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d'abord simple capitaine, mécontent 20 ans après de n'avoir qu'un empire de 72 millions d'hommes et vouloir conquérir le monde? Voilà le secret de tous les hommes. Si quelques uns limitent leur ambition, c'est par insuffisance à vaincre les obstacles ou par déclin de l'âge et des forces physiques. Mais l'homme en pleine santé et pleine liberté veut empiéter sans mesure jusqu'à ce qu'il possède le monde entier. Quel est son but dans cet envahissement? C'est d'arriver à l'Unité forcée à défaut de la spontanée; car il exigera que tous ses domaines soient régis en bon ordre, que toutes les provinces qu'il régit vivent en paix l'une avec l'autre, et ainsi des empires soumis à son sceptre. Il veut donc l'Unité universelle ou passion de souche. Il veut la paix générale du globe et la libre circulation par tout le globe, vœu le plus philanthropique et le plus louable que puisse former l'esprit humain dans l'état noueux où le retient la politique civilisée. L'ambition tant critiquée ne respire donc autre chose qu'unitéisme et philanthropie générale, mais elle marche au but par les voies d'égoïsme, d'envahissement, d'oppression provisoire; elle ne tend pas moins au but d'unité par le refoulement passionnel ou contremarche des ressorts de l'âme.

Ainsi la nature de l'homme est la même dans les 2 essors, harmonique ou subversif, tendant toujours à l'unité, à l'esprit de Dieu, souche de toutes les passions. Le mouvement se rattache à Dieu par les extrêmes, par la plénitude en essor subversif ou la plénitude en essor harmonique, et nous devons retrouver dans le double essor de nos passions ce contact d'extrêmes que les anciens avaient déjà observé dans le mouvement et qu'ils représentaient par l'allégorie très exacte d'un serpent roulé en cercle et mordant sa queue, circulus æterni motus.

Ainsi, l'état de limbe social qui cause engorgement, contre-marche et essor subversif des passions, ne change rien à leur but; elles y tendent constamment par les voies du mal ou par celles du bien.

Naturam expellas furcâ tamen usquè recurret.

Il n'est donc pas de système plus essentiellement absurde que celui de la répression passionnelle. Sans doute il vaut mieux encore contenir les passions que de les laisser se développer en mode subversif et vexatoire; mais la tâche de la raison est de reconnaître que les passions, en dépit des voies répressives, marchant obstinément à leur but par les voies de fausseté et de crime, il faudrait chercher les voies de dilatation composée qui conduiraient la passion par les voies de la vérité et de la vertu. Cet effet est réservé exclusivement aux séries passionnelles contrastées hors desquelles nos passions s'écartent du régime d'unité naturelle, puisque la série des groupes contrastés est l'ordre établi par Dieu dans tout le système du mouvement.

CHAPITRE IV.

LES 3 RAMEAUX SUBVERSIFS DE 1re PUISSANCE.

Les principes établis dans le précédent chapitre sur la passion de tige, seront pleinement applicables aux 3 passions de 1er degré subversif et aux 12 de 2e degré subversif. Chaque passion va au même but dans ses 2 essors, mais par des voies opposées donnant des résultats opposés. Les passions produiront discorde, fausseté, pauvreté, incohérence, si l'essor est subversif; elles produiront concorde, vérité, richesse, association, si l'essor est harmonique.

Tous les peuples appauvris par le mécanisme civilisé et barbare désireraient être riches comme le seront les Harmoniens. Il y a donc entre l'harmonie et la subversion identité de but et de ressorts, malgré l'opposition de procédés et de résultats; et pour désigner exactement cette opposition des 2 voies d'essor, il faudra, comme je l'ai observé, doubler la nomenclature des passions et la contraster dans l'ordre suivant pour les 3 passions de 1er degré, dites foyères.

Primaires harmoniques.

Luxisme.
Amantisme.

Sériisme.

Primaires subversives.
Contre-luxisme.

