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tin que je converfois avec un Perfan, ce jeune François âgé d'environ vingtdeux ans, vint me trouver chez moi, pour me dire, que depuis qu'il m'avoit entendu difcourir de la Religion, il trouvoit les dogmes de ma croiance fi juftes & fi raifonnables, qu'il vouloit abfolument fe faire Catholique Romain. J'éxaminai à fond fi quelques vûes humaines n'étoient pas le premier mobile de cette démarche ; mais reconnoiffant que c'étoit l'ouvrage feul de l'Efprit de Dieu, je n'eus garde de m'oppofer au zele de ce nouveau converti; je l'entretins au contraire dans fes bons fentimens, jufqu'au mois d'Août 1715. qu'il fr fon abjuration à la Haye, dans la Chapelle de M. le Marquis de Châteauneuf,notre Ambaffadeur près de L. H.P. Meffieurs les Etats Généraux des fept Provinces - Unies,qui lui donna un paffeport pour venir en France, où i eft préfentement auprès de M. fon pere.

Pendant que ces chofes fe paffoient, M. le Marquis de Langallerie, aiant entendu parler de moi dans Amfterdam, où ce Seigneur s'étoit retiré depuis fon retour de Pologne, me fit

propofer par un Miniftre qui me rendoit fouvent vifite, d'agiter en fa préfence quelques points de Controverse. Ce que je négligeai d'abord, pour des raifons délicates dont mon lecteur peut bien fe douter, & qu'il connoîtra mieux par la fuite.

Tout le monde connoît l'illuftre maison en France de Meffire Philippes de Gentil, Marquis de Langallerie Chevalier Seigneur de la Motte-Charante, Tonne-boutonne Biron; Lieutenant de Roy, & premier Baron de la Province de Xaintonges, Lieutenant Général des Armées de Sa Majefté Très-Chrétienne, Chevalier de l'Ordre Militaire de faint Louis, & enfuite Général de Cavalerie de Sa Majesté Impériale; Médiateur approuvé entre fadite Majefté Impériale le Duc de Mantone; felts Maréchal du Roy Auguste de Pologne; Général de Cavalerie des Troupes Etrangeres de Lithuanie; Colonel de deux Regimens au Grand Duché de Lithuanie, Administrateur pour ledit Roy Augufte de Pologne de la Terre de Kazogne, &c.

Il n'y a perfonne qui ne fçache que ce fameux Officier, après avoir servi La France trente-deux campagnes, par

un nombre infini d'actions éclatantes, eut le malheur de s'attirer une fâcheufe difgrace, qui l'obligea de fortir pour un temps de fa patrie, & le contraignit enfin à fe jetter dans le fervice étranger, lorfqu'il vit que tout étoit défefperé pour lui.

Heureux fi ce brave cavalier s'en fût tenu à cette feule action digne de blâme: mais le diable qui fe fert de

profita du moment que M. le Marquis de Langallerie étoit dans les païs empeftez de l'héréfie, pour porter ce Gentilhomme à quitter la Religion Catholique Romaine, & le précipiter par cette fatale démarche dans les ténébres de l'erreur. Ce fut un Dimanche 19. fuillet 1711. que ce Général fe trouvant à Francfort fur l'Oder dans le Marquifat de Brandebourg, y fit pour la premiere fois profeffion publique de la Religion Prétendue

Réformée. «

M. le Marquis de Langallerie, piqué

a Cette ville de Francfort fur l'Oder dont nous parlons ici, eft renommée par la célébre Univerfité que le Marquis de Brandebourg Joachim I. y fonda l'an 1506. Mais Joachim 11. lui fit tort quand il établit dans cette ville l'an 138. la Religion Proteftante Prétendue Réformée. Francfort eft fur les frontieres de la Pologne, de la Silefie, & de la Luface.

de ce que je ne l'avois point été voir comme il m'en avoit fait prier, s'informa de mes habitudes dans la ville, & lorfqu'il fçut que j'allois affez fouvent chez les Dames dont j'ai ci-devant parlé, il m'y vint trouver une après-midi que j'y prenois le thé, felon la coûtume du païs. Nous nous témoignâmes ce Gentilhomme & moi de grandes civilitez réciproques, après lefquelles il me fit de petits reproches fort obligeans fur ce que j'avois négligé fa connoiffance; que cependant il paffoit par deffus ces formalitez pour me venir chercher lui-même, dans le deflein, difoit-il, d'entrer en controverse avec moi.

Une pareille propofition ne laiffa point que de me furprendre & même de m'inquieter beaucoup. Je prévoiois où tout ceci nous alloit conduire, & Féclat q'une telle difcuffion feroit parmi Meffieurs les François réfugiez qui me portoient déja une haine mortelle. Je repréfentai donc à M. de Langallerie, que j'étois un fimple Laïque, voiageur curieux, qui ne portois point avec moi la qualité de Millionnaire; que fi fa confcience lui reprochoit la lâcheté qu'il avoit eu de re

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noncer la Religion Catholique Romaine, il trouveroit quand il le voudroit, une infinité d'autres perfonnes plus éclairées qui le remettroient indubita blement dans la bonne voye, & lui feroient voir à découvert l'énormité du fcandale qu'il avoit caufé à l'Eglife. Mais toutes mes remontrances furent inutiles, & M. de Langallerie perfifth toûjours à me dire qu'il vouloit fe battre avec moi & non avec d'autres. Je lui fis réponse que, puifqu'il m'étoit abfolument impoffible de reculer davantage, j'acceprois volontiers fon défi, à condition néanmoins que notre controverfe fe traiteroit de bonne foi & par écrit ; que ce feroit le für moien de pouvoir plus facilement nous entendre, & que par là nous éviterions les criailleries qui font inféparables de pareilles difputes, lefquelles pour l'ordinaire n'aboutiffent qu'à s'épaumoner fans réfoudre en aucunes. manieres les difficultez propofées.

J'ajoutai outre cela que je le croiois trop homme d'honneur pour m'imaginer qu'il vouloit entamer une fem blable difcuffion, plûtôt par un fimple motif de curiofité fur ma capaci❤ té, que dans le véritable deffein de ré

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