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ÉTUDES

D'HISTOIRE PRIMITIVE

Y A-T-IL EU DES HOMMES SUR LA TERRE AVANT

LA DERNIÈRE ÉPOQUE GÉOLOGIQUE?

I.

La question ici posée en titre a été déjà faite bien des fois, et chaque fois il y a été répondu par une négation. Pour soutenir que les hommes ne sont contemporains d'aucune des époques géologiques qui ont précédé l'époque actuelle, qu'ils n'ont jamais foulé que le sol que nous foulons aujourd'hui, qu'aucun des étages jadis frappés des rayons de notre soleil et maintenant enfouis dans les profondeurs ne les a portés, et qu'ils n'ont jamais eu à combattre et à vivre qu'avec les animaux qui peuplent nos campagnes, nos eaux et notre atmosphère, on s'est appuyé aussi bien sur les faits que sur la théorie. Il est en effet certain que des ossemens humains n'ont pas été trouvés dans les couches inférieures de l'écorce terrestre, ou du moins les trouvailles de ce genre ont été fort rares, et d'ordinaire incertaines et contestées. Tandis que les fouilles, sur des points très divers du globe, mettaient à nu les débris de toute espèce de plantes et d'animaux, elles ne produisaient aucun reste que l'on pût attribuer à la race humaine; fertiles en cela, elles demeuraient stériles en ceci. On sait que Montmartre, par exemple, est un véritable ossuaire qui contient toute sorte d'animaux effacés du

livre de vie. Jamais jusqu'à présent ne s'est rencontré pareil ossuaire pour notre espèce. De son côté, la théorie n'a eu aucune réclamation à faire contre ce résultat de l'expérience : l'étude a montré une hiérarchie entre les étages géologiques et les populations qui les occupent, c'est-à-dire que, dans les populations les plus profondes et par conséquent les plus anciennes, la partie supérieure de l'échelle de la vie y est bien moins développée, et que ce développement ne s'accroît et ne se complète qu'à mesure qu'on approche de l'état actuel. Dès lors il n'a pas semblé étonnant que l'homme, qui est le couronnement de la série biologique, ne parût pas dans les époques antérieures et parmi les existences préliminaires.

Toutefois, malgré cet accord apparent des faits et de la théorie, il s'est élevé de temps en temps des doutes contre la certitude de la décision qui excluait l'homme de toute existence géologique. Non pas que la théorie ait été le moins du monde ébranlée; elle reste ce qu'elle était auparavant. Un ordre hiérarchique préside à l'évolution de la vie, et la race humaine appartient à ce qu'il y a de plus récent, parce qu'elle appartient à ce qu'il y a de plus élevé en organisation; mais quelques faits qui se reproduisent avec obstination, et qui, sans être pleinement acceptés encore, obligent la science à se retourner pour en tenir compte, tendent à modifier ce que la décision première a de trop absolu. S'ils sont bien observés, si les conséquences qu'ils comportent sont tirées exactement, on admettra que l'homme est plus ancien sur la terre qu'on ne l'a cru, et que, sans descendre jusque dans ces formations où une faune si dissemblable de la nôtre occupait le terrain, il a vécu avec les mastodontes, avec les éléphans qui habitaient l'Europe, avec le cerf gigantesque dont on exhume les ossemens, avec l'ours, hôte des cavernes antediluviennes. Son origine se trouverait de la sorte reculée d'un âge tout entier, et un anneau de plus serait à insérer dans la série de la vie comme dans celle de l'histoire.

Les légendes des anciens hommes avaient placé, dans les espaces indéfinis qui dépassaient leur mémoire et leur tradition, les dieux et les demi-dieux, les géans et les titans, les héros nés dans de meilleures années, les patriarches à vie démesurément longue, les monstres qui dévastaient la terre, les léviathans, les chimères, les gorgones. C'est ainsi que l'imagination s'était complu à peupler ces régions du temps, prenant à ce qui faisait les croyances dans le présent de quoi remplir un passé ténébreux. Lorsqu'en fouillant la terre on rencontrait quelqu'une de ces reliques qui maintenant disent tant de choses, on ne s'arrêtait point à un fragment qu'on croyait semblable à tous les autres; ou, si par hasard le squelette bien conservé présentait des ossemens gigantesques, on le rattachait

sans difficulté à quelqu'un des géans qui avaient dominé sur la terre. Comment en effet la curiosité se serait-elle éveillée? Qu'est-ce qu'un os qu'on remue en remuant le sol? Tous les jours une multitude des habitans de notre planète, hommes, mammifères, oiseaux, poissons, lui rendent leur dépouille; si leurs ossemens disséminés de toutes parts se résolvent en terreau, qui empêche que çà et là quelques-uns échappent à la dissolution et viennent de temps en temps rouler sous nos pieds? Sans doute; mais lorsque l'œil fut devenu habile à regarder, ce qui avait semblé uniforme se caractérisa par des différences essentielles, et tout un monde étrange et réel apparut dans la longue perspective des âges primordiaux.

Les gisemens aussi, à qui aurait su voir, n'étaient pas moins distincts que la structure. Rien dans l'arrangement n'était fortuit. Chaque espèce d'os affectait un ou plusieurs terrains particuliers; point d'interversion, point d'irrégularité, et, dans une certaine limite, les o's caractérisaient les terrains, et les terrains caractérisaient les os. Mais qui pouvait songer à discerner, dans cet amas confus de pierres et de terres, des étages symétriquement disposés? Comme un architecte habile qui forme en assises les matériaux de l'édifice à construire, la pesanteur, la chaleur, l'action des eaux, en un mot toutes les forces qui président aux particules de la matière ont écarté de leur travail séculaire le hasard, et les couches de la terre se montrent arrangées comme il convient aux puissances qui les régissent. A leur tour, ces couches ainsi déterminées ont eu, au fur et à mesure qu'elles furent éclairées par le soleil, leurs propriétés spéciales pour l'entretien de la vie, et chaque étage, avant de devenir souterrain, a nourri des plantes et des animaux qui n'étaient faits que pour lui.

Il fallait beaucoup savoir pour s'intéresser à ce que la pioche découvrait en creusant la terre. Et d'abord les mathématiques devaient avoir acquis une grande consistance et habitué l'esprit à prendre confiance dans le résultat des spéculations abstraites. Sans les mathématiques, sans leur essor préliminaire, la porte restait inexorablement fermée. Encore que ne paraisse aucun lien entre Cuvier, qui, arrivé à temps et à point, exhuma les générations éteintes, et Archimède ou Euclide, qui méditèrent fructueusement sur les propriétés géométriques des courbes, il n'en est pas moins certain que, si ceux-ci et leurs nombreux et illustres successeurs n'avaient pas trouvé l'enchaînement du vrai dans les nombres et dans les formes, celui-là n'aurait jamais trouvé l'enchaînement du vrai entre les genres disparus et les genres existans.

Le premier résultat de ces recherches tout abstraites et tout éloignées, ce semblait, d'applications si considérables, fut quand les

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