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LA REINE-MÈRE.

Quel procès, chancelier? Ils se soucient bien d'un procès! Ne disentils pas qu'ils châtieront, quoi qu'il arrive?

LE CHANCELIER.

En gagnant du temps, madame, on rend vaines bien des prophéties. LA REINE-MÈRE.

Mais comment gagner du temps avec des juges d'épée?

LE CHANCELIER.

Madame, ils y renoncent.... C'est une commission du parlement qu'on appelle.

LA REINE-MÈRE.

Ah! vous me rendez une lueur d'espoir............

LE CHANCELIER.

Par malheur, le prince a laissé commettre de bien graves imprudences....

A qui le dites-vous?

LA REINE-MÈRE.

LE CHANCELIER.

Si Dieu voulait du moins qu'il fût bien conseillé.

LA REINE-MÈRE.

Lui sera-t-il permis d'appeler ses conseils?

LE CHANCELIER.

J'en doute; mais, madame, s'il a de bons amis et si leur voix, ce que jignore, peut pénétrer dans sa prison, ils lui commanderont de s'enfermer dans un silence absolu....

Bien.

LA REINE-MÈRE.

LE CHANCELIER.

De ne reconnaître la compétence que du seul parlement en corps, les pairs siégeant ou appelés. Je n'en puis dire davantage.

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LA REINE-MÈRE.

Cela suffit. Ah! mon cher chancelier, que j'avais besoin de vos paroles! Mon courage était à bas. Si vous les aviez vus, tout à l'heure, entrer chez mon fils, l'arrogance à la bouche... Savez-vous quelle idée m'est venue dans l'esprit? Que, dans cette prison, Chavigny ou quelque archer venait de leur rendre un odieux service... Pourvu qu'il n'en soit rien!.. pourvu que ce pauvre Navarre soit lui-même en sûreté !... Rien ne m'étonnerait, chancelier; qui peut les arrêter? Ce malheureux François, ils le mènent en laisse! ils lui soufflent au cœur je ne sais quelle rage contre Condé... Tout ce qu'il faudra faire pour le perdre, il le fera... Et quand les princes seront à terre, nous y serons aussi,

croyez-moi. Vous le verrez, je m'y attends, ils me renverront à Flo

rence,

LE CHANCELIER.

Quelle idée, madame! jamais le roi.....

LA REINE-MÈRE.

Mon salut, c'est le salut des princes. Il faut que je les sauve, il le faut; et je ne vois qu'un moyen de les sauver à coup sûr, c'est de les faire évader.

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Vous tenteriez en vain... J'ose vous en prier, n'essayez pas.

Vous croyez?

LA REINE-MÈRE.

LE CHANCELIER.

C'est leur mort! leur mort certaine !

LA REINE-MÈRE.

Mais au moins, chancelier, gouvernez si bien ce procès...

LE CHANCELIER.

Madame, le prince fût-il coupable, ce qui n'est pas, j'espère, il a pour sauvegarde cette raison d'état qui défend qu'il succombe devant de tels ennemis. N'est-ce pas vous dire ce que doit faire un serviteur de la couronne...

LA REINE-MÈRE.

Ah! monsieur de L'Hospital, je l'ai souvent pensé, il n'y a que vous et moi qui aimions d'amour vrai le roi et ce pauvre royaume! Adieu. Ne m'abandonnez pas... je compte sur vous!

LE CHANCELIER.

Comptons sur Dieu, madame!

(Il s'incline. La reine-mère entre dans son appartement.)

UN HUISSIER, sortant du vestibule.

Le secrétaire du conseil, envoyé par monseigneur de Lorraine, demande à voir monsieur le chancelier.

LE CHANCELIER.

Dites à M. Robertet qu'il passe demain chez moi. A cette heure, je n'ai que faire de ses services.

(Il sort.)

FIN DU TROISIÈME ACTE.

L. VITET.

(La fin au prochain n°.)

DE LA

POLITIQUE EXTÉRIEURE

DE

LA FRANCE DEPUIS 1850.

QUATRIÈME PARTIE. '

AFFAIRES D'ITALIE JUSQU'EN FÉVRIER 1848.

Grégoire XVI mourut le 1er juin 1846. Son règne avait été long et laborieux. Au lendemain de son élection, 3 février 1831, avait éclaté la révolution de Modène. Quelques jours après, la Romagne entière était en feu. Bologne, Ancône, Pérouse, ouvraient leurs portes à l'insurrection victorieuse, et des hauteurs d'Otricoli les révolutionnaires italiens avaient pu menacer le patrimoine même de saint Pierre et jeter à la Rome des papes un premier défi. Les Autrichiens, il est vrai, (1) Voyez la troisième partie dans la livraison du 15 décembre 1848. - L'intérêt qui s'attache en ce moment aux affaires d'Italie nous décide à interrompre l'ordre de ces études sur la politique extérieure du gouvernement de juillet pour donner la partie de ce travail consacrée aux relations de la France avec l'Italie depuis 1830, qui emprunte aux circonstances présentes un caractère articulier d'opportunité.

