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BRUNHILD, reine d'Austrasie et aïeule de Théodoric.

ERMENBERGE, épouse de Théodoric.

EDWIGE, attachée au service d'Ermenberge et fiancée de Gonderick.

VIRGINIE, fille de Claudius.

MARIA, esclave de Léocadius.

FLAVIE.

CÉCILE, Gallo-Romaine, esclave.

MÉLANIE, épouse de Jacques.

CLOTILDE, sa fille.

AMBASSADEURS DE CLOTAIRE.

GUERRIERS NEUSTRIENS.

GUERRIERS AUSTRASIENS ET BOURGUIGNONS.

CLERCS ET ÉVÊQUES.

MOINES.

TROUPE DE MUSICIENS attachés à Léocadius.
ESCLAVES DE LÉOCADIUS.

BRUNHILD ET COLOMBANUS

ACTE PREMIER.

La scène représente des salles très-vas!es et somptueusement ornées. Les planchers sont couverts de tapis de velours et jonchés de fleurs. Des trépieds d'argent soutiennent des cassolettes d'or d'où s'exhalent des parfums. Au fond de la salle une grande fenêtre cintrée et donnant sur un fleuve. Groupes de chanteurs et d'instrumentistes. On est en juin. Léocadius, Césarius et Nicitius, vêtus magnifiquement, sont couchés sur des lits précieux, et achèvent un festin. Des esclaves des deux sexes exécutent une hymne à la Volupté, d'autres les accompagnent avec des harpes, des flûtes et des lyres. Léocadius semble préoccupé ; il prend machinalement sa coupe en or fin et enrichie de diamants; il la porte à ses lèvres et la rejette avec dégoût. Césarius et surtout Nicitius, au contraire, sont joyeux et tendent leurs coupes à chaque instant; les trois Gallo-Romains sont couronnés de fleurs.

Sur le devant de la scène, Sylvus, Antonius, Junius et Maria parlent à voix basse, sans être entendus des spectateurs. Mais lorsque l'hymne s'achève le plus doucement possible, Sylvus tire avec précaution une lettre de son sein et la montre à Junius. Celui-ci parait étonné.

Théodoric et ses guerriers font une orgie barbare dans une autre partie du palais. Leurs cris viennent parfois, comme une dissonnance, troubler la fête et les chants des Romains.

SCÈNE PREMIÈRE.

LÉOCADIUS, CÉSARIUS, NICITIUS, SYLVUS, JUNIUS, ANTONIUS, MARIA. TROUPES DE CHANTEURS ET D'INSTRUMENTISTES.

SYLVUS (à Antonius). Pourquoi Phœbé n'est-elle pas aux pieds du maître? ANTONIUS (avec crainte et à demi-voix, en regardant du côté de Leocadius, qui, par hasard, a les yeux fixés vers le lieu où se trouvent ses esclaves) Parle plus bas; il nous regarde.

SYLVUS (toujours à Antonius et lui reprenant la lettre qu'il lui avait donnée en entrant). Que décides-tu?

ANTONIUS. Ils courent à l'abime.

SYLVUS. En passant auprès de la prison, j'ai entendu des plaintes étouffées, ANTONIUS. C'est Phœbé, sans doute !

SYLVUS. Que dis-tu ?

ANTONIUS. Elle s'était parée de quelques fleurs que Léocadius avait reçues de Brunhild.

SYLVUS. Je comprends!... Malheureuse Phœbé !...

JUNIUS. Oui, bien malheureuse; car j'ai vu les fouets des bourreaux : ils étaient tous sanglants.

MARIA. Pour quelques fleurs !... O triste destinée !

ANTONIUS. Oh! que je ne sois jamais l'objet de la colère de Léocadius !

JUNIUS. Il n'a donc jamais souffert !

SYLVUS (avec dédain). Pourquoi ces paroles vaines?

ANTONIUS. Tu railles nos larmes ?

SYLVUS. Les faibles pleurent, les forts agissent.

ANTONIUS. Que faire?

SYLVUS. Voulez-vous être libres?

JUNIUS. L'esclave est libre dans la tombe.

:

SYLVUS. Dieu peut aussi briser nos fers, et il a envoyé vers nous Colombanus. Écoutez plusieurs Gallo-Romains, esclaves des Francs de Neustrie et d'Austrasie, et même de Bourgogne, fuient à cette heure leurs maîtres impitoyables: ils vont vers Luxeuil, où le saint du Seigneur les attend. Claudius les guide, et demain ils seront libres : imitons-les. Pendant cette fête. nul ne nous surveille; l'ivresse va endormir nos tyrans; la nuit et la forêt nous protègeront.

JUNIUS. Dans quels pièges veux-tu nous entrainer?

SYLVUS. Je connais les maux que j'endure.

JUNIUS. Tu veux les augmenter.

SYLVUS. Non... Nous ne sommes pas maudits.

ANTONIUS. Si nous avions des armes !

SYLVUS. Lorsque, sous un soleil brûlant, nous récoltons les biens du maltre, lorsque la terre cède à nos efforts; quand nous abattons les forêts, le soc et la faucille tremblent-ils dans nos mains, et nos bras sont-ils engourdis quand la hache, hardiment lancée, s'enfonce dans l'épaisse écorce?

JUNIUS. Pas un de nous ne voudrait faiblir devant ces durs travaux.

SYLVUS. Eh bien ! nous sommes assez forts pour résister à la nature... et ces hommes nous épouvanteraient? Le froid nous trouve impassibles, et nous tremblerions en face d'efféminés vêtus de soie et couronnés de fleurs? Ouvrez les yeux et comptez vos maîtres: ils sont trois, nous sommes mille! Ils nous comblent de maux ; ils inventent à chaque heure de nouveaux supplices, aujourd'hui pour une fleur, demain pour quelques larmes. Qu'avons-nous à redouter quand même nous serions découverts? La mort?... N'est elle pas suspendue sur nos têtes? Croyez moi... Christ vient à notre aide! Soyons unis et nos tyrans vont trembler!