Contre-amantisme.
Contre-sériisme.

ou bien faux luxisme, faux amantisme, faux sériisme. J'adopterai volontiers la nomenclature la plus exacte. Je laisse aux hommes de l'art le soin de régulariser ce que je me borne à indiquer dans mes tableaux. Je les ai souvent corrigés et modifiés. Je ne doute pas que d'autres ne puissent indiquer d'utiles amendements sur ce qui tient aux formes.

Venons à l'examen de ces 3 passions, ou foyères, ou rameaux primaires qui, partant d'une souche gangrenée, partant de l'égoïsme, doivent être vénéneuses comme la souche dont elles sont issues.

1re foyère subversive. — 1o Le contre-luxisme. Il s'établit en double sens par la scission des 2 luxes et la scission des compétiteurs du luxe.

1re scission des 2 luxes. On a vu au 2 chapitre que l'homme tend aux 2 luxes, interne ou de santé, externe ou de fortune. Ces 2 luxes dans l'état actuel sont en contradiction. La classe pauvre ou sauvage est la plus robuste. Le paysan, l'homme de peine, sont d'une vigueur incomparablement supérieure à celle du citadin opulent; de sorte que c'est la pauvreté ou absence de luxe externe qui est le garant de la vigueur ou luxe interne. Telle est la première scission du luxe avec lui-même, conflit de ses 2 portions intégrantes, schisme élémentaire; passons à une 2o.

2o scission. Parmi une masse de gens riches de même âge, de même fortune, habitant même séjour, si nous supposons qu'une moitié vive sobrement, régulièrement, méthodiquement, et que l'autre moitié se livre sans mesure

aux plaisirs, repas somptueux, veilles fréquentes et autres excès, il arrivera que cette moitié engagée dans le torrent des plaisirs sera beaucoup moins robuste que la classe vivant sobrement, s'abstenant de veilles et d'excès quelconques. De là naît la plaisante conséquence que pour jouir du luxe interne ou santé, il faut s'abstenir des jouissances auxquelles provoque le luxe externe ou richesse. C'est une 2e scission des luxes, un schisme d'emploi.

Nous ne sentons pas le ridicule de ce schisme, parce que nous sommes élevés dans un ordre social où existe le conflit permanent des 2 luxes, et où la raison est de sacrifier l'un des deux à l'autre. Il faut, pour apprécier le vice de cette raison anti-attractionnelle ou subversive, attendre l'exposé du mécanisme sociétaire où la raison veut que l'homme s'abandonne sans mesure aux plaisirs, parce qu'ils sont équilibrés dans l'ordre sociétaire avec tant d'art que leur affluence même devient garant des 2 luxes, santé et richesse. Dans cet ordre, l'homme riche, qui se lance à corps perdu dans le torrent des plaisirs, a plus de chances de vigueur que le pauvre, qui, sans manquer de rien, a pourtant moins de chances voluptueuses que le riche. L'état actuel qui force l'homme riche à opter entre l'un des 2 luxes, à se modérer sur l'externe ou plaisir, pour conserver l'interne ou santé, cet état, dis-je, accuserait Dieu d'impéritie et de contradiction; car s'il ne veut pas que nous jouissions sans mesure des 2 luxes, il ne devait pas nous donner une attraction démesurée pour tous deux.

3e Scission. -Si celui qui opte pour la jouissance immodérée ne risquait que la perte de santé ou luxe interne, il y aurait une ombre de justice dans cette disgrâce; mais il arrive que les excès qui altèrent la santé compromettent du même coup la fortune. On commence par un train de dépense assorti à son revenu; bientôt surviennent des revers, des duperies avec les intrigants, les joueurs, les femmes, les dépenses imprévues; en suite de quoi la fortune ou luxe externe se trouve bien vite engloutie par le même train de vie qui a ruiné la santé ou luxe interne. Voilà donc la civilisation présentant aux 2 luxes double écueil, et les entraînant simultanément dans l'abime. Un pilote ignorant n'engloutira son navire que dans Scylla ou dans Carybde, et non pas dans les 2 gouffres. Mais l'état subversif jette le navire passionnel sur 2 écueils à la fois.

