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On croit que Verazzani entreprit un autre voyage à cette contrée nouvellement découverte (la Nouvelle-France), mais il eft abfolument impoffible de dire en quelle année. Cependant Ramufio nous affure pofitivement que lorfque Verazzani ́prit terre, il fut défait avec ceux qui étaient avec lui, & dévoré par les fauvages, à la vue du refte de l'équipage qui était resté à bord du vaiffeau fans pouvoir leur porter le moindre fecours. Avant de terminer cet article je demanderai la permiffion d'ajouter deux petites obfervations; la première regarde la ressemblance des destinées de Verazzani & de l'immortel Cook; tous les deux ont été tués, mis en pièces & dévorés par des peuples groffiers & barbares; tous les deux poffédaient une grande connaissance de la navigation, tous les deux étaient doués du courage le plus intrépide & de la plus grande constance. La feconde observation a déjà eté faite par d'autres avant moi, mais elle eft auffi vraie que remarquable; c'eft que les trois plus puiffans royaumes de l'Europe à cette époque fe fervirent chacun d'un Italien pour diriger les ges de découvertes dont ils faifaient les frais. L'Espagne employa Chriftophe Colomb, génois; l'Angleterre Sébastien Cabot, vénitien; & la France. Verazzani, florentin. Ce qui prouve fuffisamment qu'aucune nation n'égalait alors les Italiens dans

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les connaissances qu'exige la marine. Mais malgré leurs connaiffances maritimes & leur expérience, les Italiens n'ont pu acquérir un pouce de terre pour eux-mêmes dans l'Amérique. Toutes les découvertes qu'ils firent tombèrent en partage à celle de ces nations qui les avait envoyés faire ces voyages. L'efprit mercantille & mefquin des républiques de Venife, de Genes, de Florence, de Pife & des autres états libres, dont plufieurs avaient déjà paffé fous le joug d'un maître leurs difputes perpétuelles & les petites guerres qu'ils fe faifaient entr'eux; & leurs vues courtes & intéreffées, les empêchèrent de voir les avantages qui devaient résulter de fi grandes entreprises; les attachèrent à des détails puérils qui les rendirent incapables d'entreprendre des expéditions de la plus grande importance pour l'état, quoiqu'il fe trouvât chez eux des hommes qui avaient l'efprit, non-feulement affez vafte pour concevoir de pareils projets, mais encore tout le courage néceffaire pour les mettre à exécution.

III. Les découvertes faites par Verazzani n'ayant apporté que très-peu ou même point du tout d'avantages à la France, on abandonna pendant quelque temps l'idée de pareils voyages. Mais en 1534, l'amiral Philippe Chabot représenta au roi combien il ferait avantageux d'établir une colo

nie dans une contrée de laquelle les Espagnols tiraient tant de richeffes; on préfenta donc Jacques Cartier de Saint-Malo au roi qui agréa fes projets. Le zo d'avril, il partit de Saint-Malo, avec deux vaiffeaux & cent vingt-deux hommes, & le 10 de mai, il vit Bona-Vista fur l'île de Terre-Neuve. La terre était encore couverte de neige, & il y avait une grande quantité de glace vers le rivage. Six degrés plus loin au fud ou au fud-sud-est, il vit un havre auquel il donna le nom de Sainte-Catherine. Il retourna enfuite au nord, & près de l'île des Oifeaux à la distance de quatorze lieues de Terre-Neuve, il vit un grand ours blanc. Enfuite il fit prefque le tour de Terre-Neuve, où il trouva des havres fûrs, mais un mauvais fol. Les habitans étaient d'une affez grande taille, affez bien faits; leurs cheveux étaient liés fur le fommet de la tête, & ils portaient des plumes pour l'ornement de cette partie. Nos voyageurs s'approchèrent du continent, & s'arrêtèrent dans une baie profonde. Ils y fouffrirent de grandes chaleurs & ils la nommèrent à cause de cela, la Baie des Chaleurs. Elle eft auffi арpelée dans quelques anciennes cartes Baie-Efpagnole. On dit en effet que Velasco avait été dans cette contrée avant Cartier, & que n'y trouvant ni métaux, ni hommes, il s'écria aca nada,

c'est-à-dire, il n'y a rien ici (a); expreffion dont on forma le mot Canada, nom fous lequel cette contrée fut connue dans la fuite. Il y avait dans la baie des Chaleurs un grand nombre de phoques. Après que Cartier eut examiné les côtes de la baie de Saint-Laurent, il remit à la voile le 15 d'août & arriva le 5 septembre à Saint-Malo.

IV. Cartier donna la relation de fon voyage,

(a) L'étymologie du nom de Canada prise de l'espagnol Aca-nada ayant été fi fouvent rapportée, je ne puis m'empêcher de propofer quelques objections qui doivent bien l'affaiblir. Le mot efpagnol qui répond à, ici, n'eft pas aca, mais aqui; & la formation de Canada par Aquinada paraît forcée & peu naturelle. On ne peut nier cependant que plufieurs perfonnes ne tirent ce mot Canada de ceux-là. Dans les anciennes cartes nous trouvons fouvent ca da nada ou promontorium nihili. Il paraît cependant par un vocabulaire Canadien annexé à l'édition originale du fecond voyage de Jacques Cartier, Paris, 1545, qu'un affemblage de maifons ou d'habitations, c'est-à-dire, une ville, était appelé par les naturels, Canada. Cartier dit, « ils appellent une ville Canada ». Et il paraît fort naturel que lorfque les Français demandèrent à ces habitans comment ils appelaient un tel lieu comme un assemblage de maisons ou de huttes, ces gens leur aient répondu Canada ou une ville. Alors les Français fe feront imaginés que c'était le nom de cette contrée, & delà toute cette région aura pris le nom de Canada,

ce qui engagea le vice-amiral, Charles de Mouy, fieur de la Meilleraye, à lui obtenir du roi plus d'autorité, & trois vaiffeaux bien équipés & bien armés. Le 6 de mai 1535, Cartier se rendit avec tout fon équipage à la cathédrale de Saint-Malo, pour demander à Dieu qu'il bénît leur entreprise; ils reçurent en même temps la bénédiction de l'évêque. Cartier mit en mer le 19, ayant à bord nombre de jeunes gens de diftinction qui defiraient faire fortune fous lui. Les vaiffeaux, furent bientôt

difperfés par une tempête. Le 26 de juin, ils fe trouvèrent tous ensemble à leur rendez-vous général dans la baie de Terre-Neuve. Le premier d'août, le capitaine fut obligé par une autre tempête de relâcher dans le port de Saint-Nicolas à la côte nord de l'embouchure de la rivière Saint-Laurent, qui eft au quarante-neuvième degré vingt-cinq minutes de latitude nord. Le 10, Cartier avança encore dans la grande baie qu'il nomma baie de Saint-Laurent, & quoique la rivière qui fe jète dans cette baie ait été d'abord appelée rivière de Canada, on a changé par la fuite du temps, ce nom en celui de rivière de Saint-Laurent, d'après la baie ou le golfe de ce nom. Le nom de Saint-Laurent fut auffi donné d'abord à une paffe feulement, fituée entre l'île d'Anticofti & la côte nord de la Terre - Ferme; dans la fuite ce nom s'eft étendu à toute cette

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