(Un groupe d'esclaves, parmi lesquels se trouve Antonius, se retirent effrayés de

l'audace de Sylvus. Ils se consultent, et Antonius se dirige vers Léocadius. Celui-ci est plongé dans une profonde réflexion. Antonius se jette à ses genoux et baise le bas de sa tunique. Junius et les autres esclaves qui avaient écouté avec intérêt Sylvus, s'aperçoivent de la démarche d'Antonius; ils se retirent, Maria reste seule.)

JUNIUS (aux esclaves). Son audace va nous perdre.

SYLVUS (s'adressant au groupe le plus rapproché). Le temps presse.
MARIA. Fuis, Sylvus; les voilà qui te dénoncent au maître.

SYLVUS. Ils ont peur, mais ils ne seront pas infâmes.

MARIA. Regarde Antonius.

SYLVUS. Les lâches !... Je suis donc seul ici-bas!...

MARIA (avec émotion). Non, Sylvus.

SYLVUS. Merci... laisse-moi, mon enfant.

MARIA. Sylvus!

SYLVUS. Tes larmes seraient un crime.

MARIA. O Dieu !

SYLVUS. Le tigre arrive... va-t'en!

(Maria se retire avec peine. Des larmes tombent de ses yeux. Sylvus jette un coup d'œil rapide et veut fuir; les esclaves le retiennent. Alors il attend avec fermeté Léocadius. Celui-ci se lève avec précipitation; ses lèvres blanchissent. Il y a déjà quelque temps que Nicitius et Césarius se sont retirés vers le fond des appartements.)

LÉOCADIUS. Ces bêtes fauves ne sont donc pas assez muselées, puisqu'elles pourraient encore nous dévorer; leurs chaînes ne sont donc pas assez fortes! (Aux esclaves.) Chiens, nommez-moi tous les traîtres.

ANTONIUS. Sylvus seul est coupable.

LÉOCADIUS. Tu mens.

JUNIUS. Seigneur, nous sommes tous tes esclaves fidèles.

LÉOCADIUS. Qu'on aille chercher les bourreaux. (A Sylvus.) Ils t'ont dénoncé, venge-toi.

SYLVUS. Ces misérables peuvent bien être des délateurs, mais eux des hommes !

tu,

LÉOCADIUS. Tu railles et fais le philosophe.

SYLVUS. Je suis esclave, j'ai voulu être libre.

LÉOCADIUS. Nomme-moi tes complices.

SYLVUS. Tous ceux qui souffrent et comprennent leurs maux.

LÉOCADIUS. Tes expressions sentent le rhéteur de bas étage. Qu'en pensesCésarius?

CÉSARIUS. Quoi ! ce drôle s'avise d'insulter les Muses: qu'on le mette à mort.

LÉOCADIUS. Qui t'engageait à me fuir?

SYLVUS. Ta brutalité.

LÉOCADIUS. Misérable !...

SYLVUS. La vérité t'irrite.

LÉOCADIUS. Il faut que tu sois l'instrument servile de mes ennemis... car tu répètes un rôle... Voyons, brave gladiateur, je vais te mettre aux prises avec la torture.

SYLVUS. Avec l'aide du Christ j'espère mourir sans crainte.

LÉOCADIUS. Qu'on l'entraîne au supplice.

SYLVUS. Léocadius, je serai vengé.

LÉOCADIUS (montrant Antonius, Junius et les autres). Par ceux-ci, peutêtre ?... Je te remercie ils vont partager ton sort.

(Des gardes viennent.)

Tous ces esclaves sont condamnés à mourir. Soyez sans pitié.

(Les gardes entraînent les esclaves, ainsi qu'Antonius et Junius, qui insultent Sylvus et se lamentent. - Une grande rumeur vient du côté des barbares.)

SYLVUS (à Leocadius, qui le regarde avec un sourire infernal). Léocadius !... voici la justice de Dieu qui accourt nous venger.

(Léocadius pâlit un peu et se trouble.)

SCÈNE II.

LÉOCADIUS, CÉSARIUS, NICITIUS.

LÉOCADIUS. Plus de doute !... ce misérable servait les barbares, et ces dernières paroles me dévoilent leurs projets... Ruse pour ruse je veux les abaisser; ils veulent ma ruine, et les voilà qui célèbrent leur victoire... Enivrez-vous, grossiers et lourds esprits, Francs à la tête chevelue et aux lèvres altérées; plongez-vous dans l'orgie et chantez un triomhpe éphémère : l'heure vient !

(La musique recommence avec l'hymne à la Volupté.) Cette musique me fatigue... (A un esclave.) Va dire à ces histrions qu'ils se taisent.

(L'esclave court. La musique cesse sur une suspension brusque. Nicitius arrive en chancelant et la figure avinée.)

CÉSARIUS (à Leocadius). Tu as raison: ces esclaves ont écorché le mode d'Ionie.

LÉOCADIUS. Ils viennent pourtant de l'Italie.

NICITIUS. Que la musique soit barbare, peu m'importe. Ton festin me rappelle Rome, et Vitellius eût placé ton cuisinier dans l'Olympe.

LÉOCADIUS. Ne nous abusons point, amis; tout est écroulé, tout a disparu ! Des ruines et des souvenirs!... voilà ce qui nous reste ! Romains, l'heure est pleine de troubles et d'inquiétudes! Qui de nous peut porter la coupe à ses

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