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Le jour où Henri II fut blessé à mort, François, son fils aîné, avait seize ans et quelques mois; il était majeur selon les lois du royaume, ne manquait pas TOME II. — 15 AVRIL 1849.

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d'esprit et parlait couramment à la façon des princes; mais, faible de santé, incapable d'application, hors d'état, en un mot, de gouverner par lui-même, il lui fallait une tutelle, sinon de droit, du moins de fait.

Sa mère n'avait encore pris aucune part aux affaires; le roi et sa vieille maîtresse l'en avaient constamment écartée. Le roi mort, tous les regards se tournèrent vers elle: on pensait qu'elle allait régner.

Trois grands partis, les Guise, les Montmorency, les princes du sang, se disputaient le pouvoir. Catherine aurait voulu les tenir tous à distance, mais ils se seraient ligués contre elle; il fallait faire un choix. Tous ils l'avaient négligée, humiliée du vivant du feu roi; les Guise, comme le connétable, lui avaient fait l'injure de s'allier à la favorite. Elle avait cependant contre le connétable de plus vives rancunes que contre ses rivaux, et, quant aux princes du sang, quoique puissans dans le pays, leur éloignement de la cour, leur penchant à l'hérésie, ne permettaient pas de s'allier à eux les Guise furent donc préférés. A vrai dire, le choix n'était pas libre. La jeune reine, Marie Stuart, exerçait sur son mari un souverain empire, et MM. de Guise étaient ses oncles.

Ceux-ci, en gens habiles, avaient promis à la reine-mère toute espèce de services et de soumissions. Dans les premiers momens, ils tinrent parole, et tout marcha d'accord entre Catherine et eux; mais, quand une fois leurs principaux ennemis furent abattus, chassés, dépossédés de leurs emplois, quand le cardinal de Lorraine se fut bien assuré de la surintendance des finances, et le duc de Guise du commandement suprème de l'armée, ils commencèrent à changer de ton. Bientôt la reine-mère ne fut plus admise au conseil qu'à certains jours et pour certaines affaires. On gardait encore avec elle les apparences du respect; mais plus de confidences, plus d'intimité: MM. de Guise avaient accaparé tout le gouvernement du royaume.

De ce moment, Catherine n'eut plus d'autre pensée que de reconquérir cette part de pouvoir dont à peine elle avait fait l'essai, mais sans laquelle elle ne pouvait plus vivre Elle renoua commerce avec le connétable, réveilla les espérances des princes de Bourbon. Trouver une occasion, un prétexte de faire sortir le connétable de Chantilly, de le ramener en cour, lui, ses fils et ses neveux, rappeler en même temps du fond de leur Béarn le roi de Navarre et le prince de Condé, tel fut désormais son espoir, le but constant de ses combinaisons.

Les finances étaient en désordre, les idées de réforme agitaient les esprits, tous les rangs de la société étaient atteints d'une inquiétude et d'un malaise qui demandaient un prompt remède. On proposa de consulter une assemblée de notables, vieil usage long-temps oublié, mais dont le feu roi avait tiré bon parti deux ans auparavant. Catherine s'empara de cette idée, et fit si bien que MM. de Guise furent à leur tour contraints de l'adopter.

L'assemblée des notables se tint à Fontainebleau. Le connétable y vint en compagnie de tous les siens et suivi d'une nombreuse escorte; mais, au grand dépit de la reine-mère, le roi de Navarre et le prince de Condé manquèrent au rendez-vous. MM. de Guise, d'abord un peu troublés de la contenance du connétable et des discours de ses neveux d'Andelot et Coligny, reprirent confiance en voyant que les princes n'arrivaient pas. Ils rendirent compte en gros de leur administration, puis l'assemblée fut congédiée; mais, avant de se séparer, on prononça le mot d'états-généraux, et la reine-mère appuya chaudement le re

tour à cet ancien moyen de gouvernement. Son avis allait soulever de vives controverses, lorsque le cardinal de Lorraine, contre l'attente de tout le monde, prit la parole pour demander, lui aussi, les états-généraux. Dès-lors il fut décidé, séance tenante, que les états seraient convoqués à Meaux dans un assez bref délai, et le roi signa sur-le-champ des lettres qui sommaient le roi de Navarre et le prince son frère de venir y siéger.

Pour la reine-mère, la nouvelle assemblée n'était qu'un moyen de poursuivre ses desseins contre MM. de Guise: elle espérait trouver à Meaux ce que Fontainebleau ne lui avait pas donné. Mais quel était le but du cardinal? On se perdait en conjectures. Les habiles supposaient qu'il méditait quelque grand coup. Après l'échauffourée d'Amboise, faute de preuves suffisantes, et surtout faute de résolution, les Guise avaient laissé le prince de Condé protester de son innocence et quitter la cour en liberté. Le cardinal, disait-on, ne pouvait se consoler de cette occasion perdue. Songeait-il à la ressaisir? pensait-il qu'appelé à prendre séance aux états, le prince n'oserait faire défaut? était-ce un piége qu'il lui tendait, une revanche qu'il se ménageait? Le bruit s'en répandit parmi les amis du prince, et des avis secrets lui en furent adressés.

