ARTICLE XIV.

Antiquité & Primauté de la Religion Catholique Romaine,

J P

E ne prétens point dans cet article apporter de nouvelles preuves, pour foutenir l'antiquité & la primauté de la Religion Catholique Romaine: ce que j'ai dit jufqu'à préfent doit fuffice pour en convaincre les plus incrédules. C'eft pourquoi je ne m'attacherai qu'à répondre ici à plufieurs objections que les hérétiques font contre nous pour combattre l'ancienneté de notre croiance: ce que je réfoudrai en peu de mots, après avoir expliqué la raifon laquelle l'on donne le titre d'EGLISE ROMAINE, à la Religion Chrétienne Catholique.

pour

Les Apôtres après la mort de JESUSCHRIST, s'étant difperfez dans le monde pour prêcher le faint Evangile, faint Sermon 80. Pierre, faint Paul, avec d'autres Difcich. 3. pag. ples vinrent à Rome, & y formerent tion du R. P. une Eglife, étant bien jufte, dit le Pape Quefnel, in faint Leon, que cette ville qui avoit été la

336. de l'édi

quarto.

maitreffe infolente de l'erreur & de l'idolâtrie, devint l'humble disciple de la vérité le centre de la Religion Chrétienne.

Les Empereurs étoient pours lors dans l'aveuglement du Paganifme, ce qui dura encore environ 300 ans: mais vers le quatrieme fiecle, Dieu prenant compaffion des maux que l'on faifoit fouffrir à fa chere époufe, donna à l'Empire un Prince Chrétien, en la perfonne du grand Conftantina, premier du nom.

Rome jufqu'alors avoit toûjours été regardée avec un très-grand refpect par toutes les nations de la terre. La gloire de fa puiflance étoit parvenue à un fi haut degré, qu'au feul nom de Rome, tout l'Univers trembloit. C'eft pourquoi l'Empereur Conftantin voulant faire honneur à l'Eglise Chrétienne, &

a Conftantin allant combattre le tyran Maxence vit dans le ciel une Croix lumineufe, autour de laquelle étoient ces mots Grecs : ἐν τούτω νίκα ( vainc en ce figne.) L'Empereur ne comprit point d'abord ce que fignifioit ce miracle; mais la nuit fuivante JESUS CHRIST lui apparut & lui commanda d'arborer dans fes drapeaux le même figne qu'il avoit vû le jour précedent. Conftantin obeit, & par la fuite fes victoires furent fi nombreuses, que cet Empereur fit élever fa Statue dans Rome, tenant dans fa main le figne facré de la Croix. Il fit outre cela publier plufieurs Edits en faveur du Chriftianisme, fit bâtir quantité d'Eglifes magnifiques, & mourut enfuite comblé de gloire & de triomphes le 22. May de l'an 337. Saint Jule premier tenoit pour lors le Siege à Rome,

mettre la Religion Catholique en répu tation, cet Empereur abandonna Rome, fans néanmoins fe dépouiller de fes droits fur l'Italie. Il fe retira en Orient où par fes ordres la ville de Conftanti nople fut bâtie,& enfin il transfera dans cette fameufe Cité le fiege de l'Empire Romain, confervant toûjours fa fouveraineté fur tout l'Occident, malgré ce qu'en ont pu écrire de contraire certains hiftoriens ".

Les Papes ou Evêques de Rome commencerent pour lors à s'attribuer plus d'autorité qu'auparavant, ce qu'ils ont depuis tous les jours augmenté. Les Evêques de la Chrétienté, qui avoient quelque grace à demander à l'Empereur pour leurs Eglifes, s'adreffoient quelquefois au Pape, comme celui qui étoit

a Certains Canoniftes modernes fe font avifez pat une flaterie digne de leur fervile attachement pour la Cour de Rome, d'avancer que l'Empereur Conftantin premier avoit fait une donation entiere de Rome & de tout l'Empire d'Occident, en faveur du Pape faint Silveftre premier. Ces docteurs Ultramontains rapportent à ce fujet une hiftoire auffi fabuleuse qu'impertinente; mais la fauffeté de cette impofture fe prouve par les erreurs groffieres de leurs anachronifmes, & par les ignorances manifeftes dont ils ont remplis leurs contes apocryphes. Ainfi il eft aisé devoir que le but de ces flateurs n'a été que de diminuer au. tant qu'ils ont pu la grandeur des bienfaits que les Evêques de Rome ont reçus de nos Rois de France, & d'engager par là les Papes à en avoir moins de reconnoiffance,

ordinairement

ordinairement bien venu ou mieux connu, & favorablement écouté à la Cour du Prince. D'abord qu'il s'élevoit quelque fchifme, toute la catholicité avoit recours le plus fouvent à l'Evêque de Rome, pour le prier d'appaifer ce trouble, foit par l'autorité de l'Empereur, lorfque la chofe étoit de peu de conféquence; foit en obtenant de l'Empereur même la permiffion & la convocation d'un Concile.

Rome étant la premiere Ville de la Chrétienté, il étoit bien jufte que fon Evêque tînt le premier rang parmi ses Confreres dans cette fainte Aflemblée; & qu'ayant la faveur ou le pouvoir du Prince en main, tous les autres Evêques s'en rapportaffent au Pape pour l'execution fpirituelle des faints Canons du facré Concile.

Les Rois de France dans la fuite, pleins de zele pour la gloire de la Religion Chrétienne Catholique, ajoûterent tous les jours quelque nouveau luftre à l'honneur qu'ils rendoient à l'Evêque de Rome. On a même vû Pepin “,

a Pepin mourut le 24. Septembre l'an 768. âgé de 54 ans, fous le Pontificat du Pape Efticnne IV, dư

nom.

R

Charlemagne, & Louis premier du nom, dit le Débonnaire & déclarer plufieurs fois la guerre aux Lombards, peuples de l'Italie, ennemis jurez de la foi, & après les avoir entierement fubjuguez, ces fameux conquerans offrirent & confacrerent à Dieu les riches dépouilles de leurs victoires, ce qui mérita à nos facrez Monarques le titre glorieux de RoiS TRES - CHRETIENS.

Les Papes furent mis alors en poffeffion des biens temporels de l'Eglife, & du patrimoine de la Chaire de faint Pierre. Les trésors d'aumônes & de charité le trouverent confiez à leur prudente difcretion, afin qu'ils puffent, comme de fidels œconomes, fournir fobrement aux dépenfes néceffaires pour le foutien de leur dignité, & fubvenir aux befoins preffans des pauvres, fuivant les véritables intentions de leurs libéraux fondateurs.Louanges éternelles au très-haut fi cela cela s'execute ainfi.

Enfin, presque toutes les puiffances

a Charlemagne mourut à Aix-la-Chapelle, le 28. Janvier l'an 14. fous le Pontificat du Pape Leon

III.

b Louis le Débonnaire mourut à Ingelheim prés Mayence, le 20. Juin l'an 840. fous le Pontificat du Pape Gregoire I V.