GENNEVOTE.

Elle regretterait alors sa pauvre mère.

Mon bonheur lui tient lieu de bien,

Ce fut dans tous les tems son premier nécessaire.

DOLIVAL.

Elle se ferait une loi

De vous tirer de l'indigence.

GENNEVOTE.

Je ne la verrais pas, Monsieur, et sa présence
Est le plus grand secours pour moi.

DOLIVAL.

Elle serait heureuse et respectable :
On lui trouverait un parti.

GENNEVOTE.

Ce n'est pas le mot véritable.

DOLIVAL.

Et quel est-il donc ?

GENNEVOTE.

Le voici :

On lui proposerait de lui faire un parti.
Dans un état obscur, Rosine a l'ame haute;
Et je lui dis souvent, comme une vérité,
Qu'on supporte la pauvreté

Bien plus aisément qu'une faute.
J'aime bien mieux la voir regagner la maison;
Chantant gaîment une chanson,

Et portant lestement sur sa tête une gerbe,
Que de la voir parée, à sa confusion,
D'un assortiment cher et d'un habit superbe.
Son éclat troublerait notre douce union.

Un argent mal acquis est toujours un mécompte.
Rosine est assez riche avec un bon renom.

J'aime mieux pour secours ses peines que sa honte. (Elle rentre dans la cabane.)

SCÈNE IV.

DOLIVAL, seul, interdit.

PEUT-ON penser si bien dans un état si bas!

Parbleu ces femmes-là m'étonnent...
D'honneur, je ne les conçois pas...

Voyons, sans qu'elles me soupçonnent....
On ne peut les séduire; il faut donc les gagner.
Oui, je ne veux rien épargner.

SCÈNE V.

DOLIVAL, RUSTAUT.

DOLIVAL, appelant Rustaut, qui traverse le théâtre. RUSTAUT, Rustaut, écoute, arrête.

RUSTAUT.

Non, bientôt pour nos gens c'est l'heure du dîner,
Et je vais voir si l'on s'apprête....

DOLIV AL.

Je ne veux qu'un moment, tu peux me le donner :
Voilà quatre louis pour arrêter ta course.

Pour qui?

RUST AUT.

On dit que leur état est vraiment malheureux,
Qu'elles ont besoin de ressource.

RUST AUT.

Ah! que j'ai de plaisir à vous voir vertueux
Et prompt à soulager les gens dans la détresse !
Vous tenez de votre oncle,

Vous plairez bien à l'oncle, en agissant ainsi.

DOLIVAL.

Madame Gennevote est un peu trop sévère.

RUSTAUT.

Elle a bien du mérite! et Monsieur la révère.

DOLIVAL.

Et Rosine?

RUSTAUT.

Monsieur l'estime fort aussi.

Il la distingue, il la préfére

A toutes les files d'ici.

DOLIVAL.

J'entends, j'entends.... il la préfère.

RUSTAUT.

Lorsque je dis qu'il la trouve à son gré,
Je n'entends point y mettre de mystère.

DOLIVAL, à part.

'Ah! mon pauvre oncle !... A son âge on préfère; Mais au mien l'on est préféré.

C'est assez. Observateur fidèle

Et de leurs actions, et de tous leurs discours,
Il faut m'en rendre compte, et cela tous les jours
Mes libéralités égaleront ton zèle.

N'en dis rien à mon oncle.

RUSTAUT.

Oh! non..

SCÈNE VI.

RUSTAUT, seul.

JE me défie un peu de son intention.
J'appartiens à son oncle, et le devoir m'engage
A l'informer de ma commission;

Je ne veux point jouer un vilain personnage,
Quoique cela soit fort commun.

On n'est libéral, à son âge,
Que pour faire pièce à quelqu'un.

ARIETTE.

Argent, argent, maître du monde,
Tu règnes sur tous les états;
Tous les jours, en fesant ta ronde,
Tu fais faire bien des faux pas.
A nos devoirs tu mets un terme ;
La vertu, loin de tes attraits,
Qui sur ses jambes se tient ferme,
S'y tient bien mal quand tu parais.
Argent, argent, etc.

SCÈNE VII.

CANDOR, RUSTAUT.

CANDOR.

En bien! as-tu quelque chose à m'apprendre ?