ROSINE. Eh bien! moi, je vous dis que si. Je le sais mieux que vous, peut-être. Adieu, Monsieur. DOLIVAL. Pourquoi cette rigueur? Par quel entêtement voulez-vous vous soustraire Moi, beaucoup plus encor, Et je suis un autre lui-même. Oui, j'aurai soin de votre sort. Venez.... comment! vous êtes défiante ?, DOLIVAL. Il faut qu'apparemment vous ayez un cœur dur. ROSINE. Ma mère assurément me justifirait bien. Ce qu'elle fait pour moi me rend heureuse : Ma chère enfant, vous avez tort. ROSINE. Permettez-moi d'aller chercher ma mère. Elle est déjà sur l'âge, et c'est avec effort Qu'elle prend une peine à sa santé contraire. Moi, je suis jeune assez pour travailler encor. Réservez-lui le bien que vous voulez me faire. Cela ne se peut pas. DOLIVAL. ROSINE. Je comprends, pour le coup. Vous n'avez pas pitié des vieilles. DOLIVAL. Pas beaucoup. SCÈNE II. ROSINE, DOLIVAL, GENNEVOTE. ROSINE, à Gennevote. Vous venez à propos, maman: prenez ma place. De ce monsieur la bonté m'embarrasse ; C'est un bien honnête homme, au moins, ce monsieur-là ! On en trouve pourtant beaucoup de cette sorte, Je fais le plus grand cas de votre connaissance, : GENNEVOTE. Eh! qui peut, s'il vous plaît, vous donner ce désir? DOLIVAL. Je suis touché de voir votre malheur ; Je veux que vous soyez contente. GENNEVOTE, à part. Je l'ai toujours pensé, c'est un franc séducteur. Cette promesse surprenante.... Opéras-Com. en vers. 2. 13 DOLIVAL. Comment donc ? vous avez une fille charmante ! GENNEVOTE. Ah! votre compliment doit beaucoup me flatter. DOLIVAL. AIR. Que Rosine est touchante et belle! Sa figure, douce et naïve, Est semblable à la fleur des champs, Mais, pour plaire encor davantage, L'Amour est le Zéphir des belles; GENNEVOTE. La morale est assez gentille! Elle tend à former le coeur ! Et, si j'y consentais, vous me feriez l'honneur D'être le Zéphir de ma fille. Vo'r les travaux flétrir ses attraits enchanteurs, Des épis que les moissonneurs Laissent tomber par négligence? GENNEVOTE. Pour d'autres ce n'est rien; pour nous c'est abondance. DOLIVAL. Sans s'exposer aux soupçons, aux mépris, Rosine, j'en suis sûr, trouverait dans Paris Les ressources les plus honnêtes. GENNEVOTE, ironiquement. Les connaissez-vous bien ? DOLIVAL. Sitôt qu'on la verrait, Ses charmes tourneraient les têtes. GENNEVOTE. Peut-être en même tems la sienne tournerait. DOLIVAL. Eh! non, ma bonne, non: Paris est une ville Rosine, avec honneur, vivrait dans la maison De quelque dame respectable. GENNE VOTE. Vous voulez dire secourable. DOLIVAL. Elle ne manquerait de rien. |