avaient eu facilement raison des troubles de 1831: en 1833, l'occupation de Bologne par les troupes impériales et l'envoi d'une garnison française à Ancône avaient suffi à maintenir l'autorité du saint-siége; mais contre l'envahissement des idés libérales, contre le vœu des habitans des légations, revendiquant, à bon droit, les réformes promises, que pouvaient ces secours étrangers? Pour conjurer les périls chaque jour croissans, d'autres armes auraient été nécessaires. Heureux les Romains, si, avec les vertus du prêtre et la science du théologien, ils avaient pu, dans le chef que l'église venait de se donner, trouver aussi les dons de l'homme d'état et les lumières du prince temporel! Grégoire XVI, gardien vigilant des intérêts de la catholicité, et dans des temps difficiles continuateur prudent des traditions du saint-siége, fut moins heureux dans le gouvernement de ses propres états. Pontife humain, il avait été obligé, au début de son règne, d'accepter pour vengeurs de ses droits les implacables volontaires de Ravenne et de Forli. Monarque éclairé, il n'avait pas osé porter la main sur les abus de l'administration romaine. De son vivant, tout espoir avait été interdit à ses sujets d'obtenir jamais aucune de ces sages réformes alors si vivement désirées, et déjà mûries ou concédées sur d'autres points de la péninsule par des souverains plus prévoyans. Que d'embarras sa mort n'allait-elle pas léguer à son successeur! que de vieux ressentimens long-temps comprimés prêts à éclater! que d'espérances incessamment ajournées, promptes à renaître! et peut-être aussi de coupables projets, n'attendant, pour troubler de nouveau les états de l'église, que le signal d'un changement de maître!

Le moment était grave pour Rome, pour l'Italie, pour le monde entier. Ainsi le comprit la foule recueillie qui, le dimanche 14 juin au soir, vit clore et murer devant elle les portes du conclave. Ce n'était cette fois ni des intérêts des divers cardinaux, ni des rivalités ordinaires des cours de France et d'Autriche que s'entretenaient curieusement les groupes nombreux qui sillonnaient les vastes solitudes de la ville. éternelle. La préoccupation était générale; l'anxiété se lisait sur tous les visages. Les membres du sacré collége, la plupart étrangers aux affaires, nommés presque tous par le dernier pape, voudraient-ils céder aux nécessités nouvelles? sauraient-ils découvrir et choisir entre eux tous celui que les temps appelaient? L'attente ne fut pas longue. Le 17 au matin, les clôtures du conclave tombaient, et, solennellement proclamé du haut des balcons du Quirinal, le nom du cardinal Mastai enivrait tous les cœurs de joie et d'espérance. L'élection du nouveau pape fut suivie de son intronisation. Revêtu de ses habits pontificaux, assis sur un fauteuil au bout d'une des longues galeries du Quirinal, Pie IX voulut recevoir les premiers hommages du public et donner sa bénédiction à ses sujets. Cependant, au sein de cette foule avide de

contempler ses traits, s'avançait, mêlé à tous et précédé par plusieurs personnes, l'ambassadeur de France, M. Rossi. Le pape le reconnut, l'appela, et, lui prenant affectueusement les mains, lui adressa les plus bienveillantes et les plus flatteuses paroles.

Témoin plus tard d'une sinistre scène, Rome a vu M. Rossi tomber sanglant sur les marches de ce trône qu'en vain il a voulu couvrir de son corps. Le gouvernement représenté alors par M. Rossi a-t-il luimême, jusqu'au jour de sa chute, fait un instant défaut à la cause italienne libérale et modérée qu'au lendemain de son élection l'auguste pontife plaçait ainsi sous le patronage de la France? On va en juger.

Ce serait se faire une très incomplète et très fausse idée du mouvement qui, à Rome et dans le reste de l'Italie, agitait les esprits à l'avènement de Pie IX, que de le confondre, soit avec l'effervescence révolutionnaire excitée par la première invasion de nos armées républicaines, soit avec les agitations constitutionnelles de 1820, soit enfin avec les tentatives insurrectionnelles de 1831 et 1833. Il y aurait dans ce jugement autant d'injustice que de légèreté. Il est vrai, les anciennes fautes ne furent pas jusqu'au bout évitées; mais, si les dernières scènes qu'il va nous falloir raconter, si le dénoûment fatal ne rappellent que trop un désastreux passé, hâtons-nous de le dire, l'origine et les débuts furent différens et plus heureux. En 1796, les idées politiques et philosophiques du xvur siècle, franchissant pour la première fois les cimes des Alpes avec les soldats de Montenotte et d'Arcole, n'apparurent guère aux populations que comme autant de machines de guerre dirigées contre les souverains du pays, contre la noblesse et contre le clergé. Comprises à peine par les rares lecteurs de Voltaire et de Rousseau, et par les adeptes peu nombreux des économistes italiens du dernier siècle, ces modernes théories ne pénétrèrent jamais bien avant. Enseignées par de sceptiques vainqueurs, elles blessaient à la fois la conscience religieuse et la fierté nationale des vaincus. Si les classes moyennes se sont plus tard réconciliées avec ces mêmes institutions, c'est que, relevées par elles de leur condition inférieure, placées sous l'administration régulière de Murat à Naples, d'Eugène à Milan, mises directement, à Rome et à Turin, sous la tutelle éclairée des préfets de l'empire, elles comprirent à la longue le surcroît de bien-être et de considération qu'elles en pouvaient tirer. Moins sensibles à ces avantages, ou mécontentes de les devoir à la domination étrangère, les classes inférieures demeurèrent toujours ou profondément indifférentes ou sourdement hostiles au régime venu de l'étranger. Les importations constitutionnelles essayées en 1820 et 1821 ne furent pas mieux goûtées de la population, et les mouvemens insurrectionnels tentés à Bologne et à Ancône n'eurent pas, pour la même cause, plus de succès auprès du peuple des campagnes. Par leur inertie, les masses italiennes déjouèrent successi

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