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torise de son exemple produit la musique de M. Verdi et pis encore. En résumé, l'opéra du Prophète continue dignement la manière de M. Meyerbeer cette conception est digne du maître illustre qui, entre Weber et Rossini, avait su créer déjà Robert-le-Diable et les Huguenots. L'exécution du Prophète laisse beaucoup à désirer. Mme Castellan, qui représente la personne de Berthe, la fiancée de Jean, est tout-à-fait insuffisante. Sa voix pointue de soprano-sfogato, sa vocalisation aigrelette, ses intonations constamment douteuses gâtent l'effet de tous les morceaux qui lui sont confiés. M. Roger joue et chante le rôle du prophète d'une manière convenable. Il dit fort bien sa romance du second acte ainsi que le beau récitatif mesuré, encadré dans le finale du quatrième; mais il succombe au troisième acte, en chantant l'hymne de triomphe que Duprez seul aurait pu dire autrefois, tel que le compositeur l'a conçu. La création du rôle de Fidès, la mère de Jean, fait le plus grand honneur à M. Viardot : elle y est noble et touchante. Malheureusement sa voix de mezzo-soprano, un peu fatiguée et brisée en plusieurs registres, trahit quelquefois son courage. Son goût d'ailleurs n'est pas toujours irréprochable, et elle ferait bien de garder pour une meilleure occasion ces points d'orgue de clarinette qu'elle place à la fin de plusieurs morceaux. MM. Levasseur, Gueymard et Euzet sont fort bien dans le rôle des trois anabaptistes; la voix stridente de M. Gueymard produit un effet excellent dans les morceaux d'ensemble et particulièrement dans le trio bouffe du troisième acte. Les chœurs ont fait de grands progrès. La mise en scène et les décors sont magnifiques. Le divertissement du troisième acte est un tableau ravissant, qui suffirait pour faire courir à Paris tous les dilettanti de l'Europe.

Au milieu de la fièvre politique qui nous tourmente, il est consolant de voir un grand artiste consacrer une vie de loisirs et de nobles facultés à étendre les plaisirs de l'intelligence. Une nature moins forte et moins sérieuse que celle de M. Meyerbeer aurait pu s'endormir dans sa gloire acquise ou bien ne livrer à la curiosité du public que des œuvres légères, qui ne seraient point le fruit de cette méditation profonde et passionnée dont les dernières œuvres de M. Meyerbeer portent l'empreinte; mais l'auteur des Huguenots croit à la vérité de l'art, il la poursuit avec ardeur, et, pourvu qu'il la saisisse et l'étreigne, peu lui importent le temps et les soupirs qu'elle lui a coûtés. Comme M. Ingres, comme tous les artistes éminens qui ont foi dans la durée des choses vraiment belles, M. Meyerbeer se hâte lentement; il pense avec raison qu'on fait toujours assez vite quand on fait bien, et l'opéra du Prophète est un nouveau témoignage de cette ténacité puissante qui fait aujourd'hui de M. Meyerbeer le plus digne représentant de la musique dramatique en Europe.

P. SCUDO.

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.

30 avril 1849.

La quinzaine a commencé par une petite pièce parlementaire, nous voulons parler de la proposition de M. Considérant, qui demandait à l'assemblée de lui donner mille ou douze cents hectares de la forèt de Saint-Germain, un crédit qu'il laissait en blanc, plus des bâtimens d'exploitation de grandeur suffisante, le tout pour y faire l'essai d'un phalanstère. Et pourquoi faire l'essai d'un phalanstère? Afin, disait M. Considérant, qu'il fût bien entendu que la société n'a pas rejeté les plans des socialistes sans en avoir fait l'expérience. Il est vrai que M. Considérant voulait aussi loyalement que le trésor public fit l'expérience de la banque du peuple de M. Proudhon. Pauvre trésor public, que remplissent sans cesse les contribuables avec grand'peine et grand travail, et que videraient sans cesse les alchimistes du socialisme! Faciamus experimentum in animâ vili. Ces alchimistes ont tous la pierre philosophale, ils ont tous une recette pour faire de l'or; mais il faut d'abord leur en donner. C'est une vieille histoire que l'assemblée a grandement raison de ne pas vouloir recommencer.

