ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

trahit enfin par l'aigreur : la fauffe fincérité n'est qu'ofenfante, & quand elle pouroit s'imiter quelque tems, parce qu'elle ne confifte que dans des actes paffagers, on n'ateindroit jamais à la franchise qui en eft le principe, & qui eft une continuité de caractère. Elle est come la probité; plufieurs actes qui y font conformes n'en font pas la démonstration, & un feul de contraire la détruit.

Enfin, toute afectation finit par fe décèler, & l'on retombe alors au-deffous de fa valeur réèle. Tel eft regardé come un fot après, & peut-être pour avoir été pris pour un génie. On ne fe vange point à demi d'avoir été sa dupe.

Soyons donc ce que nous fomes; n'ajoutons rien à notre caractère; tâchons feulement d'en retrancher ce qui peut être incomode aux autres & dan

gereux pour nous-mêmes. Ayons le courage de nous fouftraire à la fervitude de la mode, fans paffer les bornes de la raison.

4

IL

CHAPITRE X.

Sur les Gens de Fortune.

L y a deux fortes de conditions qui ont plus de relation avec la fociété; & fur tout avec les gens du monde, qu'elles n'en avoient autrefois. Ce font les Gens de Lètres & les Gens de For tune; ce qui ne doit s'entendre que des plus diftingués d'entr'eux, les uns par leur réputation ou leurs agrémens perfonels, les autres par une opulence faftueuse: car dans tous les états il y a des chefs, un ordre mitoyen & du peuple.

Il n'y a pas encore long-tems que les Financiers ne voyoient que des protecteurs dans les gens de condition, dont ils font aujourd'hui les rivaux. La plupart des fortunes de finance du

dernier fiècle n'étoient pas affez ho nêtes pour en faire gloire, & dès-là elles en devenoient plus confidérables. Les premiers gains faifoient naître l'avarice, l'avarice augmentoit l'avidité, & ces paffions font ènemis du faste. Une habitude d'économie ne fe relâche guère, & fuffit feule, fans génie ni bonheur marqué, pour tirer des richeffes immen fes d'une médiocre fortune, & d'un travail continuel.

S'il fe trouvoit alors des gens d'a faires affez fenfés pour vouloir jouir, ils l'étoient affez pour fe borner aux comodités, aux plaifirs, à tous les avantages d'une opulence fourde; ils évitoient un éclat qui ne pouvoit qu'exciter l'envie des Grands & la haine des Petits. Si l'on fe contentoit de ce qui fait réèlement plaifir, on pafferoit pour modefte.

Ceux à qui les richeffes ne donent

que de l'orgueil, parce qu'ils n'ont pas à fe glorifier d'autre chofe, ont toujours aimé à faire parade de leur fortune; trop enyvrés de la jouiffance pour rougir des moyens, leur fafte étoit jadis le comble de la folie, du mauvais goût & de l'indécence.

Cète oftentation d'opulence eft plus comunément la manie de ces homes nouveaux qu'un coup du fort a fubitement enrichis, que de ceux qui font parvenus par dégrés. Il eft affez fingu lier que les homes tirent plus de va nité de leur bonheur que de leurs tra vaux. Ceux qui doivent tout à leur induftrie, favent combien ils ont évité, fait & réparé de fautes; ils jouiffent avec précaution, parce qu'ils ne peuvent pas s'exagérer les principes de leur fortune; au lieu que ceux qui Le trouvent tout-à-coup des êtres fi diférens d'eux-mêmes, fe regardeng

« ÀÌÀü°è¼Ó »