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COMÉDIE.

ACTE TROISIÈME.

Le théâtre représente un paysage; à droite est une chaumière, à côté de laquelle est un banc de pierre; å gauche est un petit tertre couronné par un orme : il sort de cet endroit une source d'eau vive qui forme un bassin; derrière est une chaîne de hautes montagnes qui se perd dans l'éloignement. On voit à quelque distance le château seigneurial; un vaste champ de blé occupe le reste de la campagne.

SCÈNE I.

GENNEVOTE, ROSINE.

(L'aurore commence à paraître; on voit encore les étoiles. La cabane est ouverte; elle est éclairée par une lampe. Gennevote assise sur le banc, file sa quenouille. Rosine, dans l'intérieur de la maison, mesure un boisseau de grain.

GENNEVOTE.

ARIETTE.

Le tems passe, passe, passe,
Comme ce fil entre mes doigts;
Il faut en remplir l'espace,
Il est à nous autant qu'aux rois.

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Ma bonne maman, tenez,
Voilà le produit tout juste

Des épis qu'hier j'ai glanés

'Après les moissonneurs de cet homme si juste,

Du bon monsieur Candor.

GENNEVOTE.

Rosine, c'est fort bien :

Ménagez-vous pourtant; vous êtes délicate.

ROSINE.

Pour vous aider, dois-je négliger rien? J'ai de la force assez pour n'être pas ingrate. On voit du jour naissant la première lueur, Soufflerai-je la lampe à présent?

GENNEVOTE.

Oui, sans doute.

Lorsque l'on est dans le malheur,

La plus faible dépense coûte.

(Rosine va éteindre la lampe )

GENNEVOTE.

La pauvre enfant! Ah! quel état affreux!

ROSINE, entendant soupirer sa mère, revient avec émotion.

Maman, vous soupirez?

GENNEVOTE.

Je plains ta destinée :

Ma fille, tu n'étais pas née

Pour passer avec moi des jours si douloureux.

ROSINE.

Ah! j'ai pris mon parti, ma mère; tendre mère !
Si mon travail cessait, vous seriez dans les pleurs ;
Je vous verrais souffrir l'affront de la misère ;
Mes fatigues ont des douceurs.

ARIETTE.

Dès que l'aurore vermeille
Répand l'air frais du matin,
J'entends bourdonner l'abeille
Caressant la fleur du thym;
Les oiseaux, par leur ramage,
Annoncent des jours sereins;
Ils s'envolent du bocage,
Pour piller les premiers grains.
La glaneuse se contente
Des épis laissés aux champs;
La nature bienfesante

A soin de tous ses enfans.

GENNEVOTE.

Rosine... je voudrais t'appeler Mélincour ;
C'était le nom de ton malheureux père,
Qui, semblant réunir la fortune et l'amour,
Eut pour première épouse une femme étrangère.

ROSINE.

Je fus l'unique fruit d'une union si chère.

GENNEVOTE.

Mais tu perdis ta mère en recevant le jour.

ROSINE.

Ah! comme je l'aurais aimée!

Mais vous la remplacez; vous êtes dans mon cœur ; Et d'une belle-mère écartant la froideur,

C'est par le sentiment que vous m'avez formée.

GENNE VOTE, après un tems.

Je ne connus jamais l'ambition.
Cette chaumière était mon héritage.

Pour adoucir ma situation,

Melincour se garda d'emprunter le langage
Qui conduit l'indigence à la séduction.
Il voulut que sa main de l'amour fût le gage.
Je lui représentai que le monde sensé
Condamnerait ce mariage,

Qu'on le trouverait déplacé.

Ma franchise le fit insister davantage;
Cet hymen par l'honneur lui semblait assorti
J'étais pauvre, mais j'étais sage;

Je lui parus un bon parti.

ROSINE.

Sa vie avec nos biens périt dans un naufrage.

SCÈNE II

RUSTAUT, GENNEVOTE, ROSINE.

RUSTA UT, sans être vu.

ALLONS, allons, courage,
A l'ouvrage, à l'ouvrage.

COEUR DE MOISSONNEURS qui ne paraissent point en

core.

Allons, allons, courage,
A l'ouvrage, à l'ouvrage.

RENNE VOTE.

Je te connais une ressource encor:

Melincour et monsieur Candor

Étaient cousins-germains: va le trouver, ma fille;
Candor est honnête homme, il aime sa famille.

Je n'oserais.

BOSINE.

GENNEVOTE.

Il sera le premier....

ROSINE.

Monsieur Candor a l'ame bienfesante
Tout le village aime à le publier;

Mais si nous lui disions que je suis sa parente,
Il pourrait s'en humilier.

GENNEVOTE.

Eh! oui, la vanité souvent trouve son compte
Dans des secours auxquels on n'est pas obligé;
Mais quand dans l'indigence un parent est plongé,
C'est un créancier qui fait honte.

D'ailleurs, tu sais bien qu'un procès
Pendant toute leur vie a désuni leurs pères.

ROSINE.

Faut-il qu'à de vils intérêts,

Plutôt qu'à leur amour on distingue des frères !

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