Si M. Considérant ne réussit pas, s'il a dépensé sans fruit l'argent du trésor, il offre au trésor public et à la France une garantie et un dédommagement. On pourra mettre M. Considérant à Charenton, du consentement mème de M. Considérant. Il y a des personnes que ce plaisir peut toucher. Nous sommes persuadés que M. Passy y serait tout-à-fait insensible, et qu'il n'entend pas le payer au prix que M. Considérant l'estime.

Parlons sérieusement, car nous sommes de ceux qui croient qu'il faut traiter sérieusement le socialisme, non pas seulement parce qu'il est un danger, mais parce qu'il a l'air d'être une doctrine. M. Considérant reproche à la société de rejeter le socialisme sans l'avoir éprouvé. M. Considérant oublie deux choses, la manière dont procède le bon sens public et la manière dont se font les expériences dans ce monde. Il oublie que le bon sens public n'a pas besoin, pour juger les doctrines, de les voir à l'essai. Il les juge par la raison, et ce jugement a toujours suffi dans le triage que le monde fait des bonnes et des mauvaises théories. Il y a du matérialisme à croire que l'expérience matérielle peut seule SUPPLÉMENT.

TOME II.

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nous révéler le bien ou le mal des doctrines sociales. Oui, dans le monde matériel, l'expérience seule est souveraine; elle dit seule de quelle manière certains corps s'accordent, se combinent ensemble et font certains composés; mais, dans le monde moral, la raison décide, sans avoir besoin d'attendre les lents et douloureux effets de l'expérience. Où en serions-nous, si chaque idée fausse avait dû être éprouvée par l'humanité au prix du sang et du malheur, et si, pour reconnaître les fous, il avait toujours fallu attendre les sinistres résultats de leurs égaremens? L'humanité a payé le prix de beaucoup de folles croyances qu'elle a eues, mais il y a eu encore plus de folles idées que de folles croyances. Tous les prophètes n'ont pas été crus sur parole; toutes les fausses religions n'ont pas été mises à l'essai, et le bon sens public a dispensé le monde de faire les frais de beaucoup de chimères.

A prendre rigoureusement l'idée de M. Considérant, la discussion deviendrait chose inutile; l'expérience la remplacerait en tout et pour tout. On propose une mauvaise loi ne la discutez pas, ne l'examinez pas; faites mieux : essayez-la. La seconde chose que M. Considérant oublie, c'est que les doctrines qui sont bonnes font toutes seules leur chemin dans ce monde et n'ont pas besoin qu'on leur tende la main. Elles grandissent par la force et par la vie qui sont en elles, sans qu'il faille les mettre en serre chaude. Et voyez l'étrange conduite de nos réformateurs! Ils méprisent fort la société moderne; ils font fi de ses lois, de ses formes, de ses institutions, et ils promettent de changer et de renouveler tout cela; mais ils empruntent je ne sais combien de choses à cette société imparfaite : ils lui empruntent d'abord son argent; ils ne peuvent pas se passer du budget et de son appui. Tout est mal dans la société et dans l'administration; mais, sans l'appui de ce mal, ils ne peuvent pas faire le bien. Il faut que la société leur fournisse tout ce qu'il faut pour la détruire. Ils ne peuvent la tuer que si elle commence elle-même par se suicider. Ils le lui demandent donc d'un air naïf et convaincu qui touche beaucoup de braves gens.

En faisant sa proposition ces jours derniers, M. Considérant s'est trompé de temps. Il fallait la faire quand l'assemblée était encore jeune et ardente, quand elle croyait encore que le monde pouvait être régénéré en un tour de main; il fallait la faire surtout quand il semblait convenu qu'il fallait chercher le gouvernement en dehors des conditions ordinaires des gouvernemens. Alors le phalanstère, quoiqu'un peu vieux déjà et quoiqu'un peu trop connu, eût pu réussir il se serait trouvé des gens pour le laisser passer à titre d'essai, à l'aide du pourquoi pas? qui semblait devenu la devise des hommes d'état et des législateurs du temps. Mais, aujourd'hui que le bon sens public a repris son empire, aujourd'hui que nous sommes tous décidés à reprendre la vieille habitude de marcher la tête en haut et les pieds en bas, chose dont nous avions paru douter pendant quelque temps comme d'un préjugé, que venait faire la proposition de M. Considérant? C'était un anachronisme.

