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P. 1068.

& toujours la même ; je penfe l'avoir montré le refte vient de la conceffion des princes, & le trouve différent felon les temps & les lieux.

Deux prélats répondirent à Pierre de Cugnieres, favoir Pierre Roger, élu archevêque de Sens, & Pierre Bertrandi, évêque d'Autun. Ils s'arrêterent long-temps à prouver que la juridiction temporelle n'eft pas incompatible avec la fpirituelle ; & que les eccléfiaftiques font capables de l'une & de l'autre. Mais ce n'étoit pas la question: il s'agiffoit de favoir s'ils l'avoient effectivement, & à quel titre. Si c'étoit par l'inftitution de Jesus-Christ, ou par la conceffion des princes; & fi les princes ne pouvoient pas révoquer ces conceflions, quand le clergé en abufoit manifeftement.

Pour établir le pouvoir des prêtres fur les chofes temporelles, l'archevêque emploie les exemples de l'ancien teftament. Melchifédec, prêtre & roi, Moïfe & Aaron, Samuel, Efdras, les rois de la famille des Maccabées. Mais ces exemples prouvent tout au plus que les deux puiffances peuvent être unies par accident en une même perfonne, ce qui n'étoit pas contefté. Pour aller plus Join, il auroit fallu prouver deux propofitions l'une, que les prêtres de l'ancienne loi euffent eu pouvoir fur le temporel comme prêtres l'autre, que Jefus-Christ eût établi fon églife fur le même plan que le gouvernement temporel des Ifraëlites. Or on ne prouvera jamais ni l'un ni l'autre ; & il est évident par toutes les écritures du nouveau teftament, & par toute la tradition des dix premiers fiecles, que le royaume de Jefus Chrift est purement fpirituel, & qu'il n'eft venu établir fur la terre que le culte du vrai Dieu & les bonnes mœurs fans rien changer au gouvernement politique des différens peuples, ni aux lois & aux coutumes qui ne regardent que les intérêts de la vie préfente.

L'archevêque prétend enfuite montrer que S. Pierre, comme vicaire de Jefus-Chrift, a exercé la puiffance de vie & de mort, en puniffant Ananias & Saphira. La réponse eft facile. Qu'un évêque par la feule parole fafle Act. v. 5. tomber mort un coupable, nous conviendrons qu'il tient de Dieu ce pouvoir: mais de tirer à conféquence ces miracles pour établir une juridiction ordinaire, c'est se moquer vifiblement des auditeurs.

L'archevêque emploie ce paffage de faint Paul ne favez-vous pas que les faints jugeront de ce monde? Comme 1.Cor. v1.2, fi, par les faints, l'apôtre n'entendoit que le clergé : au leu qu'il entend tous les fidelles & n'exclut Païens, comme il eft clair par la fuite du difcours. C'est par la même erreur que le prélat reftreint au clergé ces

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que

les

P. 1072. C.

paroles de faint Pierre: vous êtes la race choifie, le 1. Pet.. 119. facerdoce royal, la nation fainte; qui s'adreffent manifeftement à tous les fidelles. Il ne diffimule pas le motif d'intérêt qui engageoit les prélats à foutenir cette caufe en difant fi les prélats perdoient ce droit, le roi & le royaume perdroient un de leurs plus grands avantages, qui eft la fplendeur des prélats: ils deviendroient plus pauvres & plus miférables que tous les autres, puifque une grande partie de leurs revenus confiftent dans les émolumens de la justice. Ce n'étoit pas par ce motif que faint Auguftin, & les autres évêques des premiers fiecles, fe donnoient tant de peines pour terminer les différents des fidelles; auffi ne mettoient-ils pas la gloire de l'épifcopat dans les richeffes & la pompe extérieure. L'archevêque conclut que les droits une fois acquis à l'églife appartiennent à Dieu, comme les autres biens qu'elle poffede, & ne peuvent plus lui être ôtés fans facrilége.

La difpute de Pierre de Cugnieres contre les prélats ne produifit rien, & augmenta plutôt l'animofité des deux parties, qu'elle ne la diminua: enforte que les entreprifes continuerent de part & d'autre. Or je borne ici mes réflexions fur cette matiere, jufqu'à ce que la fuite de l'hiftoire m'en fourniffe de nouvelles fur les moyens que les laïques ont employés, particulièrement en France, pour reftreindre la juridiction eccléfiaftique, & la refferrer dans les bornes étroites où nous la voyons aujourd'hui.

XV.

Grecque.

Je ne vois point de pareilles conteftations dans l'églife Grecque, & j'en trouve deux raifons: l'une, que Juridiction les évêques n'y ont jamais eu ni feigneuries ni offices, de l'églife qui leur donnaffent part à la puiffance publique & au 4. Difc. n. 8. gouvernement temporel: l'autre, que l'églife Grecque ne connoiffoit point le droit nouveau qu'avoit reçu l'églife Latine, c'est-à-dire, les fauffes décrétales & les maximes établies en conféquence, comme j'ai marqué dans un autre difcours. Les Grecs connoiffoient encore moins décret de Gratien, les décrétales de Gregoire IX, & les autres compilations plus nouvelles que leur filme : tout leur droit eccléfiaftique confiftoit au de des canons de l'églife univerfelle, & autres pieces comprifes dans le recueil publié à Paris en 1661 fous le titre de Bibliotheque de l'ancien droit canonique. Leurs évêques ne jugeoient que des matieres fpirituelles, & n'impofoient que des peines de même nature, c'est-à-dire des pénitences ou des cenfures eccléfiaftiques.