A cela les philosophes répondent que, dans l'usage des plaisirs, il faut apprendre à se modérer par la lecture de leurs 400,000 volumes contradictoires, qui, si l'on en juge par Senèque et Platon, ne modèrent ni la cupidité ni les autres passions. D'ailleurs, fussent-ils d'accord sur les méthodes modératrices, ils seraient déjà absurdes par cela seul qu'ils prêchent la modération opposée à la nature et à l'attraction. Voit-on que Dieu modère l'abeille et le castor dans leur fougue industrielle, modère-t-il le tigre et la hyène dans leur soif du sang, modère-t-il les planètes dans l'inconcevable rapidité de leur marche? Non; tous les corps organisés se livrent à la véhémence de l'attraction quand ils jouissent du libre essor, et c'est là le vrai bonheur auquel il s'agit d'élever l'homme pour le mettre à l'unisson de l'univers.

On ne voit pas que dans le mécanisme de l'univers l'essor libre du luxisme produise aucun des 3 effets absurdes que je viens de citer: en effet, qui n'ac

cuserait Dieu d'une profonde ineptie s'il avait destiné le luxe à produire pareille cacophonie, conflit de l'interne avec l'externe et de tous deux contre tous deux? On peut défier l'être le plus imbécile ou même le plus savant d'inventer 3 effets de discorde plus ridicules que les 3 scissions que je viens de décrire, et qui sont propriétés essentielles du luxe dans tout le cours des sociétés limbiques.

Nous sommes donc, sur tout ce qui touche au luxe, en mouvement subversif, puisque nous n'arrivons qu'à établir, en triple sens, le conflit des 2 éléments du luxe et obtenir en résultat la pauvreté graduée et relative, même chez le riche, dont J.-B. Rousseau a si bien dépeint les privations idéales:

Il brûle d'un feu sans remède,
Moins riche de ce qu'il possède

Que pauvre de ce qu'il n'a pas.

2o Foyère subversive.- Le Contre-amantisme. En examinant les effets actuels de notre penchant aux 4 groupes, nous trouverons dans l'essor de cette passion même cacophonie, même choc d'éléments que dans la passion du luxe. Jugeons-en par comparaison à un seul groupe, celui d'Amitié.

Rien n'est plus commun en Civilisation que les réunions de prétendus amis tout pétris d'égoïsme et de vues intéressées, n'ayant de l'amitié que le fard et de mobile réel que l'intérêt; telles sont les assemblées d'étiquette où l'on ne ressent pas l'ombre de l'enthousiasme et du dévouement qu'on y affecte. Chacun y vient dans des vues particulières d'intérêt, d'intrigue, de galanterie, de gourmandise.

Ces groupes, j'en ai déjà parlé, ont une passion dominante en contradiction avec la tonique. Leur tonique ou ressort simulé, ou passion d'étalage, est l'amitié; mais leur dominante ou ressort effectif est l'intérêt, l'intrigue, la galanterie, la gourmandise ou autre mobile qu'on ne veut pas avouer et qu'on masque d'amitié.

Cette contrariété de la tonique et de la dominante constitue le groupe subversif et faux, qui est le ressort le plus général de la mécanique civilisée. Aucun groupe n'est plus remarquable en ce genre que celui de famille, où l'on voit constamment les pères opposés aux enfants sur le goût des plaisirs, de la dépense, de la parure; sur les choix en amour, en mariage, etc., de sorte que tous les enfants déguisent habituellement leur dominante pour étaler une tonique, une déférence filiale voulue par le père.

