DU PEUPLE ET DE LA POÉSIE. LA SEMAINE D'UN FILS, de Jasmin, par M. CHARLES DE MAZADE. - DU DEVELOPPEMENT HISTORIQUE DE LA LOGIQUE, par M. É. LITTRÉ. LES RÉCITS DE LA MUSE POPULAIRE. LA FILEUSE, par M. É. SOUVESTRE. LITTÉRATURE AMÉRICAINE. - ÉVANGELINE, histoire acadienne de R. W. Long- SIX MOIS D'AGITATION RÉVOLUTIONNAIRE EN ITALIE. PARTI RÉPUBLICAIN ET LES PUBLICISTES DU PARTI MODÉRÉ A ROME, FLORENCE - CHRONIQUE DE LA QUINZAINE. THOMAS CARLYLE, SA VIE ET SES ÉCRITS, par M. É. MONTÉGUT. POÉSIES. VARIATIONS SUR LE CARNAVAL DE VENISE, par M. TH. GAUTier. DE L'ÉPOPÉE CHRÉTIENNE JUSQU'A KLOPSTOCK. - LES TRAVAUX DE M. H. FLANDRIN A L'ÉGLISE 490 TAVE PLANCHE. ADRIENNE LECOUVREUR, drame de MM. E. Scribe et Legouvé, par M. Gus- 500 512 525 541 D'HERMANN MELVILLE, par M. PHILARÈTE CHASLES. DE LA CRITIQUE ET DE LA DESTINÉE DES OUVRAGES CONTEMPORAINS. - 1 - DE L'HISTOIRE PAR LA CARICATURE (England under the house of Ha- LA CAMPAGNE DU PIEMONT EN 1849, par M. de Dino. - 648 663 . UN MOT SUR LE 24 FÉVRIER, à propos du livre la Société et les Gouver- HISTOIRE DU PARLEMENT DE FRANCFORT. 823 RENÉ TAILLandier. EXTÉRIEURE, par M. GUSTAVE D'ALAUX. DES ÉLECTIONS ET DE L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE. LA TRANSYLVANIE DEPUIS LA FIN DU XVII SIÈCLE JUSQU'EN 1849. POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE. LII. 846 857 867 882 885 LE ROI ARTHUR ET LES DERNIERS 956 Dernière partie, par M. SAINTE-BEUVE. UNE EXPÉDITION AMÉRICAINE DANS LES DÉSERTS DU NOUVEAU- LA MARINE FRANÇAISE EN 1849. Il n'est pas rare d'entendre le même censeur demander simultanément la réduction des crédits de la marine et l'accroissement de ses opérations. BOURSAINT, Écrits divers, page 64. De tous les labeurs imposés à l'homme pour vivre et dominer sur notre globe, il n'en est point qui coûtent autant à son génie et lui fassent plus d'honneur que la lutte contre la mer. Il semble que la navigation soit un effort contre nature. Panurge, dont la verve rieuse couvre le plus souvent un sens si profond, s'écrie, au plus fort de la tempête : « O que trois et quatre fois heureux sont ceux qui plantent choux!... car ils ont tousiours en terre ung pied, l'autre n'en est pas loin (1)... Ceux qui sur mer nauigent, tant sont près du continuel danger de mort qu'ils viuent mourans et meurent viuans (2). » Aussi les peuples qui habitent des contrées spacieuses et fécondes, sous un climat tempéré, ne (1) Rabelais, Pantagruel, liv. IV, chap. xvii. (2) Ibid., chap. XXIV. LIVRAISON SUPPLÉMENTAIRE DU 15 AVRIL. 1 franchissent qu'à regret les mers qui baignent leurs rivages. Les Romains avaient pour la marine une répugnance instinctive. « Portius Cato, suivant notre Rabelais, disoit de trois choses soy repentir, sçauoir est, s'il auoit jamais son secret à femme reuelé: si en oisiueté jamais auoit un jour passé : et si par mer il auoit péregriné en lieu autrement accessible par terre (1). >> Mais les maîtres de l'Italie étaient enserrés par la mer. Leur ambition croissait avec le développement et le besoin d'expansion de leur 'population. Plus d'une fois ils avaient eu à souffrir dans leur orgueil des insultes d'une poignée de marchands réfugiés sur la plage africaine. Carthage, dans son essor maritime, affrontait audacieusement la première puissance territoriale du monde antique. Rome arma des vaisseaux; elle y pressa ses laboureurs. Vaincue d'abord, elle apprit par ses défaites à vaincre sur la mer. Carthage disparut sous les eaux avec ses flottes, comme devaient plus tard disparaître les Vénitiens, les Génois, les Portugais, les Barbaresques, tous ces peuples hardis que le besoin d'une meilleure patrie ou l'aspiration vers l'espace sollicitait à la mer, qui s'en sont rendus maîtres pour un jour, et dont la barque, après s'être jouée des tempêtes, s'est tristement échouée, si même elle n'a sombré sans retour. Dans les temps modernes, deux peuples ont été puissans entre tous par la marine et en vivent encore: les Hollandais, les Anglais. Les premiers ont dicté sur la mer leurs lois aux seconds. Déchus d'une prééminence qui n'avait pas dans leur situation territoriale un fondement assez solide, ils ont su, par leur sagesse et par une énergie que rien ne lasse, conserver encore une place honorable parmi les nations. Fortement retranchée dans sa situation insulaire, riche de son sol, la main étendue sur les