Il n'en étoit pas de même en Syrie, en Egypte, &

aux autres pays de la domination des Mufulmans. Lea Chrétiens leurs fujets avoient confervé, non-feulement l'exercice de leur religion, mais encore l'observation des lois Romaines auxquelles ils étoient accoutumés depuis plufieurs fiecles; & leurs évêques, comme en étant mieux inftruits que les autres, terminoient fuivant ces lois les différents des particuliers, non-feulement en matiere fpirituelle, mais en matiere profane : du moins autant que le permettoient les infidelles leurs maîtres.

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A

RELIGIEUX.

I.

YANT parlé dans tout le cours de cette hiftoire de Origine des l'origine & du progrès de la vie religieufe, felon que religieux. les occafions s'en font préfentées, j'ai cru devoir raffem- Moines d'Ebler en un difcours mes réflexions fur ce grand fujet, & je l'ai placé au quatorzieme fiecle, où cette fainte inftitution étoit en fa plus grande décadence.

Quiconque connoît l'efprit de l'évangile, ne peut douter que la profeffion religieufe ne foit d'inftitution divine, puifqu'elle confifte effentiellement à pratiquer deux con

gypte.

feils de JESUS-CHRIST, en renonçant au mariage & aux Matth. xix. biens temporels, & embraffant la continence parfaite & 11. 21. La pauvreté. C'est ce que nous voyons exécuté par saint Antoine, faint Pacôme & les autres moines d'Egypte reconnus par l'antiquité pour les plus parfaits de tous; & qui par conféquent doivent fervir de modeles dans tous les fiecles à ceux qui voudront ramener la perfection religieufe.

Outre les vies particulieres d'un grand nombre de ces Saints, nous avons dans les œuvres de Caffien, fur-tout dans fes inftitutions, une defcription exacte de leur ma

niere de vie, que j'ai rapportée dans l'hiftoire, & qui Hift.liv.xx. renferme quatre principaux articles: la folitude, le tra- n. 3. 4. &c. vail, le jeûne & la priere. Leur folitude, d'où leur vint le nom de Moines, ne confiftoit pas feulement à fe féparer des autres hommes, & renoncer à leur fociété ; mais à s'éloigner des lieux fréquentés, & habiter des déferts. Or ces déferts n'étoient pas, comme plufieurs s'imaginent, des vastes forêts, ou d'autres terres abandonnées

que l'on pût défricher & cultiver ; c'étoit des lieux nonfeulement inhabités, mais inhabitables: des plaines immenfes de fables arides, des montagnes ftériles, de rochers & des pierres. Ils s'arrêtoient aux endroits où ils trouvoient de l'eau, & y bâtiffoient leurs cellules de rofeaux, ou d'autres matières légeres ; & pour y arriver. il falloit fouvent faire plufieurs journées de chemin dans le défert. Là, perfonne ne difputoit le terrein: il ne falloit demander à perfonne la permiffion de s'y établir; & ce ne fut que long-temps après, lorfque les moines Hift. liv. fe furent approchés jufques dans les villes, que le conXXVII. . 22. cile de Calcédoine défendit de bâtir aucun monaftere fans 10. conc. p. le confentement de l'évêque.

609.
Hift. liv. XIX.
12.25.

HI. 19.

Le travail des mains étoit regardé comme effentiel à la vie monaftique ; & ce fut principalement l'averfion du travail qui fit condamner les hérétiques Maffaliens. Les vrais Chrétiens confidéroient que, dès l'état d'innocence, Gen. 11. 15. Dieu avoit mis l'homme dans le paradis terreftre pour y travailler; & qu'après fon péché, il lui donna pour pénitence de cultiver la terre, & gagner fon pain à la fueur de fon vifage que les plus grands Saints de l'ancien tef tament avoient été pâtres & laboureurs enfin que JESUSCHRIST même avoit paffé la moitié de fa vie mortelle à un métier férieux & pénible. Car on ne voit pas que, depuis Marc. VI. 3. l'âge de douze ans jufqu'à celui de trente, il ait fait autre chofe que travailler avec faint Jofeph: d'où vient qu'on le nommoit non-feulement fils de charpentier, mais charpentier lui-même. Ainfi il nous a montré, par fon exemple, que la vocation générale de tout le genre humain est de travailler en filence, à moins que Dieu ne nous appelle à quelque fonction publique pour le fervice du prochain.

10.

Le travail de ces premiers moines tendoit principalement à deux fins, d'éviter l'oifiveté & l'ennui inféparables de la folitude, & de gagner de quoi vivre fans être à charge à perfonne. Car ils prenoient à la lettre cette 2. The. 1. parole de faint Paul: fi quelqu'un ne veut point travailler, qu'il ne mange point non plus. Ils n'y cherchoient ni glofe ni explication. Mais ils choififfoient des travaux faciles & compatibles avec la tranquillité d'efprit, comme de faire des nattes & des corbeilles, qui étoient les Hift. liv. ouvrages des moines Egyptiens. Les Syriens, felon faint Ephrem, faifoient auffi de la corde, du papier, ou de la Ephr.paran, toile. Quelques-uns même ne dédaignoient pas de tourner la meule, comme les plus méprifables efclaves. Ceux qui avoient quelques pieces de terre, les cultivoient eux-mêmes mais ils aimoient mieux les métiers que les biens en fonds, qui demandent des foins pour les faire valoir, & attirent des querelles & des procès.

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47.

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