Même fausseté dans les groupes d'ambition. C'est l'intérêt, l'égoïsme, qui fait mouvoir toutes les corporations et coteries politiques. Mais si vous écoutez chacun des membres, c'est le pur amour du Roi et de la Patrie qui dirige toutes leurs démarches; l'intérêt n'a sur eux aucune influence, ils ne veulent que le bien du peuple et la satisfaction de servir le roi, ou, s'ils sont académiciens, l'honneur de faire triompher l'auguste vérité sans aucune vue d'intérêt personnel.

Je ne parle pas des faussetés du groupe d'amour, c'est un chapitre si étendu et si connu, la fidélité des femmes, la candeur sentimentale d'un aigrefin qui veut épouser cent mille écus!

Voilà un aperçu de la fausseté interne des groupes civilisés, de la discorde qui existe entre leurs éléments, entre la passion dominante et la tonique. Ce sujet sera expliqué plus amplement dans une section d'analyse du mouvement subversif, il suffit ici d'une esquisse du sujet.

Passons à la fausseté externe des groupes civilisés ou snbversifs, la discordance générale de ces groupes entre eux dans leurs relations de groupe à groupe. Ils sont discordants en classes, ordres, genres, espèces et variétés.

4° Discordes de classe. Les groupes civilisés sont inconciliables en tout sens. La convoitise d'un même homme suffit pour brouiller 2 femmes. Les familles ne s'accordent point avec les corporations. Une famille veut envahir à elle seule les prérogatives d'un corps entier. Ce sont des vérités trop communes pour qu'il soit besoin de les démontrer.

2o Discordes d'ordre. Dans la classe d'Ambition l'on peut distinguer divers ordres, savoir: le ministère, la cour, la judicature, l'armée, l'Église, la finance, le haut agiotage; tous ces ordres sont ennemis entre eux. Le ministère a 2 ou 3 plans soutenus par divers chefs; la cour est remplie de partis qui veulent faire changer le ministère et qui se haïssent entre eux; la judicature ne fraie point avec l'armée, le militaire point avec la finance, l'agiotage point avec le clergé, et ces divers ordres, en toute occasion, se harcèlent avec une malignité sans égale, et nourrissent des haines invétérées.

Cette discorde n'est pas moindre dans l'ensemble qu'entre les divers ordres, noblesse, propriétaire, commerce, bourgeoisie, paysans chacun des 5 ordres déteste cordialement les autres et ne songe qu'à empiéter sur eux.

3o Discordes de genre. Mème antipathie entre les groupes de genre. La noblesse de cour méprise celle de province, la noblesse d'épée dédaigne celle de robe; d'autres dédains se fondent sur les degrés de fortune ou d'ancienneté : mème dissension parmi les bourgeois qui discordent de profession à profession.

4° Discordes d'espèce. Rassemblez dans une grande ville vingt sociétés bourgeoises à peu près d'égale fortune, elles se détesteront, médiront à l'envi les unes des autres. Les hommes ne chercheront qu'à s'enlever les chances de fortune, les femmes qu'à s'enlever les amants, s'éclipser en parure, se cribler de malignes critiques. Pareille discorde entre les groupes de savants qui se dédaignent et se détestent en se faisant des compliments académiques, voire même entre les groupes de moines chez qui Boileau a si justement placé la Discorde occupée à diviser cordeliers, carmes et célestins.

5o Discordes de variété. Trouvera-t-on plus d'union entre des groupes de nuance? Trois coteries de prudes habitant une mème ville sont des groupes de variété tenant à une même espèce. Trois comités de Carmes habitant un même couvent sont encore des groupes de variété qui ne s'occuperont qu'à intriguer les uns contre les autres et se traverser en tout sens.

Tels sont les résultats de la Civilisation perfectible, de la douce fraternité où veulent nous conduire les philosophes. Discorde universelle des groupes en classes, ordres, genres, espèces et variétés, et des affiliations de groupes entre elles. C'est pourtant des affiliations de groupes que doivent se former les séries passionnelles qui seront le ressort d'Harmonie universelle. Il faudra

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