Je ne tirerai point un indigne avantage Entre un pontife et vous je ne balance pas. Un prêtre, quel qu'il soit, quelque dieu qui l'inspire, Doit prier pour ses rois, et non pas les maudire. OEDIPE. Quel excès de vertu! mais quel comble d'horreur! L'un parle en demi-dieu, l'autre en prêtre imposteur. (au grand prêtre.) Voilà donc des autels quel est le privilége! Grâce à l'impunité, ta bouche sacrilége, Ma vie est en vos mains, vous en êtes le maître : OEDIPE. J'ai forcé jusqu'ici ma colère à t'entendre : De ton juste trépas mes regards satisfaits Vous me traitez toujours de traître et d'imposteur : OEDIPE. Arrête que dis-tu? qui? Polybe mon père... Vous apprendrez trop tôt votre funeste sort; Savez-vous seulement avec qui vous vivez? Sortons. SCÈNE V. CEDIPE, PHILOCTÈTE, JOCASTE. OEDIPE. Ces derniers mots me rendent immobile : Je ne sais où je suis; ma fureur est tranquille : Il me semble qu'un dieu descendu parmi nous, Maître de mes transports, enchaîne mon courroux Et, prêtant au pontife une force divine, Par sa terrible voix m'annonce ma ruine. PHILOCTÈTE. Si vous n'aviez, seigneur, à craindre que des rois, De ses liens sacrés imbécile idolâtre, Foulant par piété les plus saintes des lois, Croit honorer les dieux en trahissant ses rois; Ah! seigneur, vos vertus redoublent mes douleurs : La grandeur de votre âme égale mes malheurs; Accablé sous le poids du soin qui me dévore, Vouloir me soulager, c'est m'accabler encore. Seigneur, c'en est assez, ne parlons plus de crime; A ce peuple expirant il faut une victime; Il faut sauver l'État, et c'est trop différer. Épouse de Laïus, c'est à moi d'expirer; C'est à moi de chercher sur l'infernale rive D'un malheureux époux l'ombre errante et plaintive; De ses mânes sanglants j'apaiserai les cris; J'irai... Puissent les dieux, satisfaits à ce prix, Vous mourir ! vous, madame! ah! n'est-ce point assez De tant de maux affreux sur ma tête amassés ? Quittez, reine, quittez ce langage terrible; Le sort de votre époux est déjà trop horrible, Sans que, de nouveaux traits venant me déchirer, Vous me donniez encor votre mort à pleurer. Suivez mes pas, rentrons; il faut que j'éclaircisse Et venez dissiper ou combler mon effroi. Suivez-moi, ACTE QUATRIÈME. SCÈNE PREMIÈRE. CEDIPE, JOCASTE. OEDIPE. Non, quoi que vous disiez, mon âme inquiétée JOCASTE. Eh quoi! votre vertu ne vous rassure pas! OEDIPE. On est plus criminel quelquefois qu'on ne pense. JOCASTE. Ah! d'un prêtre indiscret dédaignant les fureurs OEDIPE. Au nom du grand Laïus et du courroux céleste, JOCASTE. Je vous l'ai déjà dit, un seul suivait ses pas. Un seul homme? OEDIPE. JOCASTE. Ce roi, plus grand que sa fortune', 1 La première fois que l'empereur Joseph II parut à la Comédie-Fran Dédaignait comme vous une pompe importune; OEDIPE. O héros par le ciel aux mortels accordé, JOCASTE. Puisque vous rappelez un souvenir fâcheux, OEDIPE. J'entrevois des malheurs que je ne puis comprendre : JOCASTE. Cet organe des dieux est-il donc infaillible? Un ministère saint les attache aux autels; Non, non chercher ainsi l'obscure vérité, çaise, à Paris, en 1777, on donnait OEdipe, et le public lui appliqua ces vers. (K.) |