GENNEVOTE. Les haines sont héréditaires. ROSINE. Mais de votre côté n'est-il pas un moyen De vous procurer plus d'aisance? Il reste quelques fonds. GENNEVOTE. Un douaire est un bien Que je pourrais réclamer, je le pense; C'est en vain que la loi justifirait mes torts: Et le bonheur de satisfaire A la mémoire d'un époux, Vaut beaucoup mieux que mon douaire. SCÈNE III. GENNEVOTE, ROSINE, RUSTA UT, et une partie des moissonneurs. (Les moissonneurs se préparent à travaiHer; Gennevote et Rosine rentrent leurs ustensiles dans la cabane.) RUSTAUT, à un jeune moissonneur. Jeune homme, il faut dans ton printems Et toi, dont la faiblesse est l'effet de tes ans, Je ne vois pas encor tous nos seyeux. Je vais rabattre un quart de jour à ceux ROSINE. Ma mère, on vient de toutes parts: RUSTAUT, au milieu des moissonneurs. Je n'ai pas encor tout mon monde. Sans cesse il faut que je fasse ma ronde. SCÈNE IV. CANDOR, suivi du reste des moissonneurs, RUSTAUT, GENNEVOTE, ROSINE. CANDOR. LES voici, mon ami Rustaut; Tu te fâches toujours trop tôt. On n'excite au travail qu'en offrant des amorces : Ces gens viennent de loin pour leur donner des forces, Je les ai fait bien déjeuner. RUSTAUT. Et qu'ils travaillent donc. CANDOR. Là, c'est ce qu'ils vont faire. Ta dureté dément ton caractère : Je te connais humain ; mais ton air est grossier. Que tu sois sans cesse en colère. RUSTAUT. Mais ce n'est que pour votre bien. Puisque vous le voulez, je ne dirai plus rien. (Il va au fond du théâtre avec les moissonneurs, et les disperse de côté et d'autre.) CANDOR. (Pendant l'ariette suivante, les moissonneurs coupent les blés dans le fond du théâtre; Rosine les suit et glane.) ARIETTE. Heureux qui, sans soins, sans affaires, Le plus simple toît de ses pères Vaut mieux que l'éclat des palais : Ma terre rend avec usure Et j'observe que la nature N'est qu'un échange de bienfaits. Que les grands près de nous se rendent, Heureux, qui sans soins, sans affaires, etc. votre air chiffonné. Vous perdez avec moi vos mines gracieuses. Imitez les autres glaneuses. ROSINE, laissant tomber les épis qui sont dans son tablier Monsieur, ne grondez pas si fort. CANDOR, bas à Rustaut. Pourquoi la chagriner? elle est jolie et sage. Pour qu'elle en glane davantage. (Pendant ce tems, Rosine essuie avec son tablier de petites larmes qui coulent de ses yeux.) RUSTAUT. Hom! vous êtes trop bon. CANDOR. Tais-toi. On s'enrichit de ce qu'on donne; Ramasse ces épis; fais ce que je t'ordonne. RUSTAUT, en remettant dans le tablier de Rosine les épis qu'elle a laissés tomber. Prenez donc tout le champ, puisque Monsieur le veut. ROSINE. J'en userai d'une façon prudente. CANDOR, à part. Sa douceur me touche et m'émeut.... SCÈNE V. DOLIVAL, CANDOR. DOLIVAL. Ea! bonjour, mon cher oncle. CANDOR. Ah! Dolival, c'est toi. Je ne t'attendais pas; mon ami, je te voi DOLIVAL. Je me suis dérobé pour faire une tournée. Il faut bien que Paris se passe un peu de moi. (Regardant de côté et d'autre avec inquiétude,, mais sans affectation: ) Certaine affaire.... il faut qu'elle soit terminée.... J'ai toujours pour la chasse une ardeur effrénée. CANDOR. La plaine n'est pas découverte, |