(Il aperçoit le bon vieillard Guillot qui puise de l'eau à la fontaine, pour se désaltérer.) Arrêtez, bon homme, arrêtez; Qu'allez-vous boire'? LE VIEILLARD. De l'iau fraîche, Tout sortant de sa source, et c'est un vrai régal. Quoi! vous me l'ôtez? CANDOR. Oui; vous êtes tout en nage, Accablé de fatigue, et surtout à votre age, La fraîcheur de cette eau peut vous faire du mal. LE VIEILLARD. Ah! Monseigneur, qu'vous avais l'ame bonne ! Vous daignais vers le pauvre adresser un regard. CANDOR. Hola, Rustaut, approche et donne LE VIEILLARD. Ah! Monseigneur, ça ne peut pas se croire! Quoi vous ne comptez pas mes pauvres jours pour rien? Vot' bonté me fait plus de bien, Que le vin qu'vous me faites boire. CANDOR. Le soleil darde ici trop fort, mon cher Rustaut : RUSTAUT. C'est bien dit; nous aurons moins chaud. CANDOR. 'Attends, attends; je vais les conduire moi-même. LE VIEILLARD. Queu bon Seigneur! le ciel nous l'a donné. CANDOR. Pendant ce tems, ordonne leur dîné. Ah! ces pauvres gens, je les aime; Je veux manger sans façon avec eux. Ce repas-là sera joyeux, Et nous serons entre nous autres. Si mon neveu se croit trop grand seigneur, D'être aujourd'hui des nôtres; Tù le feras servir séparément, Il s'ennuîra seul noblement. Écoute, écoute encor : Gennevote et Rosine RUSTAUT. J'imagine Que vous voulez devenir leur soutien. C'est bien fait; je suis bon, et ne m'oppose à rien; Obliger n'est jamais une dépense folle. J'ai du plaisir, quand vous faites du bien; Je suis brutal quand on vous vole. ( Il sort. ) 140 LES MOISSONNEURS. ACTE I, SCÈNE VII. SCÈNE VII. CANDOR, aux moissonneurs. ARIETTE. ENFANS, laissez votre ouvrage ; Pour moissonner à l'ombrage Que répandent ces ormeaux. Je remplis les lois certaines Venez, venez près des côteaux, etc. Conservez-vous pour me plaire.... Et c'est veiller sur mon bien. Venez, venez, etc. (Les moissonneurs viennent à la voix de Candor; il les emmène pour travailler de l'autre côté de la montagne. FIN DU PREMIER ACTE. Quand je vous dis Que vous me faites de la peine; Laissez-moi m'en aller. DOLIVAL. Je vous chéris. ROSINE. Tant pis Voyez, quand vous m'aurez fait perdre ma journée, En serez-vous plus avancé? Oui. DOLIVAL. ROSINE. Quand de la moisson le tems sera passé, Oui. DOLIVAL. ROSINE. Serez-vous bien plus heureux, Lorsque je passerai ma vie à ne rien faire? Oui. DOLIVAL. ROSINE. Pour moi c'est tout le contraire : L'oisiveté rendrait tous mes jours ennuyeux, ARIETTE. Pendant toute la semaine Je mets mon corps, je me lace, Je me pare de bluets; En dansant je me délasse, Et je ris les jours d'après. DOLIVAL. Je soutiens que le sort ne vous a pas fait naître Pour consumer vos jours à travailler ainsi. |