Toutefois, en recevant l'ordre d'assister aux états, le roi de Navarre et son frère annoncèrent hautement l'intention d'obéir, et, peu de jours après, ils se mirent en marche; mais ils faisaient si peu de route, cheminaient à si petites journées, qu'on pouvait presque augurer que jamais ils n'arriveraient. Les émissaires dont le cardinal les avait entourés lui donnaient d'alarmantes nouvelles. De tous côtés, disaient-ils, on venait offrir aux princes des secours en hommes et en argent; leur parti grossissait à vue d'œil; rien ne les empèchait de mettre la main, s'il leur plaisait, sur quelques bonnes villes ou châteaux-forts. D'un autre côté, il était bruit de troubles dans les Cévennes et en Provence; Grenoble et Lyon paraissaient menacées d'attaques à main armée. Le maréchal de SaintAndré fut envoyé en toute hàte dans le Lyonnais, et le maréchal de Termes en Poitou, pour avoir l'œil ouvert sur les rébellions et pour les chàtier au besoin. Pendant ce temps, tous les bailliages du royaume se préparaient à l'élection des députés. Dans plus d'une province, les dispositions des esprits semblaient peu favorables à MM. de Guise; mais ceux-ci n'en concevaient point d'alarme : toute leur attention était tournée sur le voyage des princes et sur les agitations du midi.

La cour était alors à Fontainebleau. Un jour, on vint avertir le cardinal qu'un Basque, nommé Lassalgue, serviteur de M. de Condé et porteur d'un grand nombre de lettres adressées à son maître, venait d'ètre arrèté à la porte d'Étampes. Il était tombé dans les filets d'un de ses amis, un certain Bonval, agent secret de MM. de Guise. Bonval, en feignant de se laisser embaucher pour le service des princes, avait gagné sa confiance et avait appris de lui où il allait et ce qu'il portait. Aussitôt Lassalgue fut conduit en grand mystère devant le cardinal.

Au moment où la scène s'ouvre, le cardinal s'est renfermé dans son appartement, afin d'interroger lui-même le serviteur du prince de Condé.

PROLOGUE.

La scène est dans le château de Fontainebleau.

Le cabinet du cardinal de Lorraine.

Deux portes, l'une à droite, l'autre à gauche. La porte à droite est cachée par une épaisse tapisserie.

Le cardinal, debout, soulève la tapisserie et paraît prêter l'oreille à ce qui se passe dans la chambre voisine.

La porte de gauche s'ouvre. Le duc de Guise entre et referme la porte avec précaution.

LE CARDINAL DE LORRAINE, allant au-devant de son frère.

Est-elle enfin partie?

LE DUC DE GUISE.

Oui, grace à Dieu! Le roi et Marie l'ont accompagnée jusqu'au pied du perron, lui répétant à tout propos: Adieu, bonne mère! heureux voyage! grand plaisir ! Ils l'ont accablée de respects, abreuvée d'amitiés! Pour cette fois, j'espère, elle ne se plaindra pas!

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Ne pas se plaindre! Elle dira qu'on n'a d'amour pour elle que quand on lui voit les talons.

LE DUC DE GUISE.

N'importe ce qu'elle dira! Elle est partie, sa litière chemine; la voilà pour quinze jours à Chenonceaux avec ses peintres et ses tailleurs de pierre. Que Dieu l'accompagne! Nous aurons le champ libre et l'esprit en repos.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

On n'a pas remarqué mon absence?

Le Duc de Guise.

J'ai dit que vous étiez en oraison.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Mes oraisons, jusqu'à présent, ne font pas grand miracle.

LE DUC DE GUISE.

Votre homme est donc muet?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Il n'ouvre pas la bouche.

LE DUC De guise.

Et vous pensiez en firer quelque chose?

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Des complimens, des politesses. Jamais je ne croirai qu'il soit venu de si loin pour si peu. Le connétable n'a pas pris la plume pour dire à son neveu: bonne santé, et Mme de Roye pour apprendre à son gendre qu'elle est sa meilleure servante. Le drôle en sait plus long!

Faites-le parler.

LE DUC DE GUISE.

LE CARDINAL DE LORRAINE.

J'essaie.

LE DUC De guise.

Eh! mort-Dieu! prenez les bons moyens!

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Comme vous y allez!

LE DUC DE GUISE.

Est-ce votre robe qui vous fait scrupule? N'en donnez pas l'ordre. Cypierre, Brézé, ou quelque autre vous rendra cet office. Où est-il, votre homme?

Il est là.

LE CARDINAL DE LORRAINE, montrant la porte à droite.

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Monseigneur, il ne dit rien... Faut-il cheviller les escarpins?

LE CARDINAL DE LORRAINE.

Chevillez, Noël, chevillez.

LE DUC DE GUISE, riant.

Ah' vous m'en direz tant!... (Il s'incline.) Pardon, mon maître!

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