y ont eu part; c'est pourquoi nous ferons un récit fuccinct de celles qu'ont faites les Anglais, les Allemands, les Français, les Danois, les Ruffes, les Efpagnols & les Portugais ; & nous finirons par quelques obfervations générales fur la physique, la zoologie, la botanique, la minéralogie & l'hiftoire de l'homme. Nous ajouterons enfin quelque chofe fur la poffibilité de trouver un paffage par les mers du Nord pour aller dans celle du Sud.

CHAPITRE PREMIER.

Découvertes des Anglais dans le Nord. Sous le règne de Henri VII, après la perte de toutes les provinces que les rois d'Angleterre avaient poffédées en France, & les longues guerres civiles qui avaient divifé les maisons d'York & de Lancaftre, l'Angleterre était restée dans un état extrême de foibleffe. La défiance & l'économie de Henri contribuèrent particulièrement à maintenir la tranquillité au dedans & la paix au dehors. Ce qui fut favorable au commerce, & les manufactures commencèrent à s'établir de tous côtés. Les marchands fe rendirent en foule à Londres de toutes les parties de l'Europe. Les Vénitiens & les Lombards y étaient en particulier fi nombreux, que ces derniers donnèrent leur

nom

nom à une rue de Londres. Les habitans des villes Anféatiques y firent auffi un grand commerce. La découverte de l'Amérique occupa tous les efprits & fuggéra l'idée d'entreprendre des voyages pour trouver de nouveaux pays.

I. Il y avait alors à Londres un vénitien nommé Jean Cabota ou Cabot, qui avait trois fils, Louis, Sebaftien & Sanches. Sébastien quoique très-jeune, avait fait de grands progrès dans les lettres & en particulier dans la connaissance de la fphère, c'est-à-dire, dans les fciences mathéma tiques qui ont pour objet la géographie & la navigation. La renommée de Colomb & le bruit de fes fuccès infpirèrent à Sébastien le défir d'acquérir auffi de la gloire par de fèmblables entreprises. Henri VII, en 1495 ou 1496, permit à Cabot & à fes trois fils de partir avec cinq vaiffeaux fous pavillon royal pour parcourir les mers de l'eft, de l'ouest & du nord, & s'emparer des continents & des îles appartenans aux payens & qui n'auraient point été découverts par des princes chrétiens. La treizième année du règne d'Henri VII, Jean Cabot obtint la permiffion d'aller avec fix vaiffeaux de deux cents tonneaux chacun, faire de nouvelles découvertes; il ne partit cependant qu'au commencement de mai 1497. Il n'avait alors que deux vaiffeaux frétés & approvifionés aux frais du Roi. Mais les marchands de Bristol envoyèrent Tome II.

B

avec lui trois ou quatre petits bâtimens chargés de gros draps, de bonneterie & d'autres marchandifes de peu de valeur. Il navigua quelque temps fans voir aucune terre. Son équipage commençait à murmurer; lorfqu'enfin, craignant de le voir fe mutiner, il dirigea plus au fud-oueft ; &, après avoir fait voile encore quelque temps, il découvrit le 24 juin une terre qu'il nomma Prima Vifta (Première Vue) par allufion aux circonftances où il fe trouvait alors. Les Anglais employant un mor à peu près de la même fignification, la nommèrent NewfoundLand (Terre-Neuve). D'autres auteurs difent qu'il rencontra de grandes montagnes de glace, que les jours étaient devenus plus longs, & que dans les lieux qu'il vifita il n'y avait point de glaces. Quelques-uns prétendent qu'il s'avança jusqu'au foixantième degré trente minutes latitude nord; d'au tres penfent qu'il n'alla pas plus loin que le cinquante-huitième degré même latitude. Il nous apprend lui-même qu'il ne s'éleva que jufqu'au cinquantefixième degré latitude nord, & que la côte dans cette partie s'étend à l'eft; ce qui femble peu probable, car la côte de Labrador ne court ni au cinquantefixième, ni au cinquante - huitième degré à l'eft, & la côte de Groenland eft au foixante - feptième degré & demi.

Je penferais donc que Sebaflien Cabot vit d'abord Terre-Neuve vis-à-vis du cap de Bona

Vita. Selon la relation de Pierre Martyr, Cabot nomma auffi cette terre nouvelle Baccalaos, parce qu'il trouva dans ces parages une grande quantité de gros poiffons que les habitans de ces lieux homment ainfi. Ce mot eft prononcé avec le double / efpagnol, Baccaljaos. C'est delà les que Allemands & les Hollandais ont fait leur mot Kabbéljau dont la fignification eft la même. Je préfume d'après cela que Prima Vifla, la première terre que découvrit Cabot, était la pointe de TerreNeuve, encore appelée Cape bona Vifta; & cette conjecture est confirmée par la situation de l'île Baccalao qui n'eft pas éloignée de cet endroit. Les habitans que Cabot rencontra étaient couverts de peaux d'animaux. Il vit auffi quelques cerfs & des ours blancs qui prenaient le cabelliau dans la mer. Il trouva auffi dans ces lieux des faucons noirs, des perdrix & des aigles de la même couleur. Il remarqua que les habitans avaient beaucoup de cuivre.

Ayant pris des rafraîchiffemens dans cette île, il fit voile vers le fud-oueft à-peu-près à la même latitude que le détroit de Gibtaltar, & à la même longitude que l'île de Cuba. Suivant cette remarque de Pierre Martyr, Sébastien Cabot doit avoir été auffi loin que la baye de Chesapeak en Virginie. Il fut obligé, faute de provifions, de fonger à fon retour; il emmena avec lui trois

habitans de Baccalao ou Terre-Neuve; mais comme on faifait alors en Angleterre de grands préparatifs pour une guerre contre l'Ecoffe, il ne lui parut pas probable qu'on fe déterminât à tirer aucun parti de fes découvertes : il entra en conféquence au fervice de l'Espagne où il fut fait pilote-mayor, grand pilote. Il reconnut en cette qualité la côte du Bréfil & la rivière de la Plata. Il entreprit enfuite quelques autres voyages pour l'Espagne. Il y eut auffi un Sébastien Cabot, élevé au grade de grand pilote d'Angleterre, par un ordre d'Edouard VI, en 1549, avec 166 fterlings 13 fchellins 4 fols d'appointemens. Mais fi c'eft le même que celui dont nous parlons, il devait être alors très-âgé.

II. Nous ne voyons pas que depuis ce temps, fous les règnes de Henri VII & de Henri VIII, on ait entrepris aucun grand voyage au Nord. L'avarice du premier l'éloignait de toute nouvelle entreprise; & Sébaflien Cabot, quoiqu'il eût découvert une grande étendue de terre en s'élevant depuis le cinquante-fixiéme jufqu'au trente-fixième degré de latitude nord, n'avait rapporté en Angleterre de fa première expédition, ni or, ni argent, feuls objets qui déterminaient alors à entreprendre des voyages de découvertes. Henri VIII avec un caractère voluptueux, cruel & violent, n'était pas fait pour encourager les navigateurs instruits à