페이지 이미지
PDF
ePub

fur un pied respectable, ce qui l'a exposée aux juftes plaintes de fes voifins, & l'a mife dans la néceffité de dépendre entièrement de la protection de puiffances qui pourraient, fi elles n'étaient pas douées de la plus grande magnanimité, s'emparer des meilleures & des plus importantes poffeffions de la république. Une pareille conduite a totalement détruit dans les efprits toute inclination pour les grandes entreprifes & pour tout ce qui eft utile à la patrie. On ne doit donc pas attendre de la part d'un tel peuple de nouvelles découvertes. Peut-être à la vérité en refte-t-il peu à faire dans l'hémisphère Nord.

CHAPITRE II I.

Des Découvertes faites dans le Nord
par les Français.

LA découverte de l'Amérique par les Espagnols, & celle de la route des Indes Orientales par le cap de Bonne-Efpérance due aux Portugais, paraiffent ne pas avoir fait fur les Français un affez puiffant effet pour les engager à de femblables entreprises. Une ombre de fauffe grandeur avait fafciné les yeux des rois & de la nobleffe de ce

royaume. La couronne de Naples & le duché de Milan étaient le phantôme trompeur qui remplif fait leur imagination. La France prodigua, pour conquérir ces contrées qui lui échappèrent enfin l'une & l'autre, d'immenses trésors & le fang de fes héros. Elle négligea fa marine, & l'efprit romanefque de chevalerie que les Français acquirent dans ces guerres, leur infpira le plus profond mépris pour tout ce qui était relatif au commerce; jufqu'à ce qu'enfin, Henri IV & Sully, fon ami; Louis XIV & Colbert, fon miniftre, relevèrent de toute leur puiffance le commerce & les manufactures, & donnèrent aux marchands cette confidération qu'ils méritent fi bien comme membres utiles de la fociété, & comme caufes de fa richeffe. Les préjugés dont nous avons parlé, empêchèrent principalement les Français de donner aux voyages de découvertes l'attention qu'ils méritent. Tout le nord de l'Amérique & le Bréfil feraient tombés fous la puiffance de la France, fi les rois & leurs miniftres euffent mieux appuyé les premiers voyages, s'ils euffent donné de plus grands encouragemens à la population de ces nouvelles contrées, & porté en général fur tout ce qui intéresse la navigation, plus d'attention qu'ils ne le firent alors. Il n'eft donc pas furprenant la France ait contribué pour très-peu aux découvertes faites dans le Nord..

que

I.

I. Depuis la découverte de Terre-Neuve par Sébastien Cabot en 1496, les Européens avaient commencé à tirer avantage de la terre de Baccalaos & de la grande quantité de poiffon qu'on trouve dans le voifinage de cette terre. En l'année 1502, quelques marchands de Bristol avaient déjà obtenu des priviléges pour y établir des colonies. Dès l'année 1504, les Bifcayens, les Normands & les Bretons des provinces de Normandie & de Bretagne, fréquentaient la côte du fud pour y faire la pêche. On fuppofe même, avec quelque fondement, que l'île du cap Breton fituée près du continent, a pris son nom de ces Bretons. En 1506, Jean Denis partit d'Honfleur pour Terre-Neuve, avec son pilote Camart de Rouen. On dit qu'il leva & publia le premier la carte des côtes de cette contrée. En 1508, un navigateur, nommé Thomas Aubert, (felon Ramufio, Vol. III, pag. 423; mais l'abbé Prévôt dans fon Hiftoire des Voyages l'appelle Hubert) partit de Dieppe pour Terre-Neuve, fur un vaiffeau appelé la Penfée, & amena delà à Paris le premier fauvage qu'on eût encore vu de ce pays. Le vaiffeau appartenair au père du capitaine, Jean Ango, vicomte de Dieppe. Tout cela eft plutôt une faible notion qu'une relation circonftanciée des contrées & des lieux découverts par les Français; mais il ne nous en eft parvenu Tome II.

[ocr errors]

que ce que nous venons de dire, & cela feulement par l'ouvrage de Ramufio.

II. Le premier qui ait fait, pour les Français, un voyage dont l'histoire nous foit parvenue, fut Jean Verazzani, Florentin au fervice de François premier; il partit avec quatre vaisseaux pour croifer contre les Efpagnols, mais il fut forcé par ne tempête d'entrer, avec deux de fes vaifleaux, Normandie & le Dauphin, dans un port de la Bretagne. Il continua enfuite à croifer avec fuccès contre les Efpagnols; & réfolut enfin d'entreprendre un voyage avec le Dauphin, fans autre motif que de découvrir de nouvelles

contrées.

Le 17 de janvier 1524, Verazzani partit de quelques rochers inhabités près de Madère (a), & fit cinq cents lieues à l'oueft en vingt-cinq jours. Après avoir effuyé une violente tempête, il continua fon voyage pendant encore vingt-cinq jours; dans cet efpace de temps il fit plus de quatre cents lieues & vit alors devant lui une terre basse où il apperçut plufieurs feux; mais la crainte l'empêchant de prendre terre, il fit encore cinquante lieues au fud le long de la

(a) Ces rochers inhabités fon appelés par les Portugais Ilhas-Defertas; les Anglais les nomment Deferters Défertes. Ils font fitués à l'eft de Madère.

côte fans trouver aucun port. Il retourna donc au nord; cependant n'étant pas plus heureux, qu'auparavant, il mouilla en pleine mer & envoya fa chaloupe au rivage. Il parut un grand nombre d'habitans fur la côte qui fuyaient & re venaient, montrant tout-à-la-fois de l'étonnemen de la joie & de la crainte. Les fignes que les Français en engagèrent quelques-uns à s'arre ter, & s'étant peu-à-peu remis de leur frayeur, ils apportèrent enfin des provifions; ces habitans étaient nus, mais ils portaient des tabliers de belles fourrures & des faifceaux de plumes fur la tête. Leur taille était belle, leurs yeux grands & noirs; ils avaient les cheveux noirs, longs & unis; ils étaient d'une grande agilité. Leur pays était coupé çà & là par de petites rivières. Nos navigateurs virent de belles plaines & de vastes forêts, ainfi que des bofquets de cyprès, de lauriers, de palmiers, & d'autres arbres inconnus en Eu rope. Il eft difficile de déterminer où Verazzani prit terre d'abord. Mais il paraîtrait que ce fut à la côte d'Amérique, dans cette partie de la Géorgie, où eft actuellement la ville de Savannah, & qu'enfuite il dirigea au fud jufqu'au trentième degré de latitude. Ce qui m'engage à penfer ainft, c'eft que Verazzani dit avoir vu des palmiers fur la terre où il defcendit; ces arbres, autant que je puis le favoir, ne croiffent

« 이전계속 »