lorsqu'il y a effort, lutte et succès pour tromper et spolier; comme lorsqu'un intrigant parvient à capter un testateur et frustrer de légitimes héritiers qui n'ont point démérité. On voit une foule de ces cabales directes en Civilisation. Telle est l'opération d'une troupe d'agioteurs qui accaparent en plein une denrée et spolient toute la masse de la nation; ces menées sont la divergence directe.

Elle est mixte quand elle réunit 2 rivaux en faveur d'un tiers; les 2 prétendants, craignant de ne pas réussir, en favorisent un 3o, pour se frustrer réciproquement. Cette menée se voit fréquemment dans les élections. Elle est composée quand elle entraîne toutes les classes à se perdre réciproquement. Les savants, sous Bonaparte, perdirent les 35 prix décennaux par cette manière de s'avilir réciproquement; ils s'escrime