La ferme décision de s'en tenir aux conditions ordinaires des gouvernemens humains, voilà ce qui fait la force des ministres et du président. Point d'illusions, point de vaines théories; le goût de l'ordre et, comme le dit fort bien la lettre adressée par le président de la république à son cousin Napoléon Bonaparte, « à chaque jour sa tâche : la sécurité d'abord, ensuite les améliorations. » Cette lettre, quoiqu'elle soit toute privée, est un acte de gouvernement, et elle

doit devenir le programme du parti modéré dans les élections prochaines. Elle répond de la manière la plus heureuse à toutes les espérances de l'élection du 10 décembre 1848; elle les réalise et confirme l'idée salutaire et efficace que la politique suivie depuis cette élection par le gouvernement était la politique commune du président de la république et du ministère. On sait qu'avant le 29 janvier, il s'était inopinément formé dans l'assemblée je ne sais quel parti de courtisans du lendemain qui essayaient de gagner le président aux charmes de la république quasi-rouge. Ils espéraient le tenter à l'aide de cette politique qui a souvent séduit de bons esprits, et qui consiste à arriver par un parti et à gouverner par un autre. Le président a loyalement repoussé ces avances fallacieuses. Arrivé au pouvoir avec le parti modéré, ayant beaucoup donné à ce parti, c'est-à-dire lui ayant donné la popularité d'un grand nom; ayant beaucoup reçu de ce parti, c'est-à-dire en ayant reçu la signification réparatrice qu'a eue l'élection du 10 décembre, il n'a pas voulu et il ne veut pas rompre l'alliance qu'il a faite entre le bonapartisme et l'ordre. Tout au contraire, il confirme chaque jour cette alliance, et sa lettre en est un éclatant témoignage.

Depuis le 29 janvier, les diverses nuances du parti républicain ont renoncé à séduire le président, et elles s'en consolent en suscitant tous les obstacles possibles aux ministres que le président soutient avec tant de fermeté; mais un autre travail alors a commencé pour rompre l'union du parti bonapartiste et du parti modéré. On veut faire croire que le président a une arrière-politique, et qu'il attend les élections pour la mettre au jour. Cette politique serait contraire à celle qu'il a suivie jusqu'ici, et les habiles, ceux qui voudraient être dans la confidence du président, devraient commencer par répudier dans les élections tout ce qu'a fait jusqu'ici le président pour mieux approuver ce qu'on prétend qu'il veut faire plus tard. Ce sont ces finesses sans habileté que le président déconcerte par sa lettre du 10 avril.

Cette lettre fait plus : elle donne au parti bonapartiste la signification et la mission qu'il doit avoir. « Rapprocher tous les anciens partis, les réunir, les réconcilier, tel doit être le but de nos efforts. C'est la mission attachée au grand nom que nous portons, dit-il à son cousin; elle échouerait, s'il servait à diviser et non à rallier les soutiens du gouvernement. » Ces paroles expriment aussi nettement que loyalement la vocation du parti bonapartiste en France. C'est le parti d'un grand nom; mais ce grand nom est un nom d'ordre et d'organisation régulière. Si on veut faire un bonapartisme égoïste et personnel au lieu du bonapartisme conciliant et réparateur qu'a inauguré l'élection du 10 décembre; si on veut s'approprier ce grand nom et s'en faire un moyen d'intrigue et d'ambition au lieu d'en faire la devise d'un gouvernement ferme et modéré; si on veut faire du parti bonapartiste une caste avide et prétentieuse au lieu d'en faire chaque jour davantage le noyau d'un grand parti de gouvernement; si on veut enfin opposer les prétentions d'une dynastie au pouvoir national de la présidence, le président laisse à qui voudra s'en charger la responsabilité d'une politique aussi peu loyale que peu intelligente il la répudie hautement, et il déclare qu'il la combattra résolûment; et il a raison, car cette politique ne va à rien moins qu'à ruiner le bonapartisme, sous prétexte de le servir. Elle lui donne une base étroite et personnelle au lieu de lui laisser la base large et n'ationale que lui a donnée l'élection du 10 décembre. Le président a répudié la

petite politique républicaine qu'on lui offrait avant le 29 janvier; il répudie de même la petite politique bonapartiste qu'on lui offre. Il aime mieux la grande; <il« veut, comme il le dit lui-même, gouverner dans l'intérêt des masses et non -dans l'intérêt d'un parti. »>

Nous ne savons pas et nous ne voulons pas rechercher quels liens existent entre la lettre du président et le retour de M. Napoléon Bonaparte en France et sa révocation des fonctions d'ambassadeur à Madrid. Nous ne prenons de ces faits que le côté politique, et, sans vouloir juger prématurément la conduite de M. Napoléon Bonaparte, nous demandons à faire une simple remarque. Parmi les journaux de la démagogie, les uns approuvent et encouragent la conduite que semble vouloir tenir M. Napoléon Bonaparte; ils poussent à la guerre, c'est tout simple. Ils sont heureux de la querelle qui va diviser le parti bonapartiste et affaiblir ce parti, qui est devenu un des élémens du grand parti de l'ordre social. Cette tactique de quelques journaux de la démagogie n'a rien qui puisse nous étonner. D'autres sont plus sincères et peut-être plus habiles. Ils disent au public: Vous voyez! vous avez voulu constituer une dynastie ou une quasi-dynastie, et voilà que vous en êtes déjà aux escapades ambitieuses des princes du sang; voilà déjà les Condé qui jalousent les Bourbons. C'est parce qu'il était Bonaparte que M. Napoléon Bonaparte a été envoyé ambassadeur en Espagne, et c'est parce qu'il est Bonaparte qu'il se permet de revenir sans congé. - A quoi nous répondons: Oui, et, quoiqu'il soit Bonaparte, le gouvernement le destitue comme le premier venu des agens diplomatiques. Ç'a été le grand art de Louis XIV d'avoir réduit définitivement les princes du sang à la condition de sujets; ce sera, nous l'espérons bien, la force de la république de ramener aussi tout le monde à la condition de citoyen. Sous la monarchie absolue depuis Louis XIV, il y avait entre le roi et les princes du sang l'épaisseur du trône; sous la république, il y a entre le président et ses parens l'épaisseur de six millions de suffrages: la séparation n'est pas moindre. Veut-on faire aujourd'hui l'expérience de la force du nom, indépendamment des circonstances qui ont ajouté il y a quatre mois à la force de la popularité la force de l'à-propos? Veut-on savoir s'il y a toujours six millions de votes à la suite de ce nom magique, même quand il se divise, même quand il se combat, même quand il se tourne contre la société, même quand il quitte sa grande et belle signification d'ordre et d'organisation pour prendre une signification contraire? L'expérience est dangereuse à faire. Le nom de Bonaparte ne peut servir qu'à sauver la France. Il ne vaut plus s'il sert à la diviser. Voilà ce que le président a admirablement compris et pratiqué, voilà ce qui fait sa force aujourd'hui. C'était un nom il y a quatre mois, c'est un homme aujourd'hui.

Sous les auspices du nom de Bonaparte, tels que les comprend et les pratique le président, nous ne doutons pas du succès des élections. Le goût de l'ordre et le bon sens l'emporteront sur le goût de l'orgie et de la chimère politiques; mais il ne faut pas que le parti modéré croie la France sauvée s'il y a de bonnes élections, et qu'il aille se rendormir de ce sommeil dont il s'éveille en sursaut les jours de révolution. Avec de bonnes élections, la société ne sera pas perdue: rien de plus. Il faut que le parti modéré s'organise, il faut qu'il prenne l'habitude d'être toujours sur ses gardes et comme en faction, il faut qu'il comprenne bien qu'il est toujours sur la brèche. Avant février, les remparts étaient minés,

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