affaires du monde entier, le pied posé sur les colonies les plus florissantes, que le génie de ses navigateurs a choisies et disposées comme des étapes autour du monde, l'Angleterre, aujourd'hui prépondérante sur l'Océan, y maintient son empire par le double effort de son activité commerciale et de sa flotte militaire. Et cependant, que font les nations qui ont un nom dans l'histoire de la civilisation? Les unes, plus anciennes et jadis florissantes, la Suède, la Norvége, le Danemark, les états sardes héritiers des Génois, gardent encore la tradition bien affaiblie de leur force navale. Nous voudrions omettre l'Espagne. Cette grande nation, dont la décadence inspire encore le respect, a été long-temps, elle aussi, la reine de la mer. Pauvre d'abord, c'est de la mer qu'elle avait tiré ses richesses. « Chacun sait, écrivait, en 1626 (2), un marin dont nous invoquerons plus d'une fois le témoignage, (1) Rabelais, Pantagruel, liv. IV. (2) Isaac de Razilly, chevalier de Malte. Nous devons à l'obligeance d'un de nos amis, M. Pierre Margry, la communication du curieux Mémoire dont nous extrayons se passage. C'est un manuscrit appartenant à la Bibliothèque Sainte-Geneviève. Il chacun sait qu'il n'y a que six vingts ans que le plus grand revenu du roy d'Espagne étoit en oranges et citrons, et, depuis les avis reçus de Christophle Collon et qu'il arme par mer, il a tant conquis de royaumes que jamais le soleil ne se couche dans ses terres. » Toute cette prospérité, devenue insolente, semble s'être engloutie avec l'invincible armada de Philippe II. L'Espagne de 1849 ne pourrait plus défendre, avec ce qui lui reste de ses vaisseaux, ce qui lui a été laissé, comme par miracle, de ses anciennes colonies. D'autres nations, nées d'hier pour l'histoire, mais dont le progrès dépasse tout ce que l'imagination aurait pu rêver, et qui couvrent déjà de leur ombre colossale l'horizon de l'avenir, la Russie, l'Union américaine, jettent toutes deux les fondemens d'une grande marine. Celle-là, puissance continentale par la loi de la nature, veut une armée navale comme Rome l'a voulue: elle prend ses paysans et les pasteurs de ses steppes, et les transforme en matelots pour le service d'une flotte qui n'a pas de commerce maritime à protéger. Celle-ci, maîtresse également d'un immense continent où ses premiers législateurs se sont efforcés de la contenir, voit grandir dans des proportions inouies l'activité de sa navigation commerciale, et semble ne se décider qu'à contre-cœur à entretenir une armée navale. Si l'on va chercher l'origine de cette flotte qui se forme à peine, on est étonné de reconnaître combien le nouvel état, issu de la première puissance maritime du monde, répugne à prévoir, lui aussi, les chances de la guerre sur l'Océan. En 1794, une discussion approfondie détermine le congrès à voter la dépense de six frégates, quatre de 44 et deux de 36 canons. Il s'agissait de protéger les navires américains contre la piraterie des Barbaresques, et le congrès (1) discutait gravement si, plutôt que d'avoir une marine militaire, mieux ne vaudrait pas, soit est adressé au cardinal de Richelieu et daté de Pontoise, le 26 novembre 1626. Ce document inédit contient le germe de la plupart des institutions de la marine telles que Richelieu les a inaugurées et telles que Colbert devait les consacrer dans les grandes ordonnances de Louis XIV: il fera partie des pièces inédites concernant les anciennes colonies françaises de l'Amérique du Nord dont M. Margry prépare en ce moment la publication pour la collection des documens relatifs à l'histoire de France. (1) On ne lira pas sans intérêt les considérations développées à l'occasion de cette discussion par un historien de la vie de George Washington, M. John Marshall, président de la cour suprême de justice des États-Unis. « La mesure proposée fut considérée comme le commencement d'une marine permanente. En la consacrant on serait obligé de renoncer à éteindre la dette publique. L'histoire n'offrait pas l'exemple d'une seule nation qui eût continué à augmenter sa marine, et qui n'eût pas en même temps augmenté sa dette. On attribua aux dépenses qu'entraînait la marine l'oppression sous laquelle le peuple anglais gémissait, les dangers qui menaçaient la Grande-Bretagne et la chute de la monarchie en France. >> (Vie de George Washington, t. V, p. 326.) |