mente à mesure que les vents fe ren forcent; ce qui arrive quelquefois fi violemment, que la Digue venant a cre ver, la mer engloutit tout ce qu'elle rencontre, jufqu'à ce que les peuples, qui font d'abord avertis de ce malheur par le Tocfin, que l'on fonne de tous les côtez, ayent accouru pour reboucher la bréche avec de grands voiles de navires & des boulets de canon, qu'ils foûtiennent pendant que l'on enfonce de nouvelles piéces de bois. Lorsque la tourmente eft finie, cha cun s'en retourne chez foi, pour remettre fon terrain à sec › au moyen de certains moulins à vent, dont l'invention eft d'autant plus admirable, qu'en moins de deux fois vingtquatre heures, une piéce d'eau de dix lieues de circuit, & de vingt pieds de profondeur, remontera dans fon lit, & paffera par deffus les Digues, pour rentrer dans l'Ocean. Voilà dequoi j'ai été moi-même témoin oculaire à trois lieuës de Medemblijck; la Digue ayant percée fous mes pieds, proche de Schagen, qui eft a C'eft un François qui par fon grand génie rendu ce fignalé fervice. à. la République. un bourg parfaitement beau, fitué directement à la pointe de la NortHollande. Le défordre fut trés-confi derable ; car comme c'est un territoire des plus gras de la Province, une infinité prodigieufe de beftiaux perirent, avant qu'on eût pû remedier & s'opposer à la rapidité du torrent, qui renverfoit & entraînoit tout après lui. Quoique l'allarme fût générale, dans le païs, j'eus néanmoins affez de bonheur pour trouver une petite Barque qui me porta par Honts-boss à Alckemaer, où je me fauvai heureufement. Cette magnifique ville, qui eft bâtie fur le bord du grand fac de Schermer, eft fans contrédit une des plus agréables & des plus fortes places, non-feulement de la Hollande, mais encore de tous les Païs-Bas. La beauté des maifons & la propreté des places publiques, jointes aux promenades enchantées d'un bois de hautefutaye, qui fe rencontre aux portes, font de ce lieu un paradis terreftre, fi délicieux, que les voyageurs n'en fortent qu'avec tous les regrets imaginables il me fallut cependant quitter ces aimables champs élifées, aprés y : avoir féjourné trois jours, pour reprendre la route d'Amfterdam, par la petite ville de Beverwyck, où je m'arrêtai trois heures chez un riche Marchand, à admirer fon cabinet curieux, autant ineftimable par les beaux morceaux rates & antiques qui s'y trouvent, que précieux par la quantité infinie de Tableaux des plus fameux Maîtres de Flandre & d'Italie. Enfuite traverfant le village de Sardam, où fe bâtiffent ordinairement les gros vaiffeaux de la Compagnie des Indes Orientales, je paflai fous les épouvantables Eclufes de la Digue, & je rentrai enfin dans le port d'Am fterdam le huitième jour que j'en étois forti. Monfieur B*** Miniftre › que j'a vois rencontré au village & château d'Egmondt, en la compagnie duquel j'étois revenu d'Alckemaer, me priasi gracieufement d'aller foupper chez lui, que me croyant obligé de répondre à fon honnêteté, je me fis defcendre devant la porte de fon logis, où je fus reçû d'une maniére des plus polies. Mon Lecteur peut bien s'imaginer que la converfation roula fur les matiéres Ecclefiaftiques, & que nos fentimens de part & d'autre furent foûtenus avec d'autant plus de vigueur, qu'ayant à faire à un Sophiste habile & rufé, il me falloit être dans une continuelle attention, pour prendre garde à ne lui donner aucune prife fur moi. J'avois pour armes la Sainte Ecriture, que je ne perdois jamais de vûë ; & mon Miniftre captieux deffendoit fans cefle fon retranchement par un diftin gua, qu'il plaçoit & faifoit venir à toutes mes attaques; mais laffé enfia de tant de fubtilitées fcholaftiques, je, dis hardiment à mon Antagoniste, qu'une Religion fondée fur la clarté de la parole de Dieu, n'appuyoit pas la folidité de fes dogmes fur le foible faux-fuyant des diftinctions; que dans notre préfente difpute, il ne s'agif foit point de queftions problématiques, dont l'embarras des fyftêmes exige fouvent le fecours du diftinguo, qu'au contraire, JESUS-CHRIST ayant dit par exemple, ceci eft mon Corps, ceci eft mon Sang, l'intention de ce Divin Sauveur étoit que l'on interprétat fes paroles réellement & non en figure, parce qu'autrement le Fils de Dieu auroit dit: ceci eft la figure de mon Corps, afin que nous ne nous y trompaffions pas. 13. 1. Tim. ch.4. Titte ch. 1. chap. 5. chap. 1. J'ajoutai de plus, que je voyois l'Eglife Catholique Romaine conferer à fes enfans quatre Sacremens, clairement diftinguez dans la Sainte Ecriture, qui étoient néanmoins tournez en ridicule chez Meffieurs lesPrétendusChap. 6.8. Reformez. Que dans les Actes des Apôtres, & dans les Epitres de Jaint Paul, je trouvois l'établiffement formel des 1. Tim. ch Sacremens de la Confirmation & de Hebr. ch. 6. l'Ordre ; que dans l'Epitre de S. Jacques & la premiere de faint Jean, j'y rencontrois les préceptes indifpenfables, tant de la Confeffion auriculaire & détaillée, que de l'extrême Onition; que chap. 20. dans les mêmes Actes des Apôtres & chap. 5. dans la premiere Epitre de faint Paul à Timothée, j'y voyois les Evêques, nonfeulement établis pour le gouvernement des Eglifes; mais j'y découvrois encore une diftinction évidente entre l'Epif copat & la Prêtrife. Qu'enfin je ne trouvois dans toute l'Ecriture-Sainte, que des deffenfes expreffes de nous fier à la foibleffe de nos idées, & des ordres abfolus d'obéir aux décisions infaillibles d'une Eglife, dont l'autorité eft incontestable. En un mot qu'il m'étoit impoffible de comprendre, que des perfonnes qui